Ils sont cools, ils sont jeunes, ils sont beaux (?), et ils ont infiltré le Maniac Mansion !
Qui sont ils ? De simples ados partis à la rescousse de Sandy, innocente jeune fille kidnappée par le docteur Fred dans son manoir.
Qui c'est ça, le docteur Fred ? C'est un ignoble savant sans scrupule, chef d'une famille foldingue, qui a de bien horribles projets pour la pauvre Sandy.
Mais moi, qui suis-je donc dans cette histoire de fous !? Vous, vous incarnez non pas un, ni même deux, mais bien trois de ces intrépides kids. Alors assez de questions stupides et en route pour le Maniac Mansion, là où vous attend la peur (et surtout le rire).
Si vous avez aimé Resident Evil, si Shadowman vous a donné des frissons, si Silent Hill vous a fait hurler de terreur, alors ne jouez pas à Maniac Mansion, vous risquez d'être déçu, ça n'a rien à voir. En revanche, si vous ne jurez que par des séries Z ringardes et des vieux films sympa comme Plan 9 From Outer Space, ce jeu aura peut-être quelques arguments pour vous faire réssusciter une NES. Mais surtout si vous aimez le style Shadowgate, vous risquez sérieusement d'accrocher, l'interface étant assez similaire. A l'instar du susnommé, vous avez en effet une liste de verbes que vous sélectionnez à l'aide d'un curseur et appliquez sur le décor pour réaliser des actions telles que ouvrir une porte, lire un panneau ou mettre en marche un appareil. Mais à l'inverse du jeu assez austère de Kemco, l'écran ici n'est ni fixe, ni subjectif. On voit son personnage et on le déplace en lui indiquant sa destination au curseur. Un système typique des jeux d'ordinateurs, normal puisque Maniac Mansion en est une adaptation.
La maniabilité ne souffre pas trop de jouer au pad plutôt qu'à la souris, le déplacement du pointeur étant assez vif. Une autre particularité est de pouvoir contrôler trois personnages, chacun ayant des aptitudes spécifiques permettant d'avancer et de finir le jeu de façons différentes. Il faut jongler entre eux trois selon les situations et mettre parfois l'un au service de l'autre: Dave déclenche le mécanisme d'ouverture de la porte et Bernard peut ainsi passer. S'il est possible d'entrer en interaction avec les éléments du décor, il faudra également faire attention à ne pas rencontrer le tentacule mauve et les trois fêlés qui habitent le manoir, Dr. Fred, Edna et Ed (il y a aussi oncle Ted, mais bon lui est momifié), s'ils vous chopent ils vous expédient au donjon. En cherchant bien, il y a quand même moyen de s'évader.
Maniac Mansion met les neurones à contribution, il faut cogiter sec pour comprendre ce qu'on attend de vous et quel objet utiliser sur quel autre. D'autant que si par exemple vous perdez ou gaspillez un objet indispensable, rien n'indique que vous êtes coincé ! Dans la série des idées tordues, un exemple: afin d'obtenir une clef perchée sur un lustre, il faut enregistrer sur cassette le son strident d'un disque du tentacule vert puis passer la bande dans la salle du lustre. Cela aura pour effet de briser les fenêtres et surtout le chandelier. Des énigmes de ce genre, plus ou moins complexes, il y en a à chaque détour et la plupart des salles renferment un mystère à résoudre: comment récupérer la potion qui se brise sur le sol ? Comment atteindre la trappe au plafond ? Ou encore comment faire fontionner les jeux vidéo ? On pourrait reprocher au jeu de ne pas toujours proposer les solutions les plus logiques, mais étant donné qu'il y a moins de possibilités que dans Shadowgate, on avance quand même régulièrement. Un système de sauvegarde est bien entendu intégré à la cartouche. Attention tout de même, à mi-chemin de l'exploration du manoir, des imprudences ou des erreurs de manipulation auront vite fait de vous conduire au tombeau. Heureusement que différents personnages et possibilités sont là pour inciter à retenter sa chance.
Les goûts esthétiques de la famille du manoir sont aussi bizarres que leur tête bleue. La NES a beau avoir une palette limitée et le jeu être vénérablement âgé, certains décors sont trop dégarnis et leurs couleurs psychédéliques ne se justifient que par la volonté de Lucasarts de faire kitsch. Des lieux aussi peu engageants que la chambre violacée d'Edna ou l'austère salle de peinture auraient leur place au milieu des autres horreurs d'un musée d'art moderne.
Les musiques ne sont pas terribles non plus, trop brouillonnes pour la plupart, leur style est censé refléter la personnalité de chaque protagoniste, rock pour Razor ou tentative de menuet pour Wendy. Et pour cause, la musique provient d'un lecteur de CD que chaquer perso transporte avec lui et que vous pouvez "éteindre" simplement en utilisant ce verbe sur l'objet en question ! Une idée originale que l'on met rapidement en application, ce qui permet d'apprécier les bruitages, peu nombreux mais bien réalisés.
Des cut-scenes judicieusement espacées viennent également secouer l'action. Elles mettent en scène les habitants du manoir et jouent parfois un rôle important dans l'aventure. Elles sont aussi l'occasion pour eux de se déplacer, ce qui oblige à mettre en place une stratégie immédiate soit pour profiter d'une absence, soit pour éviter une mauvaise rencontre.
La patte Lucasarts, hormis dans le moule Star Wars, c'est vraiment un style propre que l'on retrouve dans la plupart de leurs jeux sur PC et consoles. Dans la même veine humoristique et cinéphile que Zombies Ate My Neighbors mais dans un domaine de réflexion plutôt que d'action, Maniac Mansion, premier jeu de la firme pour Nintendo, sort ostensiblement de l'immense ludothèque de la NES. Son design et son fonctionnement très spéciaux, son humour corrosif en ont fait pour certains plus qu'un bon jeu, un titre culte. Sans aller jusque là, des qualités évidentes comme la multiplicité de personnages et de possibilités en font un jeu original qui même des années plus tard reste une curiosité à laquelle on s'essayera avec délice.
le 2 mars 2002
par sanjuro