Quand en 1980, Hiroshi Yamauchi décide de confier le développement d'un jeu au fils d'un ami, un jeune diplômé d'arts industriels de 27 ans qui travaille dans la compagnie depuis trois ans comme graphiste, ne sait pas programmer, a vécu son enfance sans télé et passe son temps dans les salles d'arcade plutôt qu'à étudier, certains auraient déjà accusé le président de Nintendo d'être un vieux fou. D'autant que le nouveau nominé ne s'intéresse guère à améliorer le jeu qu'on lui a confié, Radarscope. Il préfère utiliser le moteur limité de celui-ci pour développer un jeu qui a germé dans son imagination, dans lequel un petit bonhomme sautillant tente de sauver une jeune donzelle prisonnière d'un gros singe. Le nom de cet employé indiscipliné ? Shigeru Miyamoto.

C'est ainsi que Donkey Kong, son premier jeu, a vu le jour et avec lui deux personnages emblématiques de son univers. Donkey Kong bien sûr, cousin benêt de King Kong et Mario le p'tit gars à la salopette rouge. Mais tout ne vint pas aussi naturellement que nous le connaissons. Au départ, le héros du jeu se nommait "jumpman" (le sauteur), autant dire qu'il n'avait pas de nom. Il fut baptisé Mario pour son exploitation américaine, lorsque Minoru Arakawa eut l'idée de lui donner le prénom du propriétaire de l'immeuble qui hébergeait alors Nintendo USA, Mario Segali. Mais Mario n'était pas encore tout à fait lui-même puisque sa profession d'alors était charpentier et non plombier, ce qui explique pourquoi il se baladait dans des immeubles en construction et se baladera plus tard dans des tuyaux.

Donkey Kong eut quant à lui un difficile début de carrière, non content d'être le méchant de service (pas de la pire espèce), Nintendo a eu droit à un procès de la part d'Universal, le fameux studio de cinéma accusant Nintendo d'enfreindre les droits d'auteur de leur King Kong, un vieux film sympa de 1929. On ne niera pas qu'il y a des points communs entre l'histoire du roi et celle de l'âne, tous deux kidnappent une jolie proie, sont poursuivis par son fiancé, grimpent sur un immeuble et se cassent la figure à la fin, mais de là à faire un procès ! L'ère des procès saugrenus n'ayant pas encore commencé, Universal perdit le sien et dû verser la bagatelle d'un million huit cent milles dollars à Nintendo pour avoir dérangé la cour de justice et la firme.

Donkey Kong fut adapté sur borne d'arcade et sur NES, mais aussi sur la Colevision de Mattel et l'Atari 2600. Il donna lieu à une suite Donkey Kong Jr., à une compilation sur NES réunissant les deux premiers opus, Donkey Kong Classic, à un logiciel pseudo-éducatif, Donkey Kong Math, et à un troisième et dernier volet toujours sur la même console. Après ça, la plupart des consoles Nintendo ont eu droit à leur Donkey Kong: la Super Nintendo, les GameBoy et la Nintendo 64. Il aura cependant fallu attendre près de dix ans après la dernière version 8 bits pour que le gorille marque son retour. Entre-temps Mario aura connu la grande carrière que l'on sait alors que son rival Donkey Kong vieillira paisiblement et ne réapparaîtra pas avant Donkey Kong Country sur Super Nintendo, sous les traits de Cranky Kong, le grand-père radoteur et plein de souvenirs de la famille Kong.