NES Super Nintendo Master System Mega Drive PC Engine Neo Geo

select a console »
SUPPLEMENTCONSOLE NINTENDO FAMICOM (8-bit)





TANTEI JINGŪJI SABURŌ – SHINJUKU CHŪŌ KŌEN SATSUJIN JIKEN

Pourquoi le Remake Nintendo DS est Nul

par sanjuro critique



Jake Hunter Detective Story: Memories of the Past (Nintendo DS)



Au début, il y avait quatre jeux Tantei Jinguji Saburo, sortis au rythme régulier d'un par an sur Famicom et Disk System de 1987 à 1990. La série disparut complètement durant les 16 bits et ne fit sa réapparition qu'avec la PlayStation et la Saturn de 1996 à 1999. Elle était assez populaire au Japon, mais cela n'empêcha pas Data East, comme beaucoup d'autres éditeurs, de faire faillite au tournant du siècle.

Leur propriété intellectuelle fut alors rachetée par différents groupes. Les droits de leurs jeux Jinguji allèrent pour leur part à WorkJam, qui en était devenu le développeur officiel. Le détective put ainsi continuer ses enquêtes chez Sony et sur portables : à la fois les consoles de Nintendo et les téléphones. En 2011, ce fut au tour de WorkJam de mettre la clef sous la porte et les droits passèrent de nouveau à un tiers, Arc System Works, qui publiait leurs jeux Jinguji depuis 2007.

Le titre qui avait lancé cette collaboration entre les deux compagnies était aussi le premier Jinguji sur Nintendo DS : Inishie no Kioku. Chose curieuse, il fut distribué aux Etats-Unis dans une première version incomplète sous le titre Jake Hunter: Detective Chronicles en 2008, puis dans une seconde version définitive, Jake Hunter Detective Story: Memories of the Past, en 2009.

Saburo Jinguji fut donc renommé Jake Hunter pour l'Amérique. Memories of the Past contient les remakes de toutes ses aventures Famicom, plus une inédite et d'autres bonus. Mais aucun de ces jeux n'a été créé spécialement pour la DS, il s'agit en fait du portage des cinq premiers titres pour téléphones portables japonais !

J'avais acheté cette version américaine dans l'espoir qu'elle me serve de base pour comprendre les jeux sur Famicom, qui abondent de texte japonais. Je voulais jouer aux deux versions en parallèle, mais je compris très vite que le remake DS me serait complètement inutile. Ce n'est en aucun cas une adaptation fidèle, WorkJam a tout changé : l'interface, le texte et même une grande partie de l'intrigue. Le titre non plus n'y a pas échappé. « L'Affaire du meurtre du Parc central de Shinjuku » est devenu le « Meurtre vil d'un coeur fragile » (uniquement aux Etats-Unis).

L'ampleur des changements et la nouvelle formule étaient tellement désagréables que je laissai rapidement tomber le remake pour me concentrer sur l'original, ce qui m'obligea à tout traduire au fur et à mesure. Après en avoir fini, je revins au jeu DS.

Par où commencer ? Peut-être par la traduction américaine. C'est le coup de grâce. L'histoire ne se déroule plus à Tokyo dans le quartier de Shinjuku; tout le texte a été altéré pour qu'il n'y ait plus aucune référence au Japon. On enquête désormais dans un quartier ou une ville imaginaire répondant au doux nom d'Aspicio (on croirait Pokémon), les intervenants ont des noms anglais, ou, quand ils ont des consonances étrangères, sont tout sauf japonais. Kumano est devenu Kingsley, Yoko, l'assistante, Yulia, et la victime Momoko Takada s'appelle désormais Mary Taylor. A chaque fois ils n'ont gardé que les initiales !

On est moins gêné par l'interface, qui s'adapte bien au format de la Nintendo DS. L'écran du haut présente la vue générale, évidemment beaucoup plus spacieuse et fine que sur Famicom, avec le personnage qui parle et ses répliques, toujours sans animation. La présentation est claire, mais c'est le format de presque tous les RPG japonais modernes. L'écran du bas est le menu de contrôle, qui est moitié icônes, moitié texte. Les icônes sont toujours présentes, il y en a 4 : le briquet pour fumer, les notes, mieux organisées, l'inventaire des objets et puis une feuille pour sauvegarder et arrêter le jeu.

Les commandes verbales sont réduites aux trois actions principales de Jinguji : Examiner, Interroger et Aller. Le problème est qu'elles n'ouvrent plus des listes qui s'étoffent au fur et à mesure mais des listes circonstancielles, qui dépendent du lieu et du jour. On ne peut plus interroger les témoins sur les autres personnages rencontrés, mais uniquement sur ce que le jeu décide pour nous à ce moment. Fini de rigoler ! Même restriction pour les lieux : au lieu d'avoir un carnet d'adresses, on a des destinations fixées pour la journée.

Car on ne choisit plus non plus quand finit la journée. Elle s'achève quand on a fait tout ce que le jeu voulait que l'on fasse, quand on a épuisé toutes les options, ce qui consiste à examiner tout et interroger tout le monde, bref, à lire tout ce texte dont on nous assomme. Des lignes et des lignes de bavardages inutiles, de détails sans intérêt, de vulgaires banalités. On a l'impression de feuilleter je ne sais quelle revue stupide (le premier qui dit 1UP se prend une claque !).

On regarde le ciel, discute avec les commères, les clodos, passe trois plombes à tirer les vers du nez d'un malfrat juste pour un nom qui ne servira à rien, ou on stagne dans une salle sans issue apparente. Quand on bloque comme ça, c'est soit parce qu'on a oublié de lire une option, soit parce qu'il faut relire la même qui a changé depuis. Il n'y a pas à craindre le game over, une mauvaise option est juste une occasion manquée de choisir la bonne.

La version Famicom était concise, allait droit au but, la DS se perd en palabres. Et quand on pense qu'il y a un type qui s'est embêté à écrire toutes ces âneries, puis un autre à les traduire ! On se retrouve avec moitié moins de commandes mais dix fois plus de texte. C'est possible parce que WorkJam a modifié l'histoire, rajouté des lieux (inutiles), des personnages (inutiles) pour gonfler leur baudruche. Maintenant on fouille, soit du regard, soit des mains, parfois les deux, la plupart des lieux que l'on visite. La victime a un sac à main, on va en parcourir tout le contenu.

Vous me direz, cela ressemble plus au vrai travail de détective. Et vous aurez raison : c'est laborieux et non amusant comme un jeu. Mais il y a pire. Si vous décidez de quitter un lieu avant d'avoir tout épluché, on vous en empêche ! Le bonhomme a écrit toutes ces idioties, il l'assume, mais il veut encore qu'on n'en rate pas un mot ! D'ailleurs, à la conclusion de la journée, vous passez un espèce d'examen pour voir si vous avez bien écouté, comme à l'école. Ils prétendent que c'est un moment de réflexion mais vous devez choisir les bonnes réponses parmi tout un tas de questions sur les derniers évènements. Les mauvais élèves ne recevront pas les mémoires intégrales de l'auteur en vingt volumes.

Plus grave encore, WorkJam s'en est pris également au scénario. Si encore ils l'avaient amélioré ! La chose était possible, il était loin d'être génial. Mais ils ont trouvé le moyen de produire quelque chose de complètement différent et de bien pire.

Des situations ont été rajoutées et un mélodrame a été construit autour de la victime, qui maintenant souffrait d'une maladie. Cela en devient le thème central ! Une histoire d'hôpitaux ! Qu'est-ce que ça vient faire là-dedans ? Mais surtout, surtout, la majorité des personnages a été supprimée, tout commes les intrigues auxquelles ils étaient associés. Yoyogi et Gozo, disparus ! Kashiwagi et Machiko, évaporés ! Les personnages restant, comme Keiko, devenue Kim, ou Tsunohazu, devenu Trent, n'ont plus que des rôles de figuration. Keiko, la meilleure amie de Momoko, était une grande source de renseignements, c'est par elle qu'on apprenait à connaître la victime; ici, ce n'est plus qu'une ombre, un personnage sans importance.

Alors évidemment, le coupable n'est plus le même non plus, c'est un nouveau personnage. De l'intrigue originale, il ne reste plus que des clins d'oeil qu'on repère parfois dans le texte. WorkJam n'a pas étoffé l'histoire, non, ils l'ont défigurée avant de s'en débarrasser. Une sorte de crime odieux. En vérité, ce n'est même pas un remake du jeu Shijunku Chuo Koen Satsujin Jiken, c'est un remake des premières lignes de son résumé ! La traduction finit de tuer toute ressemblance.

Si l'ancienne intrigue était assez clichée, ressemblait à de la télévision, celle-ci est tellement banale et insignifiante que même la télévision n'en voudrait pas ! Et puis l'originale avait au moins le mérite d'avoir de vrais rebondissements, des surprises, le scénario de WorkJam n'en a aucun. La conclusion est abrupte et pitoyable. Soudain on nous annonce que Jake Hunter a compris qui est le coupable et que l'affaire va bientôt être résolue. On se demande quel était l'intérêt d'interroger tous ces gens si c'est pour désigner automatiquement le dernier qu'on vient de rencontrer !

Quant à la version jouable du parc, elle aussi, bien sûr, a été éliminée. Du coup cet endroit crucial a bien moins d'importance qu'avant. Preuve, s'il en fallait encore, que ce n'est plus le Jinguji de Data East.

Il doit quand même bien avoir des qualités, ce remake indigne ? Personnellement, je n'en vois que deux. D'abord l'esthétique, surtout le design. Le graphisme mélange arrière-plans retravaillés à partir de photographies digitalisées, ce qui fait un peu penser à Resident Evil sur Game Cube, à des dessins de personnages dans le style animé. Dommage que le style en question soit un peu fade par moments. Les témoins manquent de vie. L'autre qualité est que jouer à ce jeu permet de revaloriser l'original, on le trouve beaucoup mieux après, pas du point de vue du graphisme, non, mais du gameplay et même de l'intrigue. Il nous fait apprécier tout ce qu'ils ont eu l'effronterie de retirer.

Par ses possibilités nombreuses, l'original créait au moins l'illusion de la liberté. Celui-ci ne se donne même plus cette peine. Il nous enchaîne et nous jette dans une prétendue aventure qui ressemble à un long questionnaire à choix multiples et se termine en cul de babouin. Moins qu'un jeu, on est devant une espèce de roman interactif, de la mauvaise littérature, cela va sans dire, où, au lieu de tourner les pages, on fait des sélections et clique sur des boutons. La conclusion est la même que pour le test, mais cette fois sans la moindre ironie : si c'est un roman policier que vous voulez lire, allez à la bibliothèque ou chez le libraire, ceux-là sont l'oeuvre d'écrivains.

Mais le mot de la fin, le voici : si vous achetez vous aussi ce Jake Hunter: Memories of the Past sur Nintendo DS, ne croyez pas que vous aurez joué aux Tantei Jinguji de la Famicom. C'est une fausse piste et vous ne pourriez pas être plus éloigné de la vérité !




Tantei Jinguji Saburo - Shinjuku Chuo Koen Satsujin Jiken (Nintendo Famicom Disk System)
le 7 février 2020
 


All text and screenshots: © 2001 sanjuro, 1up-games.com