Le docteur Ivo Robotnik se verrait bien au coeur d'une nouvelle révolution industrielle, il a d'ailleurs commencé à changer les gentils petits animaux tout mignons en vilains robots tout mignons quand même (qui a dit que Sonic c'est plus "adulte" que Mario ?). Mais Sonic le hérisson qui court à la vitesse super lui-même ne voit pas les choses de la même façon, il s'élance pour délivrer ses amis de la mécanisation, faire sa fête au vil docteur et ramasser si possible quelques émeraudes chaos.

Sonic The Hedgehog a beau être un jeu de plate-forme, il ne ressemble pas à Mario. Sega a clairement tout fait pour s'éloigner de cette présence trop écrasante et créer son propre style plate-forme. Cela concerne autant les éléments d'importance (personnages, graphismes...) que les détails (les niveaux s'appellent zones, le temps limite de 10 mn démarre à zéro...). Hérisson bleu en tennis dessiné avec le coup de crayon acéré du manga, Sonic adore courir à une vitesse vertigineuse. Une pression sur le bas durant une course et le voici qui se roule en boule, rapide et destructrice puisque capable de briser les murs dissimulant des passages secrets. La mascotte de Sega se veut cool, elle a un look moderne et va très vite.

Le design avant-gardiste s'applique aussi aux niveaux et aux animaux robotisés. Ils ont un style bien particulier, unique, le style Sonic tout simplement. Rien à voir par exemple avec les robots "animaloïdes" de Megaman X. Tout comme les ennemis, les décors ont de fausses allures de dessins 3D qui leur donnent un look là encore résolument original, à l'instar de ces fameuses textures en damier qui sont quasiment devenues une marque de fabrique Sega, on les retrouve encore aujourd'hui dans Super Monkey Ball par exemple. Cependant cet aspect particulier peut autant être une source d'admiration que de désenchantement. Avec le temps, Sega aura adopté des graphismes plus traditionnels comme on peut le voir dans Sonic Adventure. A vous de juger lesquels vous préférez !

Six niveaux chacun divisé en trois zones s'offrent à Sonic. Chaque fin de niveau se conclue par une apparition de l'ovoïde Dr. Robotnik qu'il faut défaire pour libérer d'innocentes bêbêtes d'une vilaine machine. Dans les zones, la collecte des anneaux s'impose puisqu'ils font office de protection, tant que vous en avez vous ne mourrez pas (sauf lors d'une chute) mais le moindre contact désagréable et tous vos anneaux s'éparpillent violemment. Il est possible de les récupérer, en se dépêchant puisqu'ils disparaissent rapidement. En terminant la zone avec 50 de ces bijoux en poche, un anneau géant apparaît en fin de parcours. Sauter dedans conduit Sonic dans un niveau bonus animé d'une rotation du plus bel effet dans lequel, outre d'accumuler des points et gagner une vie, il a une chance de trouver des émeraudes chaos convoitées par le docteur.

Franchir tout cela n'est pas aisé, plus du fait de l'absence de continue (il y a quand même moyen d'en gagner) et du nombre restreint de vies qu'en raison de difficultés insurmontables. Bien sûr c'est un beau challenge mais la frustration de mourir au dernier boss après avoir traversé dix-huit niveaux a de quoi exaspérer. D'un point de vue technique, l'arrangement des obstacles dans les niveaux est assez bien pensé. Il y a de l'espace, les environnements sont grands, plusieurs chemins disposés en étages sont proposés et quelques raffinements de casse-tête plate-formesque sont là. Mais ils ont aussi des défauts qui peuvent nuire au fun. La vélocité de Sonic se marie mal à des phases de plates-formes qui demandent une approche plus posée. Plus on avance dans le jeu, plus le sprint se révèle dangereux car les situations périlleuses se multiplient. A certaines occasions s'ajoute une maniabilité frustrante, les commandes sont soit trop sensibles, soit énervantes au possible comme lorsqu'on tente de sauter dans une pente. Les zones d'un même niveau manquent également de diversité, il n'y a guère de surprises et tout se ressemble, au point qu'on se sent souvent perdu: on est quelque part dans le niveau, on sait qu'on doit aller à droite, c'est tout. Un sentiment pas très agréable.

Plus satisfaisantes sont les musiques qui collent bien à l'ambiance. Jolies quoique répétitives, dotées de quelques sonorités qui évoquent parfois la pop nippone, elles sont mémorables à l'exemple du thème. Les bruitages sont eux aussi sympa et typiques du genre, les bruits de bumpers et de ressorts sont bien rendus. Excepté les critiques formulées ci-dessus, la maniabilité se classe plutôt parmi les points positifs. C'est un plaisir en effet de faire courir Sonic, plaisir qui ne s'est d'ailleurs jamais perdu, qu'il y ait beau avoir 120 bits d'écart entre les consoles. Autre catégorie en sa faveur, l'animation. La course de Sonic est décomposée en de multiples mouvements et l'écran file au turbo sans jamais ralentir, la cerise sur le gâteau étant les quelques effets visuels inédits pour une Megadrive.

Alors finalement, qu'on aime ou non le style Sonic, on ne peut en tous cas pas reprocher à ce tout premier épisode de ne pas exploiter la console, ni de manquer d'originalité. C'est sans aucun doute cette marginalité vis à vis des autres et des Mario en particulier qui en a fait sa force et la raison pour laquelle dans le coeur de certains il reste le meilleur. S'attaquer à un genre établi et y imposer son style, c'est ce que Sega a fait avec Sonic et parvient encore à faire avec Shenmue.