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ABARENBOU TENGU
Antiaméricanisme
par sanjuro
article, analyse
Dans ce singulier pays, où les hommes ne sont certainement pas à la hauteur des institutions, tout se fait "carrément", les villes, les maisons et les sottises.Le Tour du Monde en 80 Jours, Jules Verne, joueur invétéré de Sim City Unis mais seuls au monde Que ce soit dans la version japonaise ou dans la version américaine d'Abarenbou Tengu, l'histoire est à peu près identique. Une tête flottante quitte son Japon natal pour aller sauver les Etats-Unis asservis par une puissance extra-terrestre (qui ressemble à la créature de Roswell et aussi, du coup, à cette petite peste mal polie d'Ugar dans Paranoia !). Des détails sont différents, nous y reviendrons plus tard par curiosité, mais l'action elle est la même: on traverse des niveaux, des décors, rappelant avec plus ou moins de conviction l'Amérique de Bush (senior, en ce temps-là), et dans lesquels on détruit des vagues d'ennemis. Bref, un jeu admirable fait pour souder l'amitié américano-japonaise. Custer's revenge ? Et qu'est-ce que l'on y voit d'autre qu'une créature japonaise ravageant le pays sur son passage, annihilant toute résistance humaine, comme une sorte de Godzilla s'étant invité de l'autre côté du Pacifique pour le plaisir ? L'extra-terrestre est juste là sur le papier et tout à la fin, en dernier boss, pour ne pas faire mentir le texte, mais l'ennemi avant cela, ce sont les Etats-Unis. Dès le premier niveau on explose leurs immeubles, laissant des gouffres béants dans leurs gratte-ciel comme une sournoise prophécie. Au second, ce sont leurs bases militaires qui y passent, tandis que l'on massacre leurs corps d'armée durant au moins trois niveaux (y compris, référence historique, un clairon ou un général à cheval chargeant comme à la tête d'une cavalerie). Septembre 1991 Comme les portions secondaires des deux précédents niveaux, le quatrième niveau n'a lui plus rien à voir avec la destruction de l'Amérique, ce sont des passages typiques de shoot'em up: grotte, décor futuriste, etc. L'auteur s'est lassé, ou peut-être a-t-il fait le tour de ses griefs après avoir taillé en charpie trois fondements de ce grand pays: ses villes, ses industries et son armée. Et puis il y avait le clou du spectable, dès le premier niveau, un boss inimaginable, la Statue de la Liberté ! L'un des emblèmes suprêmes des Etats-Unis (offert tout de même en cadeau par la France en 1886) devenu, le temps d'un jeu vidéo japonais, l'ennemi à abattre; une grosse tête aussi rouge que le démon nippon qui lui fait face, crachant des bulles par la bouche comme un bébé, et essayant de brûler le joueur avec sa torche. O! say can you see... Le jeu se conclut avec un générique de fin qui semble l'antithèse de tout ce qu'on nous a présenté avant, de très belles images avec encore des symboles des Etats-Unis mais cette fois épargnés par la destruction: la Maison Blanche avec un drapeau éclatant se balançant au vent, une paisible vue de Manhattan, la Monument Valley, etc. On peut interpréter cette fin de différentes façons. Une attitude prudente des concepteurs, qui choisissent d'user de moyens tapageurs pour flatter l'orgueil américain et endormir tout soupçon par rapport à ce qui s'est déroulé précédemment. Ou alors un sentiment d'admiration sincère, après tout il y a une certaine ambivalence dans l'attitude des Japonais envers les Américains, ils absorbent leur culture et la rejettent tout à la fois, admirent certaines de leurs personnalités, en détestent d'autres; le même genre d'indécision morale qu'on trouve en France. La silhouette révélatrice du tengu Dans l'histoire originale, la tête d'un guerrier bien connu sortait de sa tombe pour aller venger le Japon des Etats-Unis. Cet homme, c'était Masakado du clan des Taira (mieux connu sous le nom des Heike grâce au célèbre Heike Monogatari, 平家物語), qui s'était rebellé contre le gouvernement de la province d'Hitachi. Après avoir tué son oncle, il fut lui-même tué par deux hommes dont son cousin. Ils lui tranchèrent la tête et celle-ci fut enterrée sur le site de ce qui deviendrait plus tard Edo, puis Tokyo. Le monument où la tête est ensevelie existe toujours et avec le temps le personnage devint une sorte de légende craint également comme un esprit malveillant. Quant à la relation avec le Otorii, c'est tout simplement que celui-ci fut construit par un Taira en hommage à la grandeur du clan. A gauche, la version japonaise. A droite, la version américaine. La dame de fer devenue Méduse a été rendue plus effrayante, sans doute pour mieux la dissocier de la vraie. | ||