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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


La vengeance est un plat qui se mange devant la console.

The Revenge of Shinobi

The Revenge of Shinobi

The Super Shinobi / ザ・スーパー忍 (Japon)
Suppléments:

Voyages avec mon Ninja


Altered Boss

 Mega Drive

Développeur:
Sega

Editeur:
Sega
Genre:
Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
02.12.1989 Japon
1989 USA
09.1990 Europe
très dur Difficulté:

88%Graphismes
80%Animation
85%Son
90%Jouabilité
88%Durée de vie

87%87%
Trucs et astuces

Shurikens infinis:

Dans le menu d'options, sélectionnez 00 shuriken et attendez. Au bout de dix secondes, les chiffres se changeront en symbole de l'infini.

La tendance d'alors était de faire tout
aussi difficile que possible.

Rieko Kodama
Designer de Sega


Si cette remarque ne s'adresse pas à The Revenge of Shinobi mais au premier Phantasy Star, elle s'y applique pourtant encore mieux. La difficulté des jeux d'action Sega, digne héritière ou mauvaise habitude de l'arcade selon les goûts, qui s'était bien cramponnée sur 8 bits continue d'y exercer son influence. Ce n'est pas nécessairement la caractéristique Sega qu'on était le plus impatient de retrouver dans ce premier grand titre Mega Drive; elle prouve au moins que la phrase coup de poing "Sega c'est plus fort que toi" n'était pas juste un slogan mais la vérité brute.

Sorti fin 1989 au Japon, c'est à dire juste dans la continuité des productions Master System qui s'éteignaient, The Revenge of Shinobi fut l'un des titres à suivre le lancement de la console, et, en Europe et aux Etats-Unis, l'un de ses principaux acteurs. Il avait la particularité d'être la suite d'un jeu d'arcade mais de ne pas en un être lui-même, qualité qu'il partageait avec Space Harrier II. Chose curieuse pourtant, il n'est jamais fait mention de suite, le chiffre 2 n'apparaît nulle part, pas même au Japon où le jeu s'appelle simplement Super Shinobi, surnom qui lui va très bien d'ailleurs puisqu'on peut faire un certains nombres de rapprochements avec le jeu original.

S'agirait-il alors plutôt d'un remake que d'une suite ? Pas d'après le scénario, qui situe l'action trois ans après les événements de Shinobi. On retrouve la même organisation qui porte maintenant le nom de Neo Zeed (juste Zeed dans le jeu précédent, on ne vous fera pas l'affront d'expliquer le suffixe "neo") et, s'il est toujours question de kidnapping, ce ne sont pas les enfants du clan Oboro qui y sont passés cette fois mais la copine de Joe Musashi, la jolie Naoko avec ses petits seins pointus (qu'on ne voit jamais, désolé, c'était dans ma tête). Sur 1UP, on aime tout de même à garder à l'esprit l'hypothèse d'une espèce de grand remake parce que de nombreux éléments sont réutilisés tels quels, que ce soit les niveaux (la maison japonaise, l'usine, la ville...) ou les boss (le samouraï, le ninja masqué).

Ah oui, j'allais oublier, le maître de Musashi a aussi été tué ! C'est important tout de même puisque c'est sur quoi se concentre l'intro. Meutre et kidnapping, franchement les méchants n'ont pas vu assez de films de kung fu, ils ne savent pas que ça met le héros hors de lui ces choses-là. Musashi est certainement très en colère, mais qu'il ait été trop pressé ou trop sûr de lui on ne peut pas dire qu'il soit parti bien préparé. Ses poches ne contiennent que quelques dizaines de shurikens (orthographiés "shurikins" dans le jeu, prononciation ignare très américaine) et surtout, bourde énorme pour le mythe du ninja censé se fondre dans la nuit, il a oublié de changer de vêtements et porte une tenue blanche encadrée de rouge aussi voyante qu'un pustule bien mûr sur le bout du nez !

Ce n'est pas tout à fait une gaffe, bien entendu. C'est vrai qu'il n'y a pas un seul niveau enneigé ou blanc qui justifierait cette couleur, c'est vrai aussi que dans l'intro comme dans le jeu précédent il est habillé en noir. Mais justement, dans Shinobi sur Master System et en arcade, diriger un sprite de couleur sombre obligeait les créateurs à se servir de fonds très clairs pour éviter que le personnage se confonde avec le décor. C'est sans doute pour éviter de répéter ce sacrilège esthétique d'un jeu de ninja aux couleurs vives que Musashi, qui n'a pas peur de se montrer, est désormais vêtu tout de blanc. D'une certaine manière, le contraste était nécessaire: si l'art du ninja consiste à se dissimuler, à devenir invisible, il ne faut quand même pas qu'il échappe aux yeux de ceux qui le contrôlent.

Et puis il y a l'influence américaine. Le ninja moderne est plus ou moins une création d'outre-Atlantique, modelée par la vague de films d'arts martiaux des années 80; le costume blanc est sans doute venu de là-bas aussi. Si notre shinobi porte un nom de famille japonais et un prénom anglais, c'est là encore pour refléter cette dualité d'origine, tout comme son voyage qui l'emmène du Japon à traver les Etats-Unis (voir le supplément). C'est peut-être également pour ça que The Revenge of Shinobi, plus encore que son prédécesseur, a parfois du mal à se prendre au sérieux. La brève intro pourtant est grave et belle. Le jeu aussi dans son premier niveau, même si les ninja verts pastels et l'immense samouraï à la pose de danseur suggèrent déjà une légère anomalie.

Puis, graduellement, ça part en vrille: des ninjas avec des ailes de chauve-souris apparaissent, suivis de portraits crachés de Jackie Chan et Rambo, des minettes en mini-jupe rouge et bottes hautes arrachent leur déguisement de nonnes, on se bat dans une discothèque à l'éclairage stroboscopique assommant (l'un des pires designs de Sega), une infanterie tout droit sortie de la première guerre et ressemblant à ces petits soldats de plastique prend la relève avant d'embarquer dans un avion futuriste piloté par un cerveau humain. De la folie ! Une grosse ineptie qui culmine avec les boss: le Terminator, Spider-Man (dont la toile d'ailleurs sort de l'entre-jambe; on ne saurait dire exactement par quel trou, on vous laisse le soin de l'imaginer), puis Batman et enfin Godzilla sans sa crête, ces deux-là remplacés par des créatures encore plus bizarres dans les différentes révisions que le jeu aura connu.

Sega a une idée bien légère du ninja qui ne gâche en aucune manière le jeu mais ne peut manquer de surprendre. C'est un bazar de créations farfelues qui n'ont pas de rapports entre elles, la cohérence est jetée par dessus l'épaule comme une vieille chaussette. Les auteurs sont décidés à s'amuser et pour les Japonais semble-t-il, le ninja est un personnage qui se prête parfaitement à cela (Jajamaru-kun et Goemon confirment le peu de cas qu'ils font du vieil espion). Tout à l'inverse de ce game design insouciant, la jouabilité est très stricte et formelle, beaucoup plus "ninja" que l'univers de jeu. Le nombre de shurikens limité, que l'on peut définir dans le menu d'options, s'épuise rapidement si on ne joue avec une précision meurtrière. Assurément, ce n'est pas un kill'em all.

Il faut aussi apprendre à manier à la perfection les trois autres techniques clefs du shinobi: l'attaque de proximité au kunai (dague) ou au katana (sabre), le tir en rayons du double saut qui projette 8 shurikens d'un coup pour se tailler un chemin dans les passages trop bien gardés, et la précieuse protection offerte par les kunai lorsqu'on marche. Toutes ont plus d'une occasion de servir et démontrent le rôle peut-être un peu trop crucial du power-up, un bonus que l'on perd dès qu'on se fait toucher mais qui lui seul permet d'augmenter les dommages et d'utiliser le katana et la défense. Comme dans le jeu précédent, il est possible d'avancer en position basse; se baisser est cependant beaucoup moins efficace pour éviter les tirs adverses qu'auparavant.

Le système de basculement est également de retour, quelque peu remanié. En effectuant un grand saut dans certains rounds, on peut changer de plans, se retrouver devant ou derrière le grillage. Chaque plan contient ses propres ennemis qui ne peuvent nous atteindre que quand on se trouve de leur côté, le but étant alors de choisir une voie ou l'autre en fonction des obstacles. L'idée est pourtant loin d'être bonne et les deux niveaux qui en font usage, la base militaire et l'autoroute, sont parmi les plus difficiles à jouer à cause de la confusion créée par ces alternances brutales de plans. Si on arrive assez bien à déterminer en pleine action où se situent les ennemis, il en va autrement avec les tirs et les projectiles. Le fait aussi que le double saut serve de déclencheur produit souvent des résultats non souhaités et non souhaitables.

Clairement la difficulté a monté d'un cran, en particulier au regard des premiers niveaux. Les ennemis bougent beaucoup et leurs minuscules shurikens oranges qui sillonnent l'écran sont une plaie à éviter. On possède heureusement des pouvoirs, les "Jitsu", qui seront familiers aux fans de Naruto (, "jutsu" en fait, encore un mot écorché par le jeu). Musashi en possède quatre: Ikazuchi, Karyu, Fushin et Mijin, respectivement un bouclier fait d'éclairs, des dragons de feu, une amélioration du saut et une drôle d'explosion kamikaze. Sympatoche mais ce n'est pas Golden Axe. Les boss sont un aspect intéressant du jeu car ils sont a priori très difficiles: le samouraï est bien protégé derrière son épée, le cerveau derrière ses rayons lasers, le Terminator devient une menace dès qu'on s'approche, Godzilla n'arrête pas de cracher du feu, et Zeed, le boss final, fait tournoyer sa chevelure blanche comme un moteur à hélices. Pourtant, les boss, tous autant qu'ils sont, sont vulnérables à un type de technique qui une fois trouvé et appliqué convenablement permet de s'en débarrasser rapidement.

Plus difficile, le jeu est aussi bien plus long. Si la formule "deux niveaux sans rapport puis un boss" est reprise, le nombre de rounds est passé de 5 à 8. La conclusion a lieu dans un grand niveau très 8 bits, rempli de portes communicantes numérotées en japonais, une sorte de club privé du ninja éclairé à la torche. Ce n'est pas le seul moment où l'influence de la génération précédente se fait sentir. Même le graphisme, qui est pourtant bien plus proche d'un jeu d'arcade que d'une Master System, n'y échappe pas complètement: il y a quelques fonds noirs et surtout les personnages, y compris Musashi, ont des poses peu naturelles, très guindées. La faute en partie à l'animation assez rêche des ennemis; à l'armée, les soldats n'ont appris que deux choses: s'accroupir et lever le bras.

Mais il ne faut pas non plus noircir le tableau. Par sa diversité, le graphisme est l'un des atouts de The Revenge of Shinobi, plus encore à l'époque où c'était une vitrine alléchante des capacités de la console. Les sprites sont de bonne taille, les décors fouillés, et chaque niveau, complètement différent du suivant, ne nous est jamais resservi sous une forme ou sous un autre, comme dans un jeu d'arcade. Malgré son game design un peu frivole, c'est un beau jeu. Il n'est pas mauvais musicalement non plus, grâce à Yuzo Koshiro dont nous vous avions déjà parlé dans le test de Streets of Rage. C'est le bonhomme dont le nom apparaît à l'allumage (ou à l'écran titre selon les versions), quand bien même aucun autre membre de Sega n'est crédité puisqu'il n'y a pas de générique de fin. Comme d'habitude, ses compositions souffrent d'inégalité et on peut en isoler certaines: la partie textuelle de l'intro (Long Distance), le premier niveau (The Shinobi), les boss, Over the Bay et une ou deux autres, qui sont indiscutablement les meilleures.

On ne peut nier que The Revenge of Shinobi est autant le digne héritier du jeu d'arcade que de la version Master System. C'est tout à l'honneur de la Mega Drive qui se veut l'intermédiaire des deux machines. Malheureusement, ce n'est pas un jeu qui rigole. Si les ninja existaient encore aujourd'hui, ils y feraient sans doute jouer leurs jeunes disciples pour éprouver leur aptitude et leur sang-froid. La difficulté, souvent ô combien frustrante pour une variété de raisons dont les principales sont les tirs et la position des ennemis, demande un timing inhumain qui n'est qu'amplifié par la nécessité de conserver ce power-up sans lequel on n'est rien. Il aurait été tellement plus simple d'en faire la configuration de base ! Les quatre modes de difficulté, qui se contentent de doser les vies, ne changent rien à cela.

En outre, tous les niveaux ne sont pas égaux. Si certains sont amusants à jouer malgré leur difficulté, d'autres ne le sont pas du tout (rounds 3 et 5). Le jeu ne s'apprécie vraiment que quand on le maîtrise sur le bout des doigts, pas autrement. Au fond, ce Super Shinobi, comme Strider, est un jeu d'action typique des débuts de la Mega Drive: le graphisme dans son genre est assez beau, les sprites sont larges, l'action variée, mais il pèche par son animation et sa difficulté. Il subit sur certains points l'influence — ici mauvaise — de ses ancêtres, l'arcade et les 8 bits. C'est un jeu 16 bits qui n'arrive pas encore à se trouver, qui ne sait pas encore ce qui définit un jeu 16 bits. Qu'on se rassure, ce sera pour plus tard, avec les autres tentatives que seront Shadow Dancer et surtout Shinobi III.

le 20 mars 2009
par sanjuro



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