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La mission de ce ninja: assassiner l'orgueil des joueurs; et il le fait avec brio.

Shadow Warriors

Shadow Warriors

忍者龍剣伝 (Ninja Ryūken Den, trad: "La Légende de l'Epée Dragon Ninja"), Ninja Gaiden (USA)
Suppléments:

Le Scénario Intégral

 NES

Développeur:
Tecmo

Editeur:
Tecmo
Genre:
Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
09.12.1988 Japon
03.1989 USA
10.1991 France
15.08.1991 Suède
trop dur Difficulté:

85%Graphismes
83%Animation
95%Son
81%Jouabilité
86%Durée de vie

87%87%
Trucs et astuces

Sound test:

A l'écran "Tecmo Presents 1991", maintenez enfoncés A, B, Select et la diagonale Gauche-Bas, puis appuyez sur Start.

Avant d'arriver en Europe, Shadow Warriors était précédé d'une réputation. Le joueur averti connaissait son nom original, Ninja Gaiden, et savait qu'il s'agissait d'une trilogie trépidante signée Tecmo. Bref, quand enfin il fut officiellement annoncé, on applaudit. Et c'était assez logique après tout. S'il y avait déjà eu trois jeux, c'est bien parce que le premier devait être brillant, comme Super Mario, comme Zelda, comme Mega Man, comme toutes ces grandes séries de la NES qui nous faisaient tant rêver. Il y avait de l'action, des cinématiques, des couvertures flamboyantes, plein de belles promesses. Quel joueur n'y aurait pas succombé ?

Si après la période d'attente on va maintenant à l'autre bout, des mois, des années après l'achat du jeu, à la période de souvenirs, les sentiments sont peut-être différents. A titre personnel, il y a deux choses dont je suis heureux à propos de Shadow Warriors: être arrivé jusqu'au premier des trois derniers boss, le Diable Masqué, et m'être débarrassé du jeu à temps, en le revendant. Rude contraste avec le frisson délicieux de l'attente.

Dans Ninja Gaiden, votre personnage se nomme Ryu Hayabusa. Ca pourrait être un nom de yakuza ou de karatéka, mais c'est celui d'un ninja, d'un shinobi. Shinobi, justement, le héros de Sega, est un peu la raison d'être de Ninja Gaiden qui a tout l'air d'avoir été la réponse commerciale de Tecmo. L'un est plus souvent associé aux consoles Sega et l'autre aux consoles Nintendo, même si, détail croustillant, les deux ont fait des passages chez l'ennemi. Tout comme le jeu de Sega, Ninja Gaiden est d'abord né en arcade. Seulement, les comparaisons s'arrêtent là. Car ce Ninja Gaiden sur NES, même s'il a un cousin germain en arcade et un rival de toujours sur Master System, n'a absolument rien à voir avec eux. Ce que l'on découvre vite avec lui, est qu'en dépit de ressemblances avec de nombreux jeux du même genre, sa jouabilité et son style sont aussi uniques qu'on peut l'être.

Il y a d'abord les cinématiques, un premier facteur d'originalité, même s'il n'est pas déterminant. Entre chaque niveau et à certains moments clefs dont l'intro et la fin, des images oblongues façon CinemaScope, soulignées de texte, viennent nous éclaircir sur le déroulement de l'histoire. Tecmo se débrouille pour leur donner une dimension cinématographique en usant de cadrages et d'angles comme on en voit rarement dans les jeux de cette époque: gros plans et inserts, plongées et contre-plongées. L'animation, sans être absente, y est minimaliste, ce qui n'est pas contradictoire avec le style filmique; un léger travelling qui dévoile un sujet, des flashes de lumière, il n'en faut pas plus pour créer une ambiance. Mais c'est encore le nombre de ces scènes qui impressionne le plus. Il y en a beaucoup, plus que dans n'importe quel jeu de la console, et Tecmo sait ruser, par exemple en réutilisant discrètement certains éléments d'une scène à l'autre, pour parvenir à leurs fins en dépit des limitations de la console.

Les cinématiques de Shadow Warriors, toutefois, sont son visage mais ne sont pas son coeur. Le vrai contact avec le jeu commence en pressant Start, qui nous arrache brutalement à la salle de projection pour nous mettre face à la réalité du champ de bataille. Cela n'empêche pas le premier niveau d'être une promenade de santé. Aussitôt débarqué aux Etats-Unis en quête d'indices sur la mort de son père, Ryu, ninja cent pour cent japonais, fonce au bar le plus proche en quête de saké (mais non, pas sérieusement). Il n'a pas le temps de se mettre un coup dans le nez, que quelqu'un d'autre veut s'en charger, une grosse brute masquée armée d'un hachoir. C'est le premier boss. Ce court niveau est là pour se familiariser avec la jouabilité, étape indispensable pour surmonter les difficultés qui se présentent dès le second.

Tous les personnages sont assez petits, et comme les petites personnes, ils sont très vifs. D'ailleurs Ryu ne marche pas, il court. Il peut s'accrocher aussi sur les parois, ce qui rappelle immédiatement Batman et avec lui les désagréments de ce genre de technique. Son attaque non plus ne traîne pas, il tire son épée de son fourreau et la rengaine si vite qu'on a à peine le temps d'en voir la fine lame. Cette vélocité est loin d'incommoder, Ryu est exactement comme on voudrait qu'un ninja se comporte, rapide comme l'éclair, et aussi meurtrier. Atouts dont Shinobi ne pouvait se vanter et qui éloignent nettement les deux jeux l'un de l'autre. Ce serait un plaisir à contrôler si une série de problèmes ne venait pas faire dérailler la jouabilité.

Le rapprochement avec le Batman de la NES est assez intéressant. Les sprites sont aussi menus, le héros dispose d'armes secondaires faciles à utiliser, et il y a donc ce fameux saut adhérent. Dans le jeu de Sunsoft, la difficulté était de réussir à rebondir correctement puisqu'on ne pouvait pas rester suspendu, à l'inverse, dans celui-ci, c'est de se décrocher qui est gênant, puisqu'on ne peut pas remonter sur la même paroi sans perdre une bonne hauteur. On retombe en boule, privé d'impulsion, et ce sont les gouffres, en dessous, avec leur grande bouche, qui sont contents de nous avaler ! Au final, savoir lequel des deux jeux a le saut le plus frustrant n'est pas gagné d'avance. Sur 1UP, on donnera quand même la palme à Shadow Warriors parce que niveau frustration, ce jeu est une légende vivante.

La faute en revient principalement aux ennemis. Ils ont beau être composés de tout et n'importe quoi, ils vous en feront tellement baver que vous ne devrez pas vous étonner si après coup vous développez des phobies bizarres en rapport avec leur nature harcelante. Sur certains sites américains, on peut lire toutes sortes de commentaires amusants à ce sujet, certaines personnes plaisantant sur le fait qu'elles ont désormais la hantise des oiseaux. Même Hitchcock n'avait pas aussi bien fait ! Pourtant, il ne faut pas plus d'un coup pour se débarrasser d'un ennemi quel qu'il soit, et leurs attaques ne sont pas particulièrement puissantes ou agressives. Ce qui les rend si terriblement efficaces est qu'ils sont rapides, qu'ils sont placés ou avancent sur vous à des moments où vous êtes vulnérables, et surtout, l'origine du cauchemar, que certains d'entre eux arrivent indéfiniment.

Ce n'est pas nouveau les ennemis qui surgissent d'un même point, comme au sortir d'un distributeur automatique, avec toujours un remplaçant pour prendre la relève, mais en général ils sont lents. Pas ici. Ici la machine s'emballe, devient folle, crachant un aigle si pressé de vous toucher qu'il patine dans le ciel, battant des ailes comme un éventail, ou un ninja vert sautant et fouettant l'air de son katana fluo avec l'idée fixe de vous toucher. Ils vous attaquent avec une fureur aveugle, telles des guêpes que l'on aurait provoquées en frappant le nid. C'est le désir de tuer, comme dans les films de samouraïs, comme Zaraki Kenpachi dans Bleach, et donc dans un sens, ça colle bien avec le ninja. Comme si cela ne suffisait pas, tout ennemi réapparaît aussitôt que vous vous éloignez un peu. Vous n'avez même pas besoin de sortir de l'écran, juste de faire quelques pas dans la direction opposée. Cela produit des résultats ressemblant parfois à des bugs.

Et puis est-ce de l'humour ou une faute de goût d'avoir choisi des personnages aussi singuliers ? Une collection d'ennemis risible par son hétéroclicité, des chiens en pyjama bleu, des footballeurs américains qui vous coursent dans les sommets enneigés, des lanceurs de couteaux hindous, des psychopathes échappés de Vendredi 13 ou Splatterhouse qui eux préfèrent les haches, des gros durs en treillis armés de mitraillettes perchés sur leur bout de plate-forme, des ninjas volants qui sèment des shurikens comme des flocons de neige, alors que ce sont des bossus sauteurs comme des pois qui pleuvent au niveau six. C'est un vrai carnaval ! Heureusement que le graphisme, un peu laid, manque de clarté, cela rend le contraste avec le sérieux des cinématiques moins perceptible.

En dépit de ses scènes narratives travaillées, Shadow Warriors n'est pas vraiment une beauté. Le graphisme a un aspect rugueux, au tracé fin mais avec des motifs extrêmement confus, comme griffonnés, qui lui donnent à la fois une impression de richesse et de brouillon. Cela a au moins le mérite d'avoir un style propre, ce dont le Ninja Gaiden de la PC Engine, qui n'est rien d'autre qu'un remake arrangé par Hudson Soft, n'a pas l'honneur. On ne fait pas autant la fine bouche avec la musique, s'il y a bien une caractéristique du jeu qui rachète tout, y compris les crises de nerf dûes aux impitoyables ennemis, c'est celle-ci. Shadow Warriors dispose d'un solide moteur son à l'instrumentalisation claire et puissante, produisant une soundtrack rythmique, de vrai jeu d'action, qui bat dans nos oreilles comme la pulsation du coeur de ce Ryu toujours en mouvement, toujours en pleine course. En terme d'intensité, elle ne rivalise qu'avec le stress que procure le jeu.

Quel est ce signe utilisé pour représenter l'énergie spirituelle de Ryu ? Eh bien, il s'agit d'un kanji, un caractère japonais d'origine chinoise qui peut se lire "shinobi" ou "nin", comme dans ninja.


Le mot d'ordre avec Shadow Warriors est donc "frustrant", mais comment cela affecte-t-il la difficulté ? En essayant d'être aussi neutre que possible, il faut admettre que celle-ci est bien répartie, qu'elle décrit une belle courbe ascendante où chaque niveau est sensiblement plus dur que le précédent. Il y a aussi des continus infinis, ce qui devrait nous mettre de bonne humeur. Malgré cela, le challenge n'arrive pas à stimuler, il rebute, il énerve, on se met très en colère, parce qu'au lieu de jouer contre la difficulté, on a l'impression que c'est elle qui joue avec nous. On se sent comme entre les pattes d'un gros chat (pensez "tigre") qui s'amuse un peu avec son jouet, avant de mordre dedans. On est à la merci des ennemis, toujours pressés, qui nous percutent négligemment, ce qui a pour effet de nous projeter en arrière, généralement dans un trou voleur de vie puisque le paysage en est truffé.

On ne nous fiche jamais la paix. Il y a toujours quelqu'un qui nous court après, toujours un quidam perché sur LA plate-forme dont on a besoin et un autre juste au-dessus pour nous faire tomber quand finalement on y pose pieds. L'invincibilité après avoir été touché est très brève, juste assez pour reprendre un coup d'un autre ennemi. C'est comme ça que les choses dérapent, qu'on redevient, en quelques secondes, un simple jouet, ballotté d'un individu à l'autre, sans parvenir à s'extraire d'une mêlée improvisée qui nous coûte plus de la moitié de nos vies, et parfois l'autre aussi. Plus on avance, plus ces moments deviennent fréquents, et c'est alors une question de caractère pour savoir qui, parmi les joueurs, aura la force de ravaler sa colère pour continuer et qui, ne pouvant supporter plus longtemps l'insulte, arrachera la cartouche de la console pour tenter de la déchirer comme une feuille de papier.

Le niveau 6-2 est bien connu des joueurs, même si les occasions avant lui de perdre patience sont déjà nombreuses, comme les plates-formes clairsemées des niveaux 2-2 et 3, ou la longue escalade du niveau 5. Mais le sixième niveau, et en particulier sa "section verte", va encore plus loin; c'est un concentré de toute l'irritation que ce jeu dégage. Il y a de longs gouffres et des bandes d'ennemis, avec, à l'étage, ce passage qui est peut-être le plus dur du jeu, où sur de petites plates-formes, une suite d'oiseaux et de coureurs nous assaillent, nous envoyant une fois sur deux, les bons jours, plonger dans le vide. Que l'on souffre dans ce niveau ! Et quand enfin on arrive au boss, on a deux surprises de taille. La seconde est qu'ils sont trois durs boss, mais cela, la première nous empêche de le découvrir avant longtemps, car elle nous renvoie au tout début du niveau.

Invraisemblable choix en effet que celui de Tecmo, effroyable choc qui aura révolté plus d'un joueur et, peut-être, les aura décidé à revendre le jeu. Si vous perdez ne serait-ce qu'une vie face à un boss, vous devez retraverser l'intégralité de cet horrible niveau. Les boss battus ne reviennent heureusement pas, mais ils sont loin d'être faciles individuellement, surtout le premier si vous n'avez pas l'arme appropriée. Entre eux, il y a des cinématiques, et au bout, une fin de qualité, que l'on pressent même sans l'avoir atteinte, qui n'abaissent pas le niveau de ce que l'on a vu jusqu'ici, comme pour nous encourager à persévérer. Mais cela aura-t-il été suffisant ? La volonté aura-t-elle triomphé des frustrations ?

Il y a autant de bonnes raisons d'aimer Shadow Warriors que de le détester, et de ce fait il est impossible de lui donner une mauvaise note comme il impossible de lui en donner une excellente. Même ceux qui le haïssent doivent l'admirer, et il doit énerver même ceux qui l'adorent. Puisque l'on a disséqué en long et en large ce qui le rend traumatisant pour toute une génération de joueurs, qui finit par s'éloigner du jeu tels des blessés de guerre couverts de bandages, nous terminerons en évoquant sa plus grande qualité. Elle n'est pas facile à cerner en un mot. C'est sa rapidité, c'est son rythme, c'est sa jouabilité aussi. Ce pourrait être sa férocité.

Le jeu est conçu pour aller vite mais surtout, et c'est là toute la différence, il est conçu pour vous forcer à aller vite. Il faut prendre des décisions rapides, avoir des réflexes coupants comme son katana, toujours aller de l'avant, car s'arrêter équivaut à lancer une invitation à la mort. Un exemple, en apparence insignifiant: pour trancher les boîtes qui contiennent les items, au lieu de sauter à la verticale, il vaut mieux se jeter dessus en diagonale. Ainsi on n'interrompt pas sa course, on ne baisse pas sa défense, parfois même on peut en profiter pour couper un ennemi en même temps. Il faut trancher, trancher, trancher. C'est comme un film de sabre japonais, un de ces brillants chambara, où le héros agile et téméraire tranche un corps, puis dix, puis vingt, toujours en avançant droit devant lui, sans que personne ne puisse l'arrêter.

le 1er février 2008
par sanjuro



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