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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


Fluide comme l'eau, brûlant comme le feu, vaste comme l'ombre, frais comme l'herbe.

La Légende de Thor

La Légende de Thor

ストーリーオブトア 光を継ぐ者 (Story of Thor - Hikari wo Tsugu Mono, trad: "Héritier de la Lumière"), The Story of Thor - A Successor of the Light (Europe), Beyond Oasis (USA)
Suppléments:

5 Secrets Bien Gardés

 Mega Drive

Développeur:
Ancient

Editeur:
Sega
Genre:
Aventure /
Beat'em up

Joueurs:
1P

Dates de sortie
09.12.1994 Japon
03.1995 USA
03.1995 Europe
idéale Difficulté:

96%Graphismes
93%Animation
90%Son
90%Jouabilité
93%Durée de vie

95%95%
Trucs et astuces

Ecran de score:

A l'écran titre, maintenez enfoncé B et appuyez sur Start. Un son confirme le code.

Sound Test:

Enfin, "Test Sonore". A l'écran de sélection de la partie, après l'écran titre, sélectionnez un bloc de sauvegarde vide et appuyez sur B et Start simultanément. Un son confirme le code, vous donnant accès aux 34 musiques et 239 bruitages du jeu !

Coups spéciaux:

Il existe deux attaques spéciales cachées.

- avec le poignard, en partant de l'avant, faites un tour complet du pad puis avant, arrière, avant et appuyez plusieurs fois sur B pour réaliser 3 attaques roulées.

- avec une épée, en partant de l'avant, faites un tour complet du pad puis avant, arrière, avant et B pour un enchaînement de coups.


[Manette à 6 boutons]

La Légende de Thor est compatible avec la manette à 6 boutons sortie plus tard et qui ressemble un peu à celle de la Saturn. Les boutons X, Y, Z servent de raccourcis aux menus et Mode + B permet d'alterner entre le poignard et une autre arme. En plus de ces fonctions, il existe aussi des codes qui ne peuvent se faire qu'avec elle.

Fin du jeu:

A l'écran titre, maintenez enfoncés A, B, Z, bas-gauche et appuyez sur Start deux fois pour commencer une partie. Un son confirme le code.

Tous les items:

A l'écran titre, maintenez enfoncés A, Y, haut-droite et appuyez sur Start deux fois pour commencer une partie. Un son confirme le code. Vous commencerez le jeu avec 7 armes à 254, 16 items, tous les joyaux et de meilleurs stats.

Debug / Niveaux:

A l'écran titre, maintenez enfoncés A, Z, bas-droite et appuyez sur Start deux fois pour commencer une partie. Un son confirme le code. Allez dans le menu d'options, placez le curseur sur la plume de sauvegarde et appuyez sur Mode + B pour accéder au sélecteur de maps. Changez de liste en appuyant sur gauche ou droite. Vous pouvez vous téléporter n'importe où dans le jeu ! Beaucoup moins utile, vous pouvez aussi lire tous les dialogues du jeu: appuyez deux fois sur X et Z et gardez les boutons enfoncés la seconde fois puis allez parler à quelqu'un

Thor est le dieu de la foudre dans la mythologie nordique. Je ne vous apprends rien, surtout en ces périodes musclées où on le voit qui fait tournoyer son marteau dans les salles de cinéma pour le compte de Marvel. Thor n'apparaît pas une seule fois dans ce jeu Sega, il n'est jamais question de lui, ni même de son marteau. Personne non plus ne porte son nom.

Le grand formaliste que je suis lève des yeux songeurs vers le ciel.

Le héros du jeu s'appelle en fait prince Ali. Tiens, comme la chanson du film Aladdin ! ("Il a vaincu une armée / Tout seul avec son épée ! / La terreur des ennemis, c'est prince Ali !") Il vit sur une grande île, la terre d'Oasis. Ce qui nous rappelle une autre chanson, un peu moins recherchée celle-là. ("Oasis, Oasis. Oh ! / Oasis, Oasis. Ah ! / Mais qu'est-ce tu bois doudou dis donc ? / Oasis, Oasis, c'est bon, c'est bon !") Mais au moins maintenant on a tout compris: à l'opposé de ce qu'on supposait, La Légende de Thor est une aventure orientale qui se déroule dans le désert. Eh bien en fait, non. Ali a des faux airs d'Aladdin mais il n'y a pas de désert et rien d'oriental, il habite un village côtier bien vert. Pour brouiller un peu plus les pistes, dans la version japonaise, le héros s'appelle Ruo et l'île Poséidonia (d'où le décor du palais royal).

Les yeux du grand formaliste commencent à loucher.

Pas de Thor, pas d'Agrabah... bon, ce n'est pas grave, pourvu que le jeu soit bon ! Et ça, pour l'être, il l'est ! Mais cette grande confusion de départ n'est pas tout à fait anodine: on y voit poindre les premiers signes, pour le jeu, de la difficile recherche d'une identité. Et si vous tenez vraiment à savoir d'où vient le nom de "Thor", lisez jusqu'au bout, 1UP va vous fournir toutes les explications.

D'Or et d'Argent

La Légende de Thor débute par une intro somptueuse, l'une des plus belles de la console, animée, peut-être pas comme un film, mais au moins comme un jeu Neo Geo. Au fond d'une grotte, sur une île mystérieuse, le prince Ali déterre un garde-bras en or. L'esprit qu'il renferme lui apprend qu'il a été choisi pour arrêter le possesseur du garde-bras en argent, qui veut détruire Oasis; pour arriver à ses fins, Ali doit retrouver les 4 esprits qui obéissent au garde-bras d'or, désormais sien. Puis celui-ci lui narre la terrible bataille qui opposa les deux précédents propriétaires de ces artefacts, les sorciers Reharl et Agito. Après quoi, en bonne tragédienne, l'île ne manque pas de s'effondrer et Ali retourne vite chez lui pour y constater que les monstres ont déjà été lâchés.

Le prince Ali est un peu le jeune Indiana Jones local à en croire la notice française, puisque c'est sa passion des fouilles qui le mène sur cette île. Dans les autres versions, il serait plutôt Jeanne d'Arc: une voix l'y conduit. La traduction française dans le jeu même suit fidèlement la version anglaise, il n'y a pas de fautes ignobles contrairement aux jeux français Nintendo (cf. Illusion of Time). Et ce qui peut paraître erroné en VF, "Arc" pour l'arbalète, "Mort" pour la deathsword, ne suit en réalité que le modèle anglophone. Mais en même temps, il y a assez peu de texte et on se demande s'il était vraiment bien utile de le traduire. C'était l'époque où des puissances supérieures souhaitaient ne plus voir le moindre mot anglais dans les jeux.

Les Sentiers de la Rage

Dès que l'embarcation d'Ali touche le rivage et que le graphisme d'Oasis se dévoile, on reçoit la confirmation qu'on ne s'est pas engagé dans une aventure ordinaire. Le style s'apparente aux celluloïds d'un dessin animé, avec des couleurs épaisses, vives et colorées comme de la gouache ou du feutre, couchées dans le format immuable et strict d'un jeu vidéo 2D. C'est l'équivalent du cel-shading ou toon-shading pour la 3D, mais sans rien de comparable à l'époque. Beaucoup de formes de couleurs, finalement assez peu de détails, et du coup une grande clarté, une beauté rafraîchissante, rare, voire unique parmi ses pairs.

Il est cependant encore trop tôt pour mesurer l'impact du graphisme; il faudra jouer plus longtemps. Dans l'immédiat, c'est dans le gameplay qu'on va pouvoir juger plus précisément de l'originalité du concept. Après avoir traversé une portion de village, un hameau qui ne contient rien de bien intéressant, on se retrouve face à nos premiers adversaires. Pour les affronter, on découvre qu'Ali, qui se bat au poignard, dispose d'une panoplie de coups. Ce n'est pas habituel dans le monde des aventuriers. La Légende de Thor est assurément un jeu d'aventure (il n'a rien d'un RPG, soit dit en passant), mais avec un élément surprise: le beat'em up. Les combats ne sont pas de simples échanges de coups d'épée. Ali perce et tranche, enchaîne avec des coups de pieds, exécute même quelques combinaisons à la croix de direction et possède l'emblématique coup de pied sauté ! Il ne lui manque pas grand chose à part la faculté de bloquer.

On pourrait d'ailleurs s'amuser à une analogie. Les concepteurs d'Ancient, en expérimentateur audacieux, auront réalisé une greffe chirurgicale de deux personnages Mega Drive à succès pour créer leur Ruo/Ali. La moitié inférieure de son corps, avec sa ceinture rouge et son séroual blanc, c'est Aladdin. La moitié supérieure, cette tête blonde en bandeau bleu juchée sur un torse en débardeur, c'est Axel de Streets of Rage. Le premier représente l'esthétique dessin animé, le second l'action poings serrés. Il y aura eu une troisième greffe, cérébrale celle-là, et quelque peu illicite; nous découvrirons qui en a été l'improbable victime un peu plus tard.

Mais parlons un peu d'Ancient, si vous le voulez bien. Car Ancient a aussi un secret qui explique certaines choses. Ancient est une compagnie fondée par le compositeur Yuzo Koshiro. Koshiro est surtout connu pour avoir réalisé la musique des premiers Ys, des Actraiser et, justement, de Streets of Rage. Sa maison de développement voit le jour en 1990, c'est-à-dire entre Actraiser et le premier Streets. Il est rejoint dans son entreprise par sa soeur, Ayano Koshiro, qui avait participé à Ys et aux graphismes d'Actraiser. Dans La Légende de Thor, elle est à la fois en charge de la direction artistique et du design des personnages; c'est à elle en somme que le jeu doit son apparence si originale. Son frère compose bien entendu la musique et occupe aussi le poste de producteur.

Cut'Em Up

Grâce à cette approche ingénue qui s'imprègne de la vigueur des beat'em ups, les combats sont cinglants et débordants d'énergie. Les jeux d'aventure traditionnels ressemblent à de vieux arthritiques en comparaison. Les ogres volent sous les coups, les soldats poussent des hurlements déchirants. On tranche dans le lard de tous ces affreux avec plus de férocité qu'on n'en avait vu dans Golden Axe. On ose des bravades insensées, comme de sauter dans le tas et d'envoyer valdinguer sept ennemis en un tour d'épée ! Mais les apports du beat'em up ne se limitent pas à la cogne. Le genre affecte le gameplay par d'autres voies aussi. Les recharges d'énergie et de magie par exemple se présentent sous la forme d'aliments. On retrouve ainsi le gigot et la pomme de Streets of Rage, parmi beaucoup d'autres (steaks, poissons, champignons, fruits divers). La différence étant que l'on peut les emporter avec soi dans un menu à 16 cases.

C'est un peu la même chose avec les armes. Même si l'inventaire est bien celui d'un jeu d'aventure (glaives, épées de feu, arbalètes et bombes), la manière dont on le gère n'y ressemble pas. Ce sont toutes des armes "jetables". On les collecte, tout comme les items, mais elles ne peuvent servir qu'un certain nombre de fois, après quoi elles disparaissent et il faut se rabattre sur son poignard. Comme celui-ci est le seul qui offre la possibilité de réaliser des attaques spéciales, on ne se sent guère pénalisé. Au lieu d'acquérir définitivement des armes tel qu'on le fait dans la plupart des jeux du genre, on les transporte temporairement, comme les barres de fer et battes de baseball d'une rixe métropolitaine.

Mais se prendre pour un beat'em up n'a pas nécessairement que des bons côtés. On court aussi le risque d'avilir certains aspects qui faisaient le charme de ces bonnes vieilles quêtes dans des royaumes lointains. La principale victime de cet état de fait dans La Légende de Thor, ce sont les villages. Les discussions avec les habitants, l'interaction dans les maisons, tout cela a été réduit à un tel minimum qu'on peut difficilement en reconnaître l'existence. Il n'y a que le hameau au début et, un peu plus loin, le château et la rue menant au port. Ali, excessivement respectueux de l'intimité d'autrui pour un personnage de jeu, se refuse à ouvrir les portes des maisons. Il n'a plus qu'à arrêter les badauds, peu nombreux et sans personnalité, pour les écouter débiter des banalités sans intérêt. En termes de densité de population humaine, Oasis n'a pas volé son nom.

Ce manque de communication est décevant de la part d'un jeu d'aventure 16 bits. Mais soit, c'est le choix des auteurs. L'action prend le pas sur l'exploration, et l'on s'en rend compte aussi dans la topographie de l'île. Même si l'on est assez libre, elle est moins ouverte qu'on pourrait le croire. Pour arriver au sommet de la plus haute montagne, il faut suivre la côte est et traverser une succession de palais. Il y a d'autres chemins, mais pas de véritable raccourci. La côte ouest abrite, elle, le château et la forêt. En sorte que l'île donne l'impression d'une fourche. Il n'y a pas de centre d'où partir pour explorer n'importe quelle direction. Dès que l'on s'éloigne de l'intersection de la fourche, le trajet devient plus tortueux et les monstres reviennent plus vite, incitant (pour ne pas dire "forçant") à combattre.

Esprit, Es-Tu Là ?

Dans les beat'em ups, on est rarement seul. La Légende de Thor ne dispose pas de mode 2 joueurs et l'on ne s'en offusque pas, cela aurait été intenable, mais elle offre néanmoins un compagnon dont les facultés cette fois servent plutôt la partie aventure. Quatre palais renferment un esprit du garde-bras d'or: la fée aquatique Dytto, le djinn de feu Efreet, l'ombre vivante Shade et la plante bagarreuse Bow. Chacun possède évidemment des propriétés uniques, généralement trois. Dytto, par exemple, restaure facilement l'énergie et se transforme en tourbillon; Shade, le plus original, suit Ali littéralement comme son ombre et lui permet même de se dédoubler.

Les plus forts, du reste, frappent automatiquement les ennemis qui entrent dans leur champ. C'est comme d'avoir un grand frère qui vous protège. Pour invoquer un esprit, il suffit de tirer une boule d'énergie avec le bouton A sur son élément: l'eau, le feu, une plante ou une surface réfléchissante. Après quoi il reste aussi longtemps que l'on a de magie disponible ou jusqu'à ce qu'on le congédie. Il y a une double subtilité dans leur utilisation. D'abord, sans eux, on ne peut pas accéder à certains lieux (encore que la bombe vaille bien le feu d'Efreet). Et comme leur usage est limité par la magie et déterminé par leur élément, il faut savoir aussi où trouver celui-ci. On peut parfois les appeler par des moyens détournés... Il faut réfléchir, expérimenter, et là, c'est l'aventure qui revient dans toute sa splendide intelligence.

C'est d'ailleurs peut-être la plus admirable des qualités du titre d'Ancient. C'est un jeu intelligent, où les programmeurs ont travaillé le gameplay afin de nous permettre d'accomplir des actions logiques, pour notre plus grande satisfaction. Un bon exemple est la manière dont les ennemis interagissent avec ce qui les entoure. Ils sont vulnérables aux pièges et aux coups. On peut donc d'amuser à improviser des traquenards, à les attirer dans n'importe quel piège qui nous infligerait des dommages. En se servant d'Ali comme leurre, les zombis se font calciner par les jets de flammes. Avec un peu d'adresse, les soldats finissent par s'entretuer avec les flèches qu'ils tirent; on peut aussi leur renvoyer les bombes en les frappant. Les possibilités sont très nombreuses et cela produit une distinction clef: le beat'em up de La Légende de Thor n'est pas du simple beat'em up.

Greffe d'Âme

C'est dans les palais, surtout, que La Légende de Thor se présente le plus clairement comme un jeu d'aventure. Par moments, on songe même aux maîtres du genre: les Zelda, bien sûr. Certains ennemis, comme les sorciers, certains pièges aussi, les pointes sur roues, ou même l'apparition du coffre et les items qu'on brandit, évoquent immanquablement la saga de Nintendo. Mais Thor fait cependant quelque chose que l'on n'a pas l'habitude de voir chez tous ces admirateurs plus ou moins inspirés: à l'occasion, il lui arrive de surpasser Nintendo. Rarement dans les énigmes mêmes, Nintendo restant le maître des exercices mentaux bien ficelés, mais dans la fraîcheur de la composition.

Evidemment, en 1995, le dernier Zelda en date est Link's Awakening sur Game Boy, et A Link to the Past sur Super Nintendo remonte déjà à quatre ans. Cela fait un certain temps qu'il n'y a rien eu de neuf. Sega et Ancient sont bien conscients qu'il y a un vide à remplir, que la technologie 16 bits a suffisamment progressé pour essayer des choses que Zelda 3 n'avait osé faire en son temps. Après Soleil, Landstalker, ils s'en sont donnés les moyens et ça a payé. Tant et si bien que dans ces palais tortueux aux salles formidablement différentes, un luxe que Nintendo ne pouvait s'offrir en 91, quelque chose d'incroyable se produit: on voit graduellement apparaître une sorte d'héritier de Zelda, de chaînon manquant entre le Zelda 16 bits et le Zelda 64 bits, Ocarina of Time, et plus loin encore même, avec The Wind Waker sur GameCube.

Les deux jeux ont des points communs, stylistiquement bien sûr, mais aussi dans l'aventure même: le village côtier, les imposants chevaliers en armure, le monde parallèle sans couleurs, les boss monumentaux... S'il y avait eu un Zelda 32 bits, il aurait sans doute été en 2D et aurait ressemblé à la Légende de Thor. Mais ce dernier sait aussi résister aux influences. Les premiers palais ainsi sont étonnamment courts, à peine quelques salles, ce qui est déroutant pour un jeu d'aventure de cette envergure. D'autres ont la particularité de s'intégrer dans leur environnement, ce ne sont pas juste des trous de grottes dans lesquels on descend. Après avoir débarqué du navire, sur la grève, on gravit un palais à étages. Il débouche sur une bande de marais, qui conduit vers une forteresse taillée dans la montagne, avec deux autres points d'accès.

Les Heures Sup

Avec leur création, les auteurs accumulent les accomplissements. Les productions Sega, d'ordinaire, sont assez hardcore; ce sont les habitudes arcade qui parlent. Thor, lui, est d'une difficulté quasi-parfaite, dosée avec — encore ce mot — intelligence. Les seuls passages où l'on s'arrache vraiment les cheveux sont facultatifs; nous en parlons dans le supplément, ce sont les épreuves pour acquérir des armes illimitées; il faut les mériter ! Le reste du temps, le challenge est relevé mais toujours surmontable. Si l'on meurt à répétition dans un passage, c'est sans doute qu'on n'emploie pas la bonne méthode. Le boss de la forêt assis sur sa boule de cristal au milieu du vide vous exaspère ? Les phases plates-formes vous coûtent cher en vie ? Changez d'approche !

Au surplus, le joueur est bichonné, on ne le laisse jamais crever dans son coin de game over: continus flexibles, sauvegardes sur commande, profusion de nourriture, potions ressuscitatives, pouvoir de Dytto, joailleries magiques; tout n'est pas donné dès le départ, mais on finit par transporter l'attirail de soin d'une infirmière de jeux vidéo ! A cela, il faut ajouter les coeurs, qui augmentent de 2 points le total de vie. Ces coeurs sont un autre exemple du beat'em up prenant le dessus sur le jeu d'aventure. Traditionnellement, ce genre d'item est caché dans des emplacements précis, au fond de coffres ou autres. Dans Thor, on les obtient aléatoirement auprès des ennemis et l'on peut en ramasser comme cela jusqu'à cent.

Mais Thor n'est pas juste un jeu bien équilibré, c'est aussi un jeu durable. Cette race de joueurs perfectionnistes qui aiment à sucer leurs cartouches jusqu'à la moelle y trouvera son bonheur. Localiser l'emplacement des 5 épreuves cachées et y acquérir ensuite chacune des armes est le challenge ultime. Il est lié de près à une autre mission, qu'on surnommera affectueusement la mission Columns, dont le but est de mettre la main sur 60 joyaux, sorte de stimulants pour les esprits (il y en a 15 pour chaque). Pour y parvenir, il faudra découvrir toutes les cachettes du jeu, ses salles secrètes, ses téléporteurs invisibles grâce au pouvoir de Shade. Et si vous parvenez jusque-là, il en reste encore un peu. Vous recevez un grade en finissant le jeu, que vous pouvez tenter d'améliorer, par exemple en terminant en moins de deux heures ou en ne ramassant aucun coeur. Même quand on en a fini pour de bon, on revient sur Thor avec plaisir et il arrive encore qu'on y découvre de nouvelles choses, tant les idées y sont nombreuses.

Bruitages, Maestro !

Mais revenons un peu sur la technique. Après avoir fini le jeu dans tous les sens, est-on toujours aussi impressionné par le graphisme ? La réponse est oui. Il est riche, doux, superbe. De temps en temps, il y a un peu trop de roche ou de pierre nue, on aurait aimé plus de décorations ou de sculptures, pour prendre exemple sur le palais final, mais c'est à peu près tout ce qu'on peut lui reprocher. On découvre chaque nouvelle salle avec un plaisir non dissimulé, on se gorge de ses couleurs éclatantes. Les boss sont à tomber par terre et comme pour l'intro, on songe à l'extraordinaire Neo Geo; deux ou trois occupent tout l'écran et affichent un look d'enfer, digne d'un film fantastique.

Le nombre d'ennemis n'est pas phénoménal et les variations de couleurs parmi eux sont monnaie courante; on rencontre souvent les mêmes puisque la fréquence des combats atteint celle d'un beat'em up. Mais la qualité de leur animation, la diversité des attaques et des mimiques, justifie largement ce modeste compromis. L'interaction des créatures, entre elles et avec les pièges, apporte tellement aux combats ! Le jeu y gagne bien plus que s'il s'était contenté de proposer un bestiaire plus large. Et puis, il n'y a pas le moindre ralentissement ou saccade, bien qu'on n'hésite pas à nous balancer au milieu d'une dizaine de sprites projetés dans toutes les directions par des explosions.

Ce qui peut surprendre en revanche, est que la bande son n'est pas le point fort. Avec Yuzo Koshiro produisant ici son propre jeu, on se dit qu'il va se surpasser. Et pourtant, non. Bon, je dois avouer, je ne suis pas un fan de son style, que je ne trouve pas assez mélodieux. J'ai un peu du mal à comprendre sa réputation par moments, le retrogaming ne manquant pas de grands musiciens. Le problème dans Thor, c'est le thème de Poséidonia/Oasis, la musique que l'on entend dans chaque zone. Cela va en augmentant, puis ça retombe, puis ça remonte, comme si quelqu'un jouait avec le volume. Mais ça ne ressemble pas à grand chose au fond, ça manque d'ambition et d'idée. Beaucoup de tremolos megadriviens, quelques accords dissonants, sa partition n'est pas assez épique. Les palais ont quand même de meilleurs thèmes, plus mystérieux et menaçants; celui du monde final est une version dépouillée à l'extrême de cette ambiance (mettez vos paumes de mains par dessus vos écouteurs et fermez les yeux, vous aurez l'impression de couler très lentement).

Ou alors peut-être est-ce fait exprès pour laisser la place aux bruitages. C'est une possibilité, car ceux-ci sont très bons. Et comme on est presque toujours en train de combattre, on les entend à loisir. Il y a des bruitages pour tout ce qu'il faut et jamais plus, et ils sont très fins avec ça: le rebond des bombes avant d'exploser, le clapotis de l'eau, les lacérations percutantes. Parfois on a même du mal à les identifier. La chute d'un coffre est précédée d'un craquement de cuir que l'on tend. Il y en a plusieurs de mémorables et d'amusants, le bruit de ressort lorsqu'on ramasse un item de trop, mais la palme revient aux gémissements digitalisés. Les soldats poussent toutes sortes de cris virils et puis tout d'un coup vous en avez un qui hurle comme une fille ! Et les moustiques! Si réalistes qu'on ne peut s'empêcher d'agiter la main autour de sa tête.

Le Fautif

Mais il est temps maintenant d'éclaircir le mystère du mot Thor. Pour comprendre la raison de sa présence dans le titre, il faut, on s'en serait douté, se tourner vers la version japonaise. Elle porte le même nom que la nôtre, The Story of Thor, écrit en caractères romains sur la boîte comme à l'écran, donc aucune ambiguïté possible. Cependant, en caractères japonais, le mot s'épelle "Toa" [トア], qu'on pourrait à la rigueur écrire "Tor" mais pas "Thor" [トール]. Et contrairement à nos versions occidentales, ce nom figure bien dans l'histoire. Il s'agit en fait du lieu mystique où Reharl et Agito se sont affrontés, que l'on explore à la fin du jeu. La version américaine le désigne par le mot-valise shadowland, que la version française transforme elle en nom propre. Plus tard, cela devient "le monde impalpable" ("non-entity world", dans la version US).

Si les Japonais ont fait une erreur en transcrivant le mot par "Thor", le vrai coupable, ce ne sont pas eux. Son identité, on la découvre sur Internet. Sur certains sites publiques, le générique de fin n'est pas recopié comme il apparaît dans le jeu. Avant les noms habituels, on voit les lignes "Producteur: Tony Van" et "Localisation du texte: Tony Van". Qui est ce Tony Van, soudain si important ? Non, ce n'est pas lui qui a produit le jeu, ce n'est pas lui non plus qui l'a traduit. Il était simplement chargé de superviser les versions anglophones. Mais en revanche, de son propre aveu, c'est lui qui a choisi de retirer Toa et de laisser ce Thor qui n'a plus aucun sens, c'est lui aussi qui a remplacé Poséidonia par Oasis et prince Ruo par prince Ali (un clin d'oeil à sa femme qui travaillait sur Aladdin ! on aura tout vu !).

Il affirme en outre, sur son site web, que "le jeu arriva dans une version japonaise mal traduite, qui ne voulait pas dire grand chose. Alors je créai ma propre version de ce qui me semblait juste." Pourtant, en comparant le texte japonais et américain, on remarque que la traduction est quasiment identique au texte original. La seule différence, une fois encore, étant les retraits de noms. On se demande au juste qu'elle a été la contribution remarquable de ce monsieur Van qui lui vaut tout d'un coup deux places de premier choix au générique, places qu'il se sera sans doute attribuées lui-même. Une chose est sûre, le peu qu'il avait à faire, il l'aura mal fait.

Toute cette affaire accentue la petite crise d'identité dont souffre le jeu. Les personnages sont peu nombreux et tous sont très mal définis. C'est un peu la même chose dans Zelda, mais ici, même le méchant n'a pas de nom. Pendant longtemps, il est juste le "Bracelet en Argent", sans qu'on sache d'où il sort. Cela devrait inviter au mystère, sauf que les auteurs ne font rien pour l'établir. Les membres du palais royal et le mentor souffrent du même syndrome. Ils sont là, mais sans avoir aucune présence. C'est bête à dire, mais le jeu manque d'humanité. A part Ali, pardon, Ruo, il n'y a personne de mémorable. Il est plus difficile pour un jeu de s'imposer, aussi bon soit-il, lorsque ses personnages ne marquent pas. C'est peut-être pour cela que Thor ne sera jamais devenu une saga. Il y eut bien une suite, un an plus tard, The Story of Thor 2 sur Saturn, qui relate des évènements antérieurs, mais elle n'eut pas le même impact, ni le même succès critique.

Maître de l'Univers (Sega)

On ne peut pas faire de grands reproches à La Légende de Thor, mais on peut quand même en faire de petits. La jouabilité est le point, avec la musique, qui est un peu plus vulnérable que le reste, à cause de phases plates-formes très casse-gueules et d'une lenteur excessive à d'autres moments. Comme dans les beat'em ups (ben oui), le héros n'est pas bâti pour naviguer sur tous ces petits carrés mouvants; c'est un bagarreur, pas un athlète. Et comme ces carrés ont tendance à ne pas se soucier de nos problèmes d'équilibre, on répond à l'appel du vide plus d'une fois. Mais l'intelligence, une fois encore, des développeurs, aura été de très peu pénaliser le joueur pour ses chutes (juste une infime portion de vies) et d'avoir ajouté Shade comme ange gardien.

La question de la lenteur est plus sérieuse mais pas un écueil non plus. Le jeu aurait gagné à être un peu plus rapide. Ressusciter avec la potion ou gravir des marches par exemple est d'une lenteur affligeante (le saut aide pour le second). Par ailleurs, lorsqu'on essaye de combattre un ennemi sur un escalier, on voit apparaître d'évidents problèmes de collisions. Eliminer des ennemis volants est une autre légère source de frustration: il les faut à un certain niveau, le sens vertical marche souvent mieux que l'horizontal, etc. La conclusion logique de ces observations est que Thor n'est pas un jeu d'aventure parfait, quelques fautes l'empêchent de s'élever encore plus haut qu'il le mériterait, au niveau de vous-savez-qui.

Il n'en est pas moins un jeu exceptionnel, que dis-je ! une grande oeuvre vidéoludique ! du jamais vu à l'époque sur Mega Drive, dont les incursions dans le domaine de l'aventure avaient été jusque-là beaucoup plus sages. Thor apporte au genre, par le biais du beat'em up, une force et une énergie rafraîchissantes, que communique également le graphisme. Il a bien vieilli justement parce que ce style dessin animé est indémodable, les films Disney en sont la preuve. Thor se démarque constamment par des idées audacieuses, un travail de programmation compliqué, qui met l'accent sur le réalisme des interactions, paradoxalement devenu une trop grande priorité de nos jours, et tout cela sans jamais perdre de vue le joueur moyen, ce qui fut trop souvent l'erreur fatale des jeux Sega. Il est l'hybride aussi réussi qu'improbable de deux genres antithétiques, de la finesse et de la brutalité, dans une sorte de no man's land où aucun des deux ne parvient à dompter l'autre.

On joue, on se délecte, et on en redemande ! Après un titre comme Thor, il est dur de revenir à des jeux ordinaires... Heureusement pour nous, le 300ème test n'entre pas dans cette catégorie !

le 26 juin 2012
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
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