Au Japon, U.N. Squadron est connu sous le nom de Area 88. C'est aussi le nom du manga de Kaoru Shintani dont sont tirées la borne d'arcade et cette adaptation pour la 16 bits de Nintendo. Connaître un peu le manga aide à mieux saisir le contexte et le paradoxe du jeu. Area 88 raconte la vie du jeune Shin Kazama au sein d'une bande de pilotes téméraires qui se bat sur le front en Afrique du Nord. Intégré contre son gré par son meilleur ami qui le déteste en secret, la seule chance pour Shin de retrouver une vie normale est d'amasser 1 million et demi de dollars en accomplissant des missions ou de tenir pendant 3 années. L'histoire se concentre plus sur les personnages et la répulsion de Shin envers la guerre que sur les combats eux-mêmes, c'est là le paradoxe: Area 88 est une oeuvre anti-militariste, alors que U.N. Squadron, ce n'est que des batailles.

U.N. Squadron est l'un des premiers shoot'em up à être sorti sur Super Nintendo en France (le second après Super R-Type ?), autant dire que c'est un ancien, et pourtant, dans son genre, il tient encoe bien la route. La raison est qu'il ne se contente pas de reprendre la formule classique du jeu de tir, plusieurs éléments lui donnent un petit côté aventure. Avant chaque partie, on passe par une carte d'où l'on choisit sa mission. Au fur et à mesure que l'on finit des niveaux, l'aire de sélection s'agrandit jusqu'à ce qu'il soit possible d'attaquer la base adverse. Les missions sont représentées par des symboles fixes ou des véhicules en mouvement qu'il faut détruire avant qu'ils n'atteignent l'Area 88. Après avoir fini la première mission, plusieurs niveaux sont déjà disponibles. Cette liberté est très agréable, on peut enchaîner les missions dans l'ordre que l'on souhaite et passer à autre chose quand on bloque ou quand on en a marre. Quelques missions aléatoires auraient été bienvenues, mais bon, on ne peut pas tout avoir !

Les camions verts sur la carte sont des missions bonus ou plus exactement "une" puisque c'est toujours la même: détruire un convoi dans un canyon en un temps limite. C'est très facile et très bref, cela n'a qu'un seul véritable but, celui de gagner de l'argent. Ce qui nous amène à l'autre particularité de U.N. Squadron. En finissant chaque mission, on touche de l'argent avec lequel il est possible de s'acheter des armes et de nouveaux avions. C'est la seule façon d'acquérir des super tirs, en quantité limitée. Durant le jeu, tout ce qu'on ramasse, ce sont des bonus qui permettent de gagner des points d'expérience pour augmenter la puissance de son tir primaire. Il y a en tout 6 avions, le plus cher coûte 1.000.000 $ et tous ne sont pas indispensables. Chacun peut transporter des armes différentes et en nombre variable.

Sa différence, U.N. Squadron l'exprime jusque dans le jeu même. Pas d'extraterrestres ici, le scrolling horizontal, et parfois légèrement vertical, vous porte face à des floppées d'ennemis apparentés aux véhicules de guerre modernes: tanks, lance-missiles, avions de toutes sortes (F-16, Stealth Fighter, bombardier...), hélicoptères, chars d'assaut, bâteaux. Les boss ne sont pas non plus des baveux tentaculaires mais un sous-marin, un porte-avions, un avion et un hélico géant, une forteresse bardée de canons et bien d'autres. Trois pilotes d'Area 88 se proposent de leur faire la guerre: Shin, Mick et Greg. Le joueur doit choisir l'un d'eux, sachant que leurs caractéristiques vitesse/force/résistance varient sensiblement. La résistance a une place importante dans le jeu, l'avion est doté d'une barre d'énergie qui bien sûr se réduit quand on se fait toucher, mais se met aussi à couiner comme une alarme pendant un court lap de temps. Tant qu'elle ne s'est pas tue, un coup supplémentaire réduit le vaisseau en cendres. En plein milieu d'une avalanche de tirs, ces quelques secondes ressemblent à une éternité, mais cette idée apporte autant de stress que d'excitation.

Le stress, U.N. Squadron en donne à profusion. Les trois modes de difficulté résonnent un peu comme une plaisanterie tant le mode "facile" est déjà outrageusement coriace. Les ennemis attaquent vite et fort, les boss sont lourdement protégés ou très offensifs, les tirs abondent, un shoot bien vicieux en somme. Les personnes intéressées par le manga plus que par le reste seront sans doute un peu déçues même si elles apprécieront de se faire briefer par Saki Vashutal et d'acheter son matériel à McCoy, des incontournables de la série. Mais les plus heureux seront ceux que le déballage de force militaire réjouit, ils seront servis et d'une belle manière. Les sprites sont larges et détaillés, et font parfois penser à ces maquettes qui font la joie des collectionneurs. La qualité des environnements varie, certains semblent un peu vides ou ternes, alors que d'autres sont très beaux comme l'entrée de la caverne. Même la bande son est bonne avec des musiques au style très personnel. Quant à l'animation, les quelques ralentissements ne gâchent nullement le plaisir.

U.N. Squadron n'est pas que moyen, il est bon et même très bon si le genre vous plaît. Cela aussi sans doute parce qu'il n'est pas un shoot'em up lambda. Les traits d'aventure et son design "armée de la Terre" au lieu des "ovnis de l'espace" lui donnent de la fraîcheur et un ton unique. Cette originalité, son indéniable point fort, est portée par une réalisation de bonne facture. Tout ceci s'accorde pour en faire un titre mémorable, pourtant, ce ne fut guère le cas. A son arrivée en 1992, il fut accueilli tièdement par les critiques et assez vite oublié. Peut-être parce qu'il est trop difficile, peut-être parce qu'il ne rentre pas dans le rang, U.N. Squadron n'a pas laissé une empreinte marquante derrière lui. Preuve que l'absence de renom ne signifie pas obligatoirement qu'un jeu est anodin.