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WRATH OF THE BLACK MANTA

Version Nippone: Le Choc

par sanjuro article, comparaison



Le 17 novembre 1989, Ninja Cop Saizō s'installe discrètement dans les boutiques de jeux japonaises, rayon Famicom. Il arrive bien après Ninja Gaiden, aussi sur NES, et Shinobi sur Master System, parus tout deux en 1988. C'est un petit jeu anecdotique, visiblement dépassé, développé et édité par Kyugo, une compagnie insignifiante dans le secteur ultra-compétitif des éditeurs de jeux. Cela n'empêche pourtant pas Taito, éditeur alors imposant qui rencontre du succès en arcade, de s'y intéresser. Ils semblent voir quelque chose dans ce Ninja Cop Saizō, du potentiel.

Aux Etats-Unis, Taito est aussi très actif sur NES. Leur gamme de produits compte déjà un jeu de ninja, le classique The Legend of Kage, sorti en 1987. Il faut croire qu'il n'a pas si mal marché, puisqu'ils vont retenter l'expérience, cette fois avec ce jeu qui n'est pas d'eux. Mais avant d'en commencer la distribution, ils vont y apporter un grand nombre de modifications, vraisemblablement pour l'adapter au marché occidental. Leur intention, cette fois-ci, étant de vendre aussi le jeu en Europe. La première phase de leur plan sera de changer le titre.


Version japonaise

Version euro/US


C'est comme ça que Ninja Cop Saizō ("Flic-ninja Saizo") devient Wrath of the Black Manta ("Le Courroux de la Mante Noire"). Une dénomination assez curieuse si l'on y réfléchit. En français, la mante désigne aussi bien la mante religieuse que la raie manta, mais en anglais, le mot "manta" ne correspond qu'au poisson. Si la mante religieuse a une signification dans les arts martiaux asiatiques (voir le film Kung Fu Panda), la raie elle n'en a aucune ! A l'écran titre, le ninja adopte une position de mains qui ressemble a celle de la mante religieuse dans le kung fu. On se demande alors si la personne en charge de la localisation ne s'est pas emmêlée les pinceaux et si le jeu n'aurait pas dû s'appeler Wrath of the Black Mantis, d'après l'insecte. Pour info, Black Manta est aussi le nom d'un ennemi de la BD Aquaman.

Le Saizō du titre original est en fait le nom du héros, Kogakure Saizō. Un nom avec des antécédents puisqu'il se rapporte à un fameux ninja du folklore japonais, Kirigakure Saizō. Saizō est un Japonais né aux Etats-Unis, un "nisei", qui travaille comme détective à la police de New York. Mais c'est aussi un ninja. L'histoire, pour le reste, se présente à peu près de la même façon. Saizō reçoit un coup de téléphone de son chef, John, qui l'informe que plusieurs enfants ont été kidnappés. Là où le scénario diverge est que vous ne devez pas secourir Taro, le fils de votre maître, mais Sasuke, le fils de Saizō ! Le maître ninja n'existe pas dans l'original, il a été inventé pour l'Occident.


Version japonaise

Version euro/US


Dès l'intro, on remarque une grande différence dans le graphisme des deux jeux. Le ton sombre et sérieux de la version US/Euro, qui colle bien avec les phases d'action, remplace une apparence beaucoup plus légère et colorée dans la version Famicom. On croirait un manga pour enfants !

La suite va confirmer la nouvelle direction prise par Taito. Lorsqu'on paralyse un homme en rouge pour le faire parler ou lorsqu'on libère un enfant, la version japonaise offre toujours les deux mêmes scènes. Contrairement à Black Manta, le visage des criminels et des enfants ne change jamais.


Version japonaise

Version euro/US


Les conversations avec les truands prennent fin avec l'image d'un grand BANG cartoonesque. Quelqu'un s'en est pris une.

Le gameplay même, lorsqu'on est aux commandes du ninja, ne change pas d'un iota, mais on note quand même de petites différences ici et là:

  • L'image du saut est différente. Sur Famicom, les jambes sont brouillées, pour donner l'illusion du mouvement comme dans une bande dessinée. C'est en fait le même graphisme qui est utilisé quand on tombe du cerf-volant, aussi sur NES.
  • Le score est précédé d'un PL qu'on ne s'explique pas.
  • On peut avoir 6 vies. Sur NES, l'affichage ne semble pas dépasser 4.
  • Rien n'indique la pause. Sur NES, "Game Paused" clignote.

Taito aura été plus drastique avec la bande son. Toutes les musiques auront été réécrites. Elles sont assez bonnes, autant sur Famicom que sur NES, bien rythmées et tout à fait dans l'esprit de la console. Mais la Famicom a quand même l'avantage; on sent vraiment un effort de composition. Certains morceaux sont trop brouillons sur NES, par exemple dans les salles.

Chaque niveau débute par une image du ninja sous un faisceau de lumière. Sur NES, le niveau est annoncé par le nom du lieu où l'on se trouve; et c'est une autre différence de scénario: le ninja, sur la trace du gang, part pour le Japon et le Brésil, avant de revenir à New York. Ca n'a pas beaucoup de sens, surtout quand on regarde les décors. C'est parce que l'histoire en réalité se déroule entièrement à New York. Taito aura cru bon d'ajouter des escales internationales, peut-être pour justifier certains choix exotiques parmi les boss.


Version japonaise


A la fin de chaque niveau, au lieu de l'image rikiki d'El Toro, on a droit à un échange entre le chef du gang, caché derrière un rideau vert, et l'un de ses sbires. Le jeu est assez bavard.


Version japonaise


De même, avant de sélectionner ses jutsu, une cut-scene montre une flèche qui vient se ficher dans un mur. Elle porte un message de Sasuke, présenté sous cette forme:


Version japonaise


Mais tout cela est peu de chose par rapport à l'un des plus gros changements de Wrath of the Black Manta: le retrait pur et simple d'un niveau entier ! le second de la version japonaise, qui n'apparaît nulle part sur NES. Celui-ci débute au fond d'une allée, d'où l'on doit s'extraire en grimpant verticalement sur des plates-formes, après quoi on déambule sur les toits en affrontant les ninjas rouges et verts; c'est ici qu'ils font leur première apparition.

Voici à quoi ressemble ce niveau:

Le niveau 2 de la version japonaise, absent sur NES !


Pour parler franchement, ce n'est pas un niveau très intéressant. Le début n'est pas mal, mais toute la séquence sur les toits est laide et n'apporte rien. Il y aura sans doute des mauvaises langues pour dire que c'est un reproche qu'on peut faire à tout le jeu... Mais s'il avait fallu retirer un des six niveaux que comptent celui-ci, c'est effectivement celui qu'on aurait choisi. La question, cependant, est de savoir quel besoin avait Taito de retirer un niveau ? Ce n'est pas comme si le jeu en avait trop ou qu'on se plaignait à l'époque de jouer à des jeux longs ! Peut-être avaient-ils besoin d'espace en plus pour le graphisme des cut-scenes, mais cette théorie semble un peu douteuse.

Les lecteurs attentifs auront remarqué que le boss de feu de ce niveau 2 est le même que sur NES, avec un peu de décor en plus. C'est parce qu'un boss a aussi été retiré ! En fait, à part un, tous les boss sur NES sont différents !

Voici, à gauche, les boss sur Famicom et à droite les boss sur NES, avec un vide là où aurait dû se trouver celui du niveau manquant et deux fois la même image quand le boss est identique:

 

Version japonaise

Version euro/US


Oui, le chef du gang est en fait un extra-terrestre ! Ah, ces sacrés Japonais ! On ne s'étonne pas trop que Taito est choisi une approche plus réaliste pour le combat final.

L'aventure prend aussi une tournure différente avant ça. Sur NES, lorsque vous arrivez au dernier étage, vous vous retrouvez dans une salle avec quatre portes menant chacune à un des boss précédents. Il suffit d'en battre un pour passer au chef du gang. Sur Famicom, on se trouve face à cinq portes et une situation plus familière se présente: vous devez de nouveau battre tous les boss pour avoir le droit de vous mesurer au dernier !

Pour pâlier à la fois ça et la suppression d'un niveau, les continus sont limités à 4 sur NES alors qu'ils étaient infinis sur Famicom.


Version japonaise

Version japonaise


L'image à droite vous montre le boss avant qu'il ne se change en extra-terrestre. Il s'éclipse quelques instants, vous laissant affronter des bandits et des ninjas qui sautent de la nacelle du dirigeable (si c'est bien de ce dont il s'agit).

Quant à la fin, elle est très brève. On peut voir la tête de Sasuke, superposée sur celle du gamin qu'on secourt habituellement, ainsi que celle de Saizō, pour la première fois de face et sans son masque. Le nom des membres de la petite équipe de Kyugo suit.


Sasuke

Saizō

STAFF
PROGRAM TARO MACHIDA
GAME DESIGN NORIPI SAGAMI
CHARACTER DANICHI OONO
SOUND YOKI SHINJYUKU
SUB STAFF TUKAMAETE KUMA


Et les jutsu ? Sont-ils pareils ? Visuellement, oui, même si certains passent mieux en 60Hz sur Famicom. En revanche, ils ne sont plus tout à fait organisés de la même façon.


Version japonaise

Version euro/US


Il n'y a qu'un art dans le groupe B, la boule de feu qu'on active en bougeant, ce qui explique pourquoi elle est automatique en cerf-volant. Le groupe D contient les pouvoirs qui affectent l'image de Saizō.

Version US/Euro Version Japonaise
忍法 A
ninpō
Art of the Shadow Art of the Fire Ring
Art of Fire Bomb Art of Fire Bomb
Art of Lightning Art of Lightning
 
忍法 B
ninpō
Art of the Fire Ring Art of Missiles
Art of Invisibility
 
忍法 C
ninpō
Art of Ground Fire Art of Ground Fire
Art of Spider Art of Fire Rain
Art of Spider
 
忍法 D
ninpō
Art of Missiles Art of the Shadow
Art of Fire Rain Art of Invisibility
Art of Teleportation Art of Teleportation


Et pour être ultra-complet, voici maintenant le vrai nom de chaque jutsu et leur signification (attention, n'étant pas expert, il y a peut-être de petites erreurs de transcription/traduction de ma part):

  • Art of the Shadow / おぼろ影の術 (Oboro Kage no Jutsu)
    Littéralement Art of the Hazy Shadow; Art de l'Ombre Trouble.
  • Art of the Fire Bomb / 木の葉みじんの術 (Ki no Ha Mijin no Jutsu)
    Art of the Cutting Leaves; Art des Feuilles Coupantes. Ce jutsu n'a en fait rien à voir avec le feu, il s'agit de feuilles d'arbre tombantes. "Mijin" signifie que quelque chose est réduit en morceaux, donc je crois que le sens de ma traduction est assez juste.
  • Art of Lightning / 木の葉みじんの術 (Inazuma no Jutsu)
    Idem; Art de l'Eclair.
  • Art of Fire Ring / 火炎の術 (Kaen no Jutsu)
    Art of the Flame; Art de la Flamme.
  • Art of Invisibility / 火炎の術 (Kagerou no Jutsu)
    Art of the Heat Haze; Art de la Brume de Chaleur. Cela donne une idée de l'effet qu'ils essayent de créer.
  • Art of Ground Fire / 火走りの術 (Hibashiri no Jutsu)
    Art of Running Fire; Art du Feu Fuyant.
  • Art of Spider / 土ぐもの術 (Tsuchigumo no Jutsu)
    Art of Ground Spider; Art de l'Araignée de Terre. Tsuchigumo est en fait un monstre arachnide géant du folklore japonais.
  • Art of Missiles / 波動の術 (Hadō no Jutsu)
    Art of Energy Wave; Art de la Vague d'Energie. Eh oui, hadō comme dans hadōken ! C'est la même technique.
  • Art of Fire Rain / 木の葉舞の術 (Ki no Hamai no Jutsu)
    Art of the Leaf Dance; Art de la Dance des Feuilles. Une fois encore il s'agit de feuilles et non de feu.
  • Art of Teleportation / 木の葉舞の術 (Ki no Hagakure no Jutsu)
    Art of the Hiding Leaves; Art du Voile de Feuilles. Toujours des feuilles, probablement à cause du patronyme de Saizō que nous expliquions plus haut, Kogakure.


Conclusion

Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, que Taito prend la peine de revoir à fond un jeu NES dont ils assurent la distribution à l'étranger. Ils l'avaient déjà fait avec Death Sword, sorti aux Etats-Unis peu avant Wrath of the Black Manta, et le feront encore avec Power Blade, de Natsume.

Est-ce que cela est bien utile ? Dans le cas présent, oui, car le produit original est franchement médiocre. Mais le résultat est-il à la hauteur de leur engagement ? Malheureusement non, puisque même après tous ces changements, Wrath of the Black Manta est toujours aussi décevant. La meilleure idée est d'avoir supprimé ces larges portions de graphisme un peu comique, qui n'allaient décidément pas avec le reste. Dommage qu'ils n'aient rien trouvé de mieux pour les remplacer que d'aller copier des visages à droite et à gauche. On les remerciera aussi d'avoir abrégé les préliminaires au combat final. Les autres choix en revanche comme de retirer un niveau ou de refaire toute la musique n'apportent rien, au contraire.

L'image que cela donne de Taito est celle d'un éditeur pas très futé. Un éditeur qui va s'embêter à modifier un jeu sans parvenir à l'améliorer. Le conseil arrive trop tard, mais nous aurions voulu leur dire, la prochaine fois, de jeter leur dévolu directement sur un bon jeu Famicom ! Pour éviter de tourner en rond.

le 24 septembre 2012
 


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