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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE NINTENDO ENTERTAINMENT SYSTEM (8-bit)


"Vas-y connard, fais-moi plaisir: mets une mauvaise note à mon jeu, mon Magnum 44 me démange."

Dirty Harry - The War Against Drugs

Dirty Harry - The War Against Drugs

Suppléments:

La Réplique qui Tue

 NES

Développeur:
Gray Matter

Editeur:
Mindscape
Genre:
Action / Aventure

Joueurs:
1P

Dates de sortie
12.1990 USA
très dur Difficulté:

53%Graphismes
63%Animation
70%Son
62%Jouabilité
80%Durée de vie

55%55%
Trucs et astuces

Mots de passe:

Niveau 2: MISTY
Niveau 3: BIRD

Vies infinies: CLYDE

Consultez le supplément pour découvrir l'origine de ces mots de passe.

Clint Eastwood sur ta NES, tu y crois, toi ? Bah, après tout, la dernière fois on a bien eu Al Pacino en boss final sur Mega Drive, alors pourquoi pas ! Quand on parle de Clint désormais, on pense surtout au gentil (?) grand-père qui réalise des films prisés des critiques pincés, mais à la base, c'est un acteur, et pendant longtemps, c'est cette profession qu'il aura exercée et qui l'aura rendu célèbre auprès du public (même s'il réalisait son premier long métrage dès 1971). Les plus âgés d'entre nous n'ayant évidemment pas besoin qu'on leur rappelle cela, n'est-ce pas ?

Parmi les nombreux rôles qu'il aura tenus, l'un de ses plus marquants est aussi celui qu'il aura repris le plus grand nombre de fois, dans cinq films. C'est l'implacable inspecteur Harry Callahan, un policier aux nerfs d'acier et aux méthodes radicales qui tour à tour affronte un tueur en série nommé Scorpio (L'Inspecteur Harry, 1971), une faction secrète de la police (Magnum Force, 1973), un groupe anarcho-terroriste (L'Inspecteur ne renonce jamais, 1976), une bande de violeurs (Sudden Impact, 1983, dont l'affiche est reprise sur la boîte, ci-contre) et un fan psychopathe (La Dernière cible, 1988). Ses répliques sont aussi mortelles que son Magnum 44, utilisant chacun à mesures égales pour stopper les criminels les plus violents de San Francisco, au grand désespoir de ses supérieurs pour lesquels le protocole passe avant tout.

A cause justement de son manque de retenue et de discipline, l'inspecteur Harry comme son premier film portent aux Etats-Unis le nom de "Dirty Harry", d'où le titre du présent jeu. Cependant, officiellement, c'est-à-dire dans les registres de Nintendo, son nom complet est Dirty Harry: The War Against Drugs, un sous-titre qui n'apparaît nulle part ailleurs mais qui est pourtant légitime. Il a au moins une utilité, avertir qu'il ne s'agit pas d'une adaptation du premier film, ni même des suivants, mais d'un épisode à part entière, où le but est de mettre un terme aux agissements d'un baron de la drogue colombien surnommé The Anaconda. Il y a quand même des références aux films, l'action par exemple se déroule dans le fief d'Harry, à San Francisco, et le dernier niveau sur Alcatraz, comme dans The Enforcer (L'Inspecteur ne renonce jamais). Quant aux drogues, pourquoi ce thème ? Eh bien, sans doute parce que... drugs are bad, mmmkay ?

Quand le jeu apparaît fin 1990 sur NES aux Etats-Unis et aux Etats-Unis seulement, le dernier des cinq films est déjà sorti depuis quelque temps et la popularité du brave inspecteur n'est plus au top. On ne s'étonne pas du coup que son jeu ait fait très peu de bruit et qu'il soit pour ainsi dire inconnu sur les autres continents. Pour enfoncer davantage le clou, c'est loin d'être un chef-d'oeuvre. Son exécution est assez pitoyable malgré quelques idées novatrices, la principale étant que Dirty Harry est conçu au début comme un jeu d'action aventure urbain, en vue uniquement latérale et avec un champ d'exploration ouvert. On se promène assez librement et les boss clairsemés ne bloquent jamais le chemin ou ne détiennent rien d'indispensable à notre progression, juste des vies supplémentaires.

Seulement, la ville est un tel labyrinthe, avec des rues, des allées, des portes, toutes sortes de passerelles et d'échelles, qu'on se sent aussi perdu qu'un touriste japonais lâché sans plan en plein Paris. Plus que les combats, pourtant passablement irritants, la grande difficulté est de trouver son chemin dans ce dédale d'asphalte. Immédiatement toutefois, le premier challenge qui se présente est de réussir à dompter ce rebelle d'Harry Callahan qui est aussi peu coopératif avec le joueur qu'il ne l'est avec son lieutenant. Ses mouvements sont serrés sur la manette NES comme des sardines en boîte: B permet de donner des coups de poing, qui en conjonction avec Haut deviennent des coups de pied; A est à l'usage du revolver que Haut et Bas permettent de diriger dans toutes les directions sauf une; Start fait apparaître le menu qui contient l'armement et l'équipement mais aussi les indicateurs (score, énergie, vies). Quant au saut, il s'accomplit en pressant A et B simultanément, ce qui n'est pas, vous en conviendrez, une façon très courante de bondir.

Les punks — qui apparemment se croient chanceux — nous tombent dessus immédiatement et on a du mal à s'en dégager. Très mauvaise façon de commencer, sans aucune possibilité de s'accoutumer à cette maniabilité qui est loin de venir naturellement. Heureusement, Callahan est bien équipé, le gaillard a un gros pistolet (no comment) mais surtout il dispose d'une longue barre d'énergie (10 carrés) et de vies en abondance, cinq au départ, que l'on peut facilement doubler voire tripler si l'on se débrouille. Les développeurs, qui sont canadiens, ont au moins le mérite d'avoir compris que leur jeu n'était pas à la portée du premier venu et de favoriser le joueur sans pour autant le pourrir; les continus ainsi sont limités à trois.

Même comme ça cependant, Dirty Harry reste d'une difficulté élevée et, disons-le franchement, bizarre. Il est divisé en 3 niveaux disproportionnés, le premier, immense, n'ayant rien à voir avec les deux suivants qui perdent tout l'aspect aventure exploration. On quitte les rues de San Francisco (une production Quinn Martin) pour se battre sur les docks puis dans la célèbre prison insulaire, dans des phases d'action tout à fait classiques si ce n'est qu'on est sévèrement limité par la jouabilité, trop rigide, qui demeure elle indifférente à ces changements. Pour pouvoir pointer son revolver en diagonale ou à la verticale, l'inspecteur doit rester immobile; il ne lui est même pas permis de se baisser. Cela pourrait marcher s'il s'agissait de dégommer des canettes de bière, malheureusement les cibles sont des tireurs. On n'est guère mieux servi par le saut à deux boutons. Sa trajectoire étant immuable, il faut bien étudier son positionnement avant de s'élancer. Car une chose au moins que les trois niveaux ont en commun est d'avoir une section de plates-formes dangereuse.

Au premier niveau, cette section se trouve dans les égouts, des enchevêtrements de couloirs reliés entre eux par des échelles, qui s'ouvrent sur des salles parfois à demi-immergées. Des gouttes vertes tombent du plafond, des étincelles crépitent des murs, des taches d'encre grouillent à nos pieds, rats, cafards géants et autres voitures radiocommandées (hein ?), et il faut s'user les yeux pour repérer les leviers d'un pixel de haut perdus dans le décor qui seuls ouvrent les grilles. La surface paraîtrait presque hospitalière en comparaison. On passe d'une rue à l'autre de deux façons: soit en s'enfonçant dans une allée, soit en entrant dans un immeuble, qui ont généralement plusieurs sorties. C'est grâce à ça que le jeu ne rebute pas immédiatement. On dispose d'une certaine liberté de mouvements, un peu à la manière des Chevaliers du Zodiaque mais en plus vaste.

Dans les immeubles, la vue est réduite à une bande horizontale avec cependant la liberté d'évoluer dans des couloirs qui s'étendent aux quatre points cardinaux. On rencontre quelques individus bizarres (qui ont peut-être un rapport avec les films mais ma mémoire me fait défaut), dont on peut parfois obtenir des goodies si l'on saute devant eux — j'ai essayé pour voir aussi si ça marchait dans la réalité, mais pas de chance, les gens vous regardent bizarrement et on a juste l'air con. Et puis surtout, on peut visiter des salles meublées (pas par Ikea, c'est clair) que l'on peut "fouiller". Les guillemets, là, ont besoin d'être épaissies et soulignées, Dirty Harry ayant une façon bien à lui de procéder: il démolit les meubles en leur filant des coups de talon et défonce les cartons en leur sautant dessus. C'est qu'il cherche de la drogue vous comprenez, la drogue lui fait voir rouge même sans la consommer. La fin serait paraît-il différente si l'on met la main sur tous les sachets, ou plus vraisemblement sur un grand nombre puisque leur emplacement est semi-aléatoire. Mais bon courage pour vérifier ça puisque cela implique de finir le jeu d'une traite !

Dirty Harry est un jeu long et riche. Pas d'erreur, c'est bien un compliment. Les trois niveaux sont plus des parties que des niveaux, comme trois jeux greffés l'un dans l'autre. On peut accomplir des actions variées, comme de se suspendre, ou d'autres moins indispensables comme de brandir les couvercles de poubelles pour se protéger maladroitement des filets. Sur Alcatraz, il y a même une séquence impromptue de saut en grappin, dans la veine de Bionic Commando. Parfois, un brin de réflexion est de rigueur: comment survivre au dernier boss du niveau 1 ? comment traverser, au suivant, ce trou d'eau sans se faire abattre ? La durée de vie est bonne, ou serait bonne, si l'exécution n'était pas aussi navrante. On l'a vu la maniabilité est mauvaise, fait perdre la tête durant les combats, mais il y a peut-être pire encore qu'elle, c'est la réalisation. C'est moche, vide et carré, mal animé; les sprites sont infantiles, Harry fait penser à n'importe qui sauf Eastwood; les bruitages sont tous semblables, les musiques ringardes, à mi-chemin entre Donkey Kong et Trojan, le style en moins. Le constat est accablant.

D'ailleurs, Dirty Harry ne ressemble pas à ses confrères de 90-91, on dirait qu'on vient de ressortir une cartouche de 1987. Il est de la même graine que l'infâme Ghostbusters II d'Activision, que le traumatique Bart vs the Space Mutants d'Acclaim, ces jeux nord-américains faits par des graphistes dépourvus d'ambition artistique. C'est sans surprise alors que la jouabilité suit également ce modèle; de l'un on pouvait déduire l'autre. Les péripéties souffreteuses de Callahan ont quand même un atout, suffisamment énorme pour que les mérites en soient vantés au dos de la boîte: "...you'll HEAR this line if you nail the bad guy." A la fin du jeu en effet, pour nous récompenser de nos efforts herculéens, on trouve ce qui est sans doute la plus longue digitalisation vocale de l'histoire de la NES, une réplique entière du film. Vous pouvez l'écouter dans le supplément qui accompagne ce test.

C'est assez impressionnant mais il n'y a pas grand chose de plus à sauver dans le son et le graphisme. On peut aussi se demander si ces digits (il y en a une autre au début) ne sont pas en partie responsables de la laideur du jeu. C'est que ça prend de la place de faire parler une NES ! La cartouche a beau être aussi spacieuse que celle de Super Mario Bros 3 (3 mégabits), celle de Mindscape semble bien mal remplie en comparaison. Finissons avec un détail révélateur de la nature du jeu, ou plus précisément du mauvais état de fonctionnement de l'esprit de ses créateurs. Assez tardivement dans le premier niveau, dans un immeuble quelconque, derrière une porte comme une autre, se trouve une salle dont il est absolument impossible de sortir. Là où devrait se trouver la porte, il n'y a qu'un mur où est écrit "HA HA HA". Il n'y a plus qu'à faire Reset, qu'à recommencer ce long et pénible niveau en tâchant de se rappeler cet immeuble et cette porte que rien ne distinguent des autres. La goutte d'eau qui fait déborder le vase ? Très certainement.

Dirty Harry est vraiment une curiosité. Jeu développé par des Canadiens, homonyme d'un film assez ancien, construit confusément, inégalement, avec des éléments éclectiques et une propension pour l'aventure qui est sabotée par la suite. Salmigondis ludique où se mélangent des idées prometteuses, des pixels moroses, une difficulté doucement sadique, des ennemis qui vivent de notre exaspération, une maniabilité de pantin désarticulé et un record de bavardage. Curiosité est bien le meilleur mot pour décrire ce phénomène, qui se refuse à embrasser pleinement sa médiocrité. Des jeux comme ça, on n'en fait plus... heureusement !

le 5 octobre 2010
par sanjuro



Jeu testé en version américaine
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