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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NINTENDO (16-bit)


Quoi de neuf dans le rétro, docteur ?

Bugs Bunny Rabbit Rampage

Bugs Bunny Rabbit Rampage

ルーニー・テューンズ バックス・バニー はちゃめちゃ大冒険
(Looney Tunes Bugs Bunny Hachamecha Daibouken, trad: "Une Aventure Frappadingue")
Suppléments:

Ça Cartoone !

 Super Nintendo

Développeur:
Viacom New Media

Editeur:
Sunsoft
Genre:
Plates-formes

Joueurs:
1P

Dates de sortie
02.1994 USA
05.1994 Europe
24.06.1994 Japon
dur Difficulté:

90%Graphismes
90%Animation
83%Son
72%Jouabilité
80%Durée de vie

82%82%

Nous avions déjà eu l'occasion de vous parler des deux Sunsoft, le Japonais et l'Américain, celui de la période NES et celui de la période Super Nintendo, différents comme l'eau et l'huile. C'était lors du test d'Aero the Acro-Bat. Rabbit Rampage est l'oeuvre du Sunsoft américain et lui aussi est représentatif de ce grand bouleversement. L'évolution de Sunsoft, c'est deux parties irréconciliables comme deux pièces d'un puzzle différent, presque comme deux visages regardant dans des directions opposées, l'un souriant vers le passé, l'autre regardant tristement vers l'avenir, et ayant comme point d'intersection 1992.

Au sortir des années 8 bits, grâce à quelques jolies victoires créatives remportées auprès des joueurs, Sunsoft se positionne comme un éditeur de haut niveau, quelque part entre Capcom et Konami. Jusqu'ici, la plupart de leurs jeux étaient développés en interne, au Japon. Les deux changements cruciaux, pour ne pas dire fatidiques, qui auront lieu à l'ère 16 bits seront de réduire ces développements internes et d'engager des équipes américaines, Iguana, Icom, Viacom, pour la réalisation de jeux adaptés de cartoons ou en ayant l'esprit. Sunsoft renonce à sa maturité, se concentre sur la publication, et cela ne leur réussit pas. Quelques-uns de leurs titres japonais les moins obscurs seront exportés (Lemmings et Hebereke), tandis que leurs productions américaines connaîtront une réception mitigée. Sunsoft chut des hautes sphères, droit dans ces sables mouvants où surnagent les éditeurs moyens.

Voilà, Elmer Fudd ne l'aurait pas mieux expliqué. Ne vous inquiétez pas cependant, si nous avons ici l'occasion de discuter des malheurs de Sunsoft, ou surtout ceux du joueur en fait, nous n'oublions pas qu'il s'agit d'un jeu Bugs Bunny et donc, comme il se doit, fou, fou, fou ! Encore qu'avant Sunsoft, il faut rappeler que c'est Kemco qui s'occupait du lapin et leurs jeux Bugs Bunny, dont la fameuse série Crazy Castle, n'étaient pas exactement d'une qualité folle, folle, folle, quand on y pense. Au générique de Rabbit Rampage, on ne trouve donc que des noms américains. Ils ne sont pas nombreux d'ailleurs, le sein de l'équipe se compose de trois ou quatre personnes qui ont toutes mis la main au design, lui considérable.

On le comprend vite en y jouant, Rabbit Rampage développe le style des précédentes adaptations de toons Warner, style nouveau qui se caractérise par une grande fidélité au matériel original, un design imposant et ostensiblement animé, et puis, malheureusement, une jouabilité guindée, courbatue comme un lapin qui aurait trop bondi. Tout le contraire du vieux Sunsoft qui se vautrait dans l'infidélité, se délectait à peindre finement, et nous clouait sur place par la précision de ses commandes. Mais la fidélité a aussi du bon, parfois. Quand le sujet est de la trempe d'un Bugs Bunny par exemple; 70 ans de bons et joyeux services, plus de 160 dessin animés dont des merveilles réalisées par Chuck Jones, son curriculum est aussi long que ses oreilles.

Rabbit Rampage bâtit son univers autour de plusieurs de ses aventures cinématographiques, puisant ici et là des décors, des personnages, des situations et même un peu de scénario dans un épisode homonyme (cf. le supplément). Le but avoué étant de retranscrire les gags et l'esprit loufdingue des cartoons. Il y réussit assez bien visuellement, les niveaux sont très différents les uns des autres et assez riches en termes de contenu. Ce qui fait la plus forte impression dans ce domaine sont toutefois les sprites, ils sont énormes ! Bugs Bunny occupe bien un tiers de la hauteur de l'écran à lui tout seul, alors que le personnage le plus petit est à peine moitié moins grand. Et les adversaires les plus larges ne sont pas tous nécessairement des boss, comme la sorcière de la forêt, qui passe à intervalles réguliers pour jeter un sort.

Les auteurs misent sur l'effet produit par ces dimensions extrêmes. Chaque niveau a son lot de "gigantesque" et ils lui en dédient même certains: ces deux colosses que sont le taureau et le boxer ont chacun le leur. Et il faut les voir courir, s'étirer, frapper, avec toute l'amplitude excessive propre aux corps en caoutchouc. La fluidité de l'animation n'est certes pas au-dessus de la moyenne, on est bien loin d'Aladdin sur Mega Drive par exemple, mais les phases qui la composent sont remarquablement bien chosies — encore que pour s'en rendre compte, pour admirer ce coup de pied de Bugs ou les tourbillons de Taz, il faille souvent faire la pause. Le décor est en retrait par rapport aux frasques des personnages, il manque parfois de variété; il y a du bon et du moins bon mais il ne procure pas la même satisfaction. On ne peut s'empêcher de penser que c'est parce qu'ici les designers sont livrés à eux-mêmes. Les cartoons d'alors utilisaient des décors trop abstraits pour être réutilisés dans le jeu, aussi ont-ils dû créer les leurs et l'exécution n'est pas toujours irréprochable.

Derrière l'hystérie irrépressible des toons, il y a un jeu de plates-formes plutôt traditionnel. A part les deux niveaux mentionnés précédemment, les autres sont de forme plus classique et l'on doit simplement trouver son chemin vers le boss ou la sortie. Bugs dipose de plusieurs moyens de défense; trois sont innés: la tarte à la crème et le coup de fesses, qui sont les coups faibles, et le coup de pied, qui est un peu plus fort. Les fesses de lapin sont décidément bien rembourrées puisqu'elles servent aussi à rebondir, technique qu'il est requis de maîtriser dans le dernier niveau. Par ailleurs, on ramasse des objets, des bâtons de dynamite, des bombes, des tomates, et d'autres contextuels comme l'enclume, le miroir ou la confiture, qui n'apparaissent que dans le niveau présent. Une excellente idée pour revigorer l'action. Malheureusement, la jouabilité est loin d'être optimale, et cela en particulier dans les interactions avec les ennemis.

Ce n'est pas un problème de précision, c'est plus délicat que ça. Peut-être est-ce parce que les coups de Bugs partent trop lentement, la faute à ses animations plus complexes que la moyenne, ou parce que les attaques adverses font facilement mouche, toujours est-il qu'on ne s'amuse pas à combattre. En fait, on est souvent tenté de sauter par dessus le toon et de poursuivre son chemin car l'affrontement n'en vaut pas les dommages. Si les développeurs n'avaient pas été aussi généreux en vies, recharges comme 1UP, qu'on trouve en abondance, le jeu avait le potentiel pour devenir un de ces cauchemars de difficulté qu'on laisse vite tomber. Mais il faut reconnaître qu'ils ont fait de très bons choix: continus limités, possibilité de commencer avec 10 vies, longue barre d'énergie, ennemis corporellement inoffensifs, items que l'on garde en mourant, et surtout deux idées décisives. D'abord, un point de continu en forme de panneau que l'on peut planter n'importe où, ce qui permet d'éviter bien des misères (pourvu qu'on se rappelle de l'utiliser !), et les dommages infligés aux boss qui restent en mémoire même si l'on se fait tuer durant le combat.

Sans pour autant penser qu'il est facile, on sent qu'il est juste. Ce qui l'est peut-être moins, et se place comme le second défaut après la jouabilité, est le level design et surtout les inégalités entre les dits niveaux. On commence dans la neige. Moi qui disais justement dans le test d'Out to Lunch que les jeux qui débutent comme ça sont rares... Mais c'est en réalité un niveau ordinaire, quoique blanc, sans glace ou autres méchancetés de ce genre. Et c'est un peu le problème, à part ses chiens renifleurs et ses terriers à secrets, ce niveau n'est pas très intéressant. Le suivant non plus d'ailleurs. Lui est plus horizontal et se déroule dans un saloon. Les ennemis, qui vont de l'indien au barman, ont du répondant mais l'ensemble manque de saveur, peut-être parce que ce saloon ressemble trop à un couloir où l'on voit un peu toujours la même chose.

Avec la corrida au troisième niveau, portion courte mais haletante, on sent l'équipe de Viacom dans de meilleures dispositions. Le principe n'est pas formidable pourtant, il faut éviter au dernier moment les cornes du taureau pour l'envoyer détruire des cibles. Mais la bête est massive, les gradins sont peuplés de toons Warner qu'on reconnaît avec plaisir, et le gag de l'enclume fonctionne à souhait. Le niveau dans la forêt est facilement l'un des meilleurs, il a ce qui fait défaut aux deux premiers: une bonne ambiance. Les bois sont vaguement mystérieux, le graphisme est fouillé, avec une musique plus sobre que les précédentes qui lui va comme un gant. De plus, on prend part à deux contes de fée. D'abord Les Trois Petits Cochons, de sales pestes qu'on doit rosser autant que les trois loups souffleurs qui attendent près de leurs maisonnettes, puis Hansel et Gretel, se gavant de gourmandises pendant que les bonhommes de pain d'épice essayent de nous faire notre fête. Un peu de confiture les rend plus aimables, et surtout, onctueux !

Enfin de la pure plate-forme au cinquième niveau où l'on cherche sa route parmi un trafic de vaisseaux spatiaux au-dessus d'une planète quelconque tapissée de cratères. Quelques extra-terrestres sont bien entendu de la partie. La progression est délicate mais pas désagréable. Beaucoup de vide encore au début du sixième, en Tasmanie, avec évidemment son fameux diable qui nous accompagne tout du long. Ces escapades tasmaniennes ne laissent pas un très bon souvenir malgré leur brièveté, la faute au passage à dos de cacatoès, trop hasardeux. Ca se complique encore plus dans l'usine qui suit, niveau long et tortueux, sombre et peu varié, avec des robots électrocuteurs et électrichiants. Déprimant. Très déprimant. Le boss, Vil Coyote, n'est pas amusant non plus; il faut accomplir tout une série de manoeuvres pour en venir à bout.

Le match de boxe/catch qui suit est plus un combat de boss qu'un vrai niveau. Une fois qu'on a compris la procédure à suivre, il pourrait presque passer pour un moment de détente entre deux séquences éprouvantes. La seconde de celles-ci se déroulant dans une maison hantée non pas par des fantômes, mais par la mauvaise chance. Il y a plein d'idées amusantes, et aussi plein de pièges, de gouffres, de passages multiples, qui le sont beaucoup moins. Allez, on l'aime quand même bien ce niveau, son inventivité lui réussit ! On y laisse quelques nerfs, emportés par la pluie d'objets hétéroclites qui nous tombe sur la caboche, sans pour autant retrouver la morosité des chaînes de montage. Le final est un duel contre Daffy Duck, le grand rival de Bugs Bunny, dans des circonstances un peu particulières. Pour résumer sans trop en dire, si vous en avez marre de ce jeu, c'est la faute à Daffy !

Tout ne plaît pas, on l'a vu: les deux premiers niveaux sont faibles, pas assez stimulants; l'usine est le niveau de trop, il l'aurait fallu plus court ou plus simple, ou tout bonnement remplacé par un autre moins asphyxiant; la jouabilité rend difficiles des passages relativement aisés. Néanmoins, le voyage au coeur de ces dessins animés, le saut d'un épisode à un autre, se fait de bon coeur. Les gags marchent et les idées, les interactions, surprennent, et elles sont nombreuses ! Les chiens de chasse qui font la flèche, les niveaux aux noms bizarres, les balles de revolver avec une personnalité, les marmottes qui squattent les trous, les détours par les autobus de l'espace, la machine à faire des paquets cadeaux, les scies qui découpent des trous dans le plancher. Rien de cela n'existerait bien sûr sans les artistes d'origine, les Chuck Jones, les Tex Avery, les Friz Freleng, les Michael Maltese... Viacom et Sunsoft s'approprient leur talent, miracle remède pour soigner les jouabilités les moins bien portantes.

La musique dans un dessin animé de la grande époque est, on le sait, très importante. Elle est presque le fil conducteur de certaines scènes où c'est elle qui dicte l'action plutôt que l'action qui dicte la musique. Dans le jeu, c'est le studio indépendant Nu Romantic de Mark Miller qui est en charge du son. Lui et son groupe ont travaillé sur des dizaines de productions américaines, souvent pour le compte de Sega et souvent des jeux de plates-formes tirés d'un cartoon. Malgré cette carte de visite prometteuse, la musique est bonne mais sans plus, il n'y a pas de morceaux vraiment mémorables, peut-être parce qu'elle a un côté un peu cacophonique. Nos préférés sur 1UP correspondent à nos deux niveaux favoris, la forêt et la maison hantée; cette dernière est très jazzy avec un piano et une contrebasse étonnamment crédibles. Plus décevants, les bruitages manquent de pêche, ils ne sont pas assez extravagants et sont trop peu nombreux. D'un dessin animé, on attend des PAF! et des CRASH! qui jaillissent hors de l'écran plutôt que de malheureux gargouillis qui meurent dans nos enceintes.

Comme on le disait au début, et comme on le dira certainement dans tous les futurs tests de jeux Sunsoft faits aux Etats-Unis, Rabbit Rampage n'a plus rien à voir avec leurs fantastiques productions japonaises que l'on adulait sur NES; et c'est une déception. On admire les jolis graphismes, la fidélité aux cartoons de la Warner Bros, on apprécie la bonne volonté de ses auteurs, mais tout ça, c'est la puissance de l'hommage et non de la création. S'il n'avait dû compter que sur sa jouabilité, il se serait vite écroulé sous le poids du fardeau. Parmi les jeux de plates-formes de la Super Nintendo, il a quand même aussi l'avantage de se distinguer grâce à ses proportions XXL. L'idée de départ était bonne et c'est une forme de satisfaction qu'elle ait été mise en oeuvre par des Américains; les Japonais ont accompli des merveilles avec les Tiny Toons mais il est bon aussi que l'héritage culturel d'un pays comme le sont les Looney Tunes reste sur le sol national. Après tout, ne sommes-nous pas les premiers à détester quand un anime est transformé en film par Hollywood ? L'erreur de Sunsoft n'aura pas été de faire Rabbit Rampage, une demi-réussite est mieux qu'un échec, ce sera d'avoir passé autant de temps, publié tant de jeux, sur un sujet sur lequel ils avaient ici tout dit ou presque.

le 11 mai 2010
par sanjuro



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