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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE NINTENDO FAMICOM (8-bit)


Pour sauver les USA, le Japon a une méthode radicale: la destruction totale. Hiroshima dans ta gueule !

Abarenbō Tengu

Abarenbō Tengu

暴れん坊天狗 (trad: "Le Tengu vandale"), Zombie Nation (USA)
Suppléments:

Antiaméricanisme

 Famicom

Développeur:
Live Planning

Editeur:
Meldac
Genre:
Shoot'em up

Joueurs:
1P

Dates de sortie
14.12.1990 Japon
09.1991 USA
très dur Difficulté:

90%Graphismes
91%Animation
91%Son
88%Jouabilité
80%Durée de vie

81%81%
Trucs et astuces

Sound test:

A n'importe quel moment du jeu, maintenez enfoncés Haut, A et B, et appuyez sur Reset. Vous serez conduit à un sound test amusant où l'on voit les notes se mouvoir sur les cinq voies de la Famicom.

Energie:

Pour recharger son énergie, il n'y a qu'à mettre le jeu en pause et appuyez sur Haut, Haut, Bas, Bas, Gauche, Droite, Gauche, Droite, B, A, puis à retirer la pause.

Oui, il s'agit du fameux code Konami... dans un jeu qui n'a rien à voir avec Konami !

Un nez obscènement long, pointé vers le haut, à l'extrémité bourrelée. Une face écarlate, d'un rouge furieux, peut-être honteuse malgré elle de ce nez si embarrassant. Des poils blancs et drus comme le pelage d'un animal, appuyant sur la bouche et les yeux une attitude menaçante. Un minuscule chapeau de bois laqué, trônant au sommet du crâne et achevant d'esquisser le baroque du personnage. Le brave Pinocchio, même en débitant tous les mensonges et obscénités qu'il voulait, n'aurait pu grandir un nez pareil sur un visage plus empourpré. Un tel démon ne pouvait venir que du Japon, pays où l'on parle la langue du diable. Chers enfants du soleil couchant, faites connaissance avec le tengu.

La traduction qui revient le plus souvent en anglais est "long-nosed goblin", gobelin au grand nez, c'est d'ailleurs sous ce nom — préfixé d'un "Super" — que l'on connaissait Hana Taaka Daka!? sur PC Engine, un shoot'em up guilleret mettant en scène un tengu. Une idée originale, mais qui en réalité avait été étrennée sur un ton à la fois beaucoup plus sévère et démentiel par le jeu que nous testons aujourd'hui. Le tengu est un personnage ambigu; pour un démon, il a un concept peu manichéen des hommes et se livre à des actions aussi condamnables que louables, comme dans le conte Takara no Geta (宝の下駄) où il vient en aide à un enfant miséreux. Dans le jeu, il vole à la rescousse des Etats-Unis ! Du jamais vu.

Mais attention, le jeu lui aussi est ambigu et les arrières-pensées qui l'animent piquantes comme la morale de son démon. A lire dans le supplément en haut de page. Ce mauvais Cyrano japonais part donc délivrer l'Amérique possédée par une entité extra-terrestre. Mais il n'y va pas tout entier, juste sa tête ! Une grosse tête quand même puisqu'elle lui permet de faire face aux tanks et aux avions qui parsèment le jeu. D'ailleurs, à bien y regarder, ce n'est pas une tête, c'est un masque de Kyōgen (狂言), un de ces imposants visages paints, taillés dans du bois, dont le faciès grotesque illumine le théâtre japonais. Avec ses yeux, il tire des rayons tandis qu'il vomit dieu sait quoi de sa bouche, une espèce de bouillie qui s'abat sur les ennemis comme des missiles air-sol dans d'autres shoot'em ups.

Le tir a trois niveaux de puissance (le troisième offrant le feu automatique) et, au-delà, représentée par une étoile, une bombe pour détruire tous les ennemis à l'écran. Pour franchir ainsi ces degrés, on ramasse des hommes tombant du ciel. Ce n'est pas tout à fait une bizarrerie de plus, ils ne surgissent pas de nulle part mais sont projetés lorsque vous détruisez des éléments de décors derrière lesquels ils se cachent. Raser les paysages est l'une des originalités du gameplay d'Abarenbou Tengu, et ce n'est pas là juste pour assouvir une crise de destruction ! Outre les hommes-bonus qu'ils renferment, ces pans de décor vous bloquent aussi la route; si vous ne les détruisez pas à temps, le scrolling ne manquera pas de vous écraser contre et le tengu de pousser son mugissement agonisant.

Aidé par une mitraillade de percussions, détruire est tout de même l'un des grands plaisirs du jeu et certains niveaux y réussissent mieux que d'autres, le premier surtout où l'on ravage d'immenses gratte-ciel. Par la suite, on casse surtout de la roche et cela est bien entendu moins drôle. Avec seulement quatre niveaux, il fallait un peu s'y attendre. Cela ne nuit cependant pas au reste du jeu parce que ces niveaux sont dans l'ensemble longs et durs. Tous, sauf le quatrième, sont divisés en deux sections qui ont presque la taille et la diversité de niveaux indépendants. De plus, il est possible de commencer par n'importe lequel, histoire de ne pas s'encroûter sur un même niveau.

C'est mieux aussi pour la difficulté, on peut s'entraîner à conquérir chaque round séparément pour pouvoir espérer terminer le jeu. Les boss heureusement sont assez faciles, peu résistants, ils tombent vite pourvu qu'on ait la puissance nécessaire. Le tengu lui dispose uniquement de continus, cinq au début avec la possibilité d'en obtenir d'autres, et d'une longue barre d'énergie à base de crânes ruminants capables de s'auto-recharger. Néanmoins, malgré ces atouts, ce n'est pas une mince affaire. L'action à l'écran est dense, rapide, les ennemis ne vous font pas de quartier, leurs mouvements et ceux de leurs tirs sont élaborés. Entre les débris d'explosions, nos propres tirs et les décors fouillés, il faut être soi-même un peu démoniaque pour être en mesure de suivre la trajectoire de tous les projectiles.

Et puis surtout Abarenbou Tengu est de cette catégorie de jeux où les dommages sont très inégaux. Impassible comme le masque qu'il est, le tengu reçoit parfois plusieurs coups sans que son énergie diminue. D'autres fois en revanche, il perd des portions si larges que l'on est mort avant de s'être rendu compte de leur disparition. Il faut en particulier se méfier des rayons et autres obstacles infranchissables qui coupent l'écran par intermittence et infligent des dommages mortels même sur le mieux portant des tengus. La maniabilité de notre tête brûlée peut aussi prêtée à confusion, parce que le sprite est large et plus haut que long, mais surtout parce qu'il y a une inertie assez prononcée dans chacun de ses mouvements à laquelle il faut s'habituer. Un bug très désagréable vient ajouter une difficulté dont on se serait bien passé, la tête se coinçant à certains endroits du décor sans qu'il semble possible de l'en dégager.

D'un point de vue technique enfin, Abarenbou Tengu comblera les amateurs à la recherche de jeux Famicom faisant digne usage du hardware. Le jeu est impressionnant à plus d'un titre, ses décors ont la richesse de productions Konami ou Sunsoft, une grande variété de couleurs, chaque niveau est doté d'un léger scrolling vertical afin d'élargir le champ d'action d'une cinquantaine de pixels, et les ralentissements et clignotements, bien que présents, ne sont jamais gênants. Notons aussi que des animations saisissantes figurent dans les décors: des flammes gigantesques, d'épaisses colonnes de fumée, une eau verdâtre s'écoulant en torrent. On recommandera enfin les bruitages et l'instrumentalisation, très originaux; on sent que le compositeur, Norio Nakagata, qui est aussi, chose surprenante, le réalisateur, a essayé d'expérimenter avec eux, de produire de nouveaux sons. Plus molle quoique très bien arrangée, la musique se démarque surtout dans l'intro, le quatrième niveau et la première partie du premier niveau, un air mi-endiablé, mi-tragique qu'on aurait aimé servir d'inspiration générale. Oh, et il ne faut pas manquer de faire un tour dans le tableau des high-scores, le bref morceau mérite l'écoute.

En Europe, on connaît les auteurs d'Abarenbou Tengu, Meldac et Live Planning (plus tard devenu KAZe), pour un jeu surtout, Super Pinball: Behind the Mask, que nous avions, ainsi que sa suite The Amazing Odyssey, déjà testés, et où Norio Nakagata y exerçait d'ailleurs le rôle de producteur. Si le Jolly Joker du premier jeu avait une vague ressemblance avec le tengu, on aurait eu tout de même du mal à deviner que KAZe avait été responsable d'un titre aussi original que ce shoot'em up bizarre de la Famicom. Si original qu'il devint au Japon le fondateur d'un sous-genre ô combien japonais, les jeux bizarres, (変なゲーム "henna game") également connus sous les noms de jeux idiots (バカゲー "baka ge") ou, plus explicite, jeux de merde (クソゲー "kuso ge") !

Surnom plus affectif que descriptif, en référence à l'incongruité de son scénario et de son protagoniste, qui, inévitablement, sont les premiers à attirer l'attention. Si la difficulté ne le rend pas, il faut bien l'avouer, particulièrement abordable, qu'il aurait sans doute aussi mieux valu diviser les niveaux et laisser le choix de ceux-ci permanent, Abarenbou Tengu n'a cependant rien d'un mauvais jeu. Son principe délirant, comme une rencontre de Rampage et R-Type dans une maison de thé japonaise, est enchâssé dans une réalisation finement travaillée de shoot'em up plus sage, qui le met à l'abri des critiques qui auraient voulu tirer parti de sa marginalité pour se moquer de lui sur d'autres points. La preuve indiscutable de son succès, qui ressemble plus au fin mot d'une bonne blague, est qu'un titre comme lui soit sorti aux Etats-Unis, certes quelque peu remanié mais pas autant que pouvait le laisser penser le contenu. Et pour que ce prodige ait eu lieu, il ne fallait pas seulement être capable de tromper la naïveté des censeurs américains dont on réduit le pays en cendres, mais que le jeu fut d'une qualité supérieure.

le 8 août 2008
par sanjuro



Jeu testé en version japonaise
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Version japonaise



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