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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NES (16-bit)


Où les imperfections capitulent quand même devant la muse de l'esthétisme.

Nosferatu

Nosferatu

ノスフェラトゥ
 

 Super NES

Développeur:
Seta

Editeur:
Seta
Genre:
Action / Aventure

Joueurs:
1P

Dates de sortie
07.10.1994 Japon
10.1995 USA
très dur Difficulté:

92%Graphismes
91%Animation
85%Son
70%Jouabilité
89%Durée de vie

85%85%
Trucs et astuces

Choix du niveau

Dans le menu Configuration, placez-vous sur Exit et appuyez sur L, L, R, R, R, L, L, L.

Cristaux rouges

Pour charger les cristaux au maximum, mettez le jeu en pause et appuyez sur Haut, X, Droite, A, Bas, B, Gauche, Y. Retirez la pause.

Recharger les vies

Pendant que vous effectuez un coup de pied tournoyant (Y et arrière en même temps), mettez le jeu en pause et entrez le code précédent, celui pour recharger les cristaux rouges.

Ils disent que j'ai perdu la tête, que ma pensée n'obéit plus à la raison et que ma raison est empoisonnée par la folie. Je leur parlai du château où je m'étais rendu et de l'ombre qui m'observait dans la nuit, mais on ne me crut pas. Je leur montrai, en désespoir de cause, dans la bibliothèque de l'hôpital, d'autres récits comme le mien. Celui de cette grande famille maudite, les Belmont, dont chaque génération doit combattre le monstre. Celui de ce jeune prince de Perse, emprisonné dans les donjons du sultan, immense palais de la torture dans lequel il vécut pendant des jours. Je leur fis aussi voir un article d'un journal récent sur un groupe de soldats qui, enfermé dans un manoir, aurait été dévoré par ses morts.

Mon aventure, mon cauchemar, était comme les trois histoires de ces individus. Pour toute réponse, les docteurs secouèrent la tête d'un air las et entendu. Ce ne sont là que des oeuvres de fiction, me dirent-ils, des mensonges que mon esprit malade ne parvient à dissocier de la réalité. On me reconduisit dans ma cellule, froide et sombre, dans laquelle on m'assurait que je devais rester pour pouvoir guérir. Mais je prépare mon évasion ! Je dois retourner au château où mon amie est prisonnière, pour la sauver, mais aussi parce qu'il faut à tout prix détruire le vampire. Sans quoi... non, je n'ose y penser.

Si personne ne croit ce pauvre hère qui se morfond dans un asile d'aliénes, c'est sans doute à cause des ombres qui entourent le somptueux Nosferatu de Seta. Rarement a-t-on vu grand jeu si mal traité. Vous trouverez très peu d'informations à son sujet sur Internet, et les quelques articles qui le concernent passent parfois plus de temps à mettre en avant ses quelques défauts que ses belles qualités. A l'heure où ces lignes sont rédigées, le jeu n'a même pas de page sur Wikipedia, autant le français que l'anglais, chose difficile à imaginer étant donné le nombre de jeux futiles qui ont eux eu droit à la considération de rédacteurs inspirés.

"Il est temps de réparer une injustice !" nous écrions-nous, accompagné d'un petit coup sec sur la poitrine pour faire plus volontaire. L'ensorcellement de Nosferatu commence bien avant de diriger le personnage à l'écran.

La Super Famicom a été généreusement servie en matière de beaux dessins de boîte, mais dans le cas présent "dessin" est un terme vulgaire qui sied mieux à l'imagerie populaire de Castlevania. C'est un somptueux frontispice qui adorne la boîte de Nosferatu, une oeuvre d'art d'un néo-gothisme écrasant où les logos de la console et de Seta s'immiscient honteusement comme des doigts sales.

Dans cette image, il y a un message qui s'adresse forcément à Castlevania. Tout jeu s'essayant au mythe du vampire tout-puissant se retrouve face à la saga de Konami, il n'a pas le choix, pas plus que ne l'a chaque histoire de vampire subissant la comparaison avec le Dracula de Bram Stoker. Il est le maître des lieux, le patriarche. Mais Nosferatu, lui, se dresse immédiatement à hauteur égale. Sa première manoeuvre est d'emprunter un nom associé à Dracula, car Dracula, au Japon, c'est le nom de Castlevania. Ce sera le mot "nosferatu", emprunté au lexique de Bram Stoker et sacralisé par le film Allemand de Friedrich Wilhelm Murnau en 1922.

Puis, telle une cape jetée sur ses épaules, il se pare d'une jaquette plus lyrique et plus sombre que tout ce que les artistes de Konami rattachés à Castlevania ont pu confectionner jusqu'ici. "Ne me traitez pas cavalièrement, prenez garde à bien me respecter", voilà le message de Nosferatu. Il veut, il exige la déférence que l'on accorde à Castlevania, comme un aristocrate dont l'expression sévère suffit à rappeler à l'ordre les domestiques de la maison.

Ceux qui croient qu'il ne s'agit là que de grands airs vains, de trompeuses apparences, seront vite démentis par l'intro. Est-ce vraiment l'oeuvre d'une Super NES ? On finirait presque par en douter. Une chauve-souris s'élance vers une lune rouge à demi voilée par les nuages. La caméra s'abat sur un village enneigé. Un hurlement à déchirer les tympans ! La victime, une femme, évanouie dans les bras d'une grande silhouette dos à la lumière. Un élégant mouvement de cape fait tomber les ténèbres. Sous un dôme auréolé d'arches, un cercueil. Les éclairs y projettent l'ombre de son propriétaire. Un cavalier chevauche à toute allure vers le château, qui nous est dévoilé, baigné de lumière rouge, sur l'écran titre, dans un tintement de clochettes vibrant d'une oreille à l'autre. Un rugissement féroce accompagne la pression sur Start. Le tonnerre gronde, le jeune homme traverse le pont-levis. Chute.

Et nous voilà prisonnier ! Oui, nous, puisque nous sommes désormais aux commandes du protagoniste, Kyle, qui a l'espoir de délivrer sa bien-aimée Erin du terrible vampire. Cela commence mal pour lui, il a échoué dans un cachot sans sortie apparente. Trois cristaux verts lui servent de vie; à côté, on peut justement lire la mention "Crytal" suivie d'un zéro, mais celle-ci se réfère en fait aux cristaux rouges qui lui permettent d'augmenter ses capacités de combat. Reste le temps, lui que rien n'emprisonne, s'égrenant bien trop vite au vu des circonstances. Pour s'évader, il faut se servir un peu de sa tête, mais rapidement après les poings deviennent utiles. C'est un préambule annonciateur car les deux seront fort précieux au héros. Et à vous aussi, un esprit vif pour vous extirper des pires situations que contiennent chaque niveau, et de bonnes mains avec dix doigts bien solides dont deux pouces forts et charnus pour pousser ces boutons qui ne vous veulent pas toujours du bien.

Toujours par effort de se distinguer de Konami, Seta a adopté un système de jeu qui l'éloigne considérablement de Castlevania mais le rapproche de Prince of Persia. Les niveaux sont dans la même veine, quoique moins rectangulaires, truffés de grilles, de mécanismes déguisés et de pièges mortels à base de pointes ou de lames. Quant aux gardes du sultan, ils ont cédé la place à un bestiaire de créatures démoniaques. Les commandes athlétiques aussi rappellent les mésaventures du prince, sorties deux ans plus tôt sur Super Famicom: on marche, on court, on saute, en hauteur ou en longueur, on se suspend au rebord des plates-formes, en position arrêtée ou au cours d'une chute. Toute la panoplie de mouvements est là et en moins guindée d'ailleurs.

Cependant, le héros aime tellement pacifier les monstres avec ses poings qu'il a renoncé aux armes; il n'y en a pas une seule de toute l'aventure. N'ayant droit ni au fouet des Belmont, ni au sabre perse, l'initiative originale de Seta est de se battre comme dans un beat'em up. Une pression sur Y, qui sert aussi à frapper, permet d'entrer en mode combat. Il relève aussitôt les poings en garde et son corps se met en mouvement comme un boxeur paré à l'esquive. On peut ainsi réaliser quelques enchaînements et coups spéciaux (coups de pied, d'épaule, uppercut, etc) en combinant la frappe avec un autre bouton. Cela offre des scènes assez surréalistes où notre chasseur de vampires improvisé passe à tabac des monstres comme s'il ne s'agissait que de quelque voyou échappé de Final Fight.

A ce propos, son style vestimentaire tranche aussi avec l'univers dans lequel il évolue. Ce n'est qu'un petit sprite anonyme, mais on devine qu'il est vêtu d'une paire de jeans, de baskets et d'un blouson aux manches relevées. Cela donne un peu l'effet de contrôler un anachronisme vivant ou un visiteur du temps, Seta n'a pas pris la peine de développer l'histoire alors on ne sait pas trop dans quelle époque le récit s'inscrit. C'est une bizarrerie qui en même temps contribue à lui forger un style propre, ce dont il avait bien besoin au vu des ressemblances initiales frappantes avec la formule de jeu de Prince of Persia.

Là où le bât blesse, c'est que Nosferatu ajoute aux défauts de maniabilité inhérents à ces jeux d'action au pas mesuré, qu'ils se nomment Prince of Persia ou Flashback, ceux d'un beat'em up d'assez mauvaise qualité où l'ennemi aurait facilement le dessus. On y retrouve les mêmes susceptibilités de contrôle que dans les deux jeux mentionnés: les animations du personnage engourdissant les temps de réactions, la frontière parfois difficile à franchir entre marcher et courir, les sauts millimétrés, tous ces mouvements indispensables qui permettent de se glisser entre les pièges et de franchir les gouffres, ou, quand leur maîtrise fait défaut, d'aller y mourir. L'archétype même d'un certain type de jouabilité qui perd en spontanéité ce qu'elle gagne en subtilité.

Mais en prime, il faut aussi dompter les créatures qui se dressent sur notre chemin. Les premières qu'on rencontre, des sortes de démons trapus suivis de morts-vivants au pas hésitant, ne sont rien comparés aux monstres des niveaux supérieurs: de gros yeux enchâssés dans des boules de chair flottante, des obésités lévitant sur leur corps flasque, des vieillards hideux qui assènent des coups avec un tibia. Ce qui impressionne n'est pas tellement leur aspect, menu comme le héros, c'est leur supériorité dans le combat. On ne sait pas par quel bout les prendre, ils nous terrassent sans qu'on ait pu lever le petit doigt et lorsqu'on parvient à rispoter, on a en effet l'impression d'avoir frappé avec l'auriculaire tant cela les indiffère. Ils se révèlent bien pire que les pièges, car eux au moins restent là où ils sont et se jouent en une tentative.

Avec l'aide inestimable que lui apporte cette jouabilité perverse, la difficulté est aux anges, une place de premier choix pour contempler le joueur brûler en enfer. Celui-ci bénéficie tout de même d'un guide virgilien, les continus infinis, et de trois muses aux intentions contraires, les modes Facile, Normal et Difficile (du moins dans la version américaine; au Japon, les joueurs sont braves puisque leurs continus sont limités à huit). Le nombre de niveaux est en apparence modeste, seulement six, se terminant avec le château du vampire au sommet d'un promontoire. Il ne faut guère s'y fier, le voyage est long en vérité car chacun de ces stages est divisé en deux larges niveaux et un boss, reliés entre eux par de courtes sections, généralement des couloirs. Chaque grand niveau compte deux sorties, si elles aboutissent au même lieu, les couloirs eux sont différents, avec un chemin difficile et un autre, non pas facile, rien n'est facile dans ce jeu, mais encore plus difficile. En contrepartie, le chemin le plus dur renferme parfois de meilleurs bonus.

Quant tout est aussi dur, il ne faut pas compter sur les boss pour nous rendre la vie plus facile, et donc comme prévu certains d'entre eux offrent une résistance impitoyable, en particulier les trois derniers qui demandent un timing rigoureux où la moindre faute coûte très chère, comme les niveaux mêmes dont ils sont peut-être l'incarnation. A sa décharge, la difficulté a tout de même le bon goût d'être progressive. Il est juste dommage qu'elle s'élève dans des sphères qui ne sont plus à la portée des hommes, ou en tous cas au-delà des limites que la frustration permet de supporter.

La rédemption de Nosferatu vient encore et toujours de son esthétique. C'est fou ce qu'on arrive à accepter des beaux jeux ! Une consolation fort appréciée pour être venu à bout d'un niveau épouvantable de difficulté est la courte mais superbe saynète de transition qui attend le joueur. Il ne s'agit généralement que d'un panoramique, mais le graphisme est tellement criant de vérité, digne de l'intro sinon mieux, qu'on en reste comme deux ronds de flan. Durant ces scènes, durant aussi l'affrontement avec le boss, les auteurs utilisent des images digitalisées qui ont été habilement travaillées pour s'intégrer subtilement dans le jeu. Rien à voir avec le style néo-ringard de Mortal Kombat donc. Pour l'utilisation de personnages gérés par la console dans des décors ultra-réalistes, on penserait plutôt à un autre jeu, sorti deux ans plus tard sur une certaine console, Resident Evil.

Seta tenait quelque chose avec le moteur graphique de Nosferatu. Si la génération suivante de consoles n'était pas arrivée, ce jeu, serré sur une cartouche de 2MB (l'équivalent de Street Fighter II, soit moitié moins que Donkey Kong Country), aurait pu ouvrir la voie pour un nouveau type de jeux 16-bit. Le reste de Nosferatu, c'est à dire ses niveaux, n'est pas du même calibre bien entendu, c'est du bon vieux graphisme Super Nintendo, de haute qualité tout de même, visuellement assez proche de celui de Super Castlevania IV et d'Actraiser 2. Il est très fouillé, assez sombre aussi occasionnellement. Sa faiblesse est de ne pas éviter la répétition de certains motifs, défaut flagrant au niveau 5, et de resservir les décors des stages 1 et 2 un niveau plus loin. Il est en revanche plus atmosphérique que le graphisme de Prince of Persia sur Super Nintendo qui était déjà pourtant lui aussi un beau jeu. D'ailleurs, hommage ou coïncidence, les surfaces dallées du niveau 6 rappellent vivement les niveaux 13 à 15 du jeu de NCS (mieux connu chez nous comme un jeu Konami, puisque publié par eux).

On a beaucoup parlé de l'esthétique visuelle mais pas encore de celle du son. C'est que les musiques sont certainement moins remarquables que le graphisme. Même si elles sont techniquement assez impressionnantes, grâce à des samplings originaux faisant un bon usage du son stéréophonique au travers d'effets de réverbérations et d'autres, elles s'épuisent vite et leur qualité va decrescendo. Au premier niveau, on est accueilli par une sorte de murmure angoissant qui colle impeccablement à l'ambiance glauque et étouffante des geôles; l'usage subtil des voix est superbe, on est comblé. Au second, la brièveté des compositions devient déjà apparente: une demi-minute de musique, ce n'est qu'un prélude sans développement. Elles s'amollissent ainsi jusqu'à ce stage 6 qui ressemble à de la musique de remplissage pour beat'em up. Soigneusement distribués, les bruitages pallient assez judicieusement le manque de diversité musicale: les bruits de pas sont discrets alors que les coups de poings sont exagérés au centuple et que les digitalisations vocales, sous forme de cris, râles, et rires machiavéliques, ne sont jamais utilisées à tort et à travers.

Le combat final contre Dracula, pardon ! Nosferatu (même s'il ressemble bien plus au Dracula de Bela Lugosi ou Christopher Lee qu'à Max Shreck - les cinéphiles comprendront), résume assez bien les caractéristiques conflictuelles du jeu. Le décor est magnifique: le cercueil, sous le regard pétrifié des gargouilles, occupe la place d'un autel dans une chapelle dévolue aux forces du mal. L'hôte inhospitalier se déplace en lévitant et, tout en ricanant fort de sa supériorité, se sert de télékinésie pour soulever Kyle et de sa force surhumaine pour l'étrangler. Il dispose d'assez peu de vies, ce qui semble bon signe, mais ne l'est pas en réalité puisque vos actions sont bridées. Un pas de travers en voulant lui porter un coup et c'est fichu, il vous attrape et ne vous lâchera pas avant de vous avoir retiré un cristal de vie.

Au lieu de tirer parti des nombreux boutons de la manette Super NES, la maniabilité de Nosferatu se retrouve comprimée sur deux d'entre eux, des combinaisons lourdes et improbables, nécessitant une longue initiation, ayant pour rôle de reconstituer la palette de mouvements. La jouabilité, quant à elle, est faite de pièges et d'ennemis implacables qui se repaissent des vies de Kyle et des hectolitres de patience dont le joueur dispose plus vite qu'un vampire assoiffé ne suce le sang d'une fermière rougeaude. Tout cela ne fait pas bon ménage et l'on se dit que, la formule Prince of Persia ne réussissant pas si bien à Nosferatu, Seta aurait peut-être mieux fait de développer un jeu d'aventure avec cet étonnant moteur graphique, un peu comme le laissait entendre l'envoûtant niveau de départ, plutôt que de se replonger dans ce qui avait été exploré de fond en comble dans les vingt niveaux du classique de NCS. A chacun son cercueil !

Nosferatu survit quand même à ses défauts, au moins le temps de la curiosité qu'il faut lui accorder. Célébrant ses quatorze ans ce mois-ci qui est aussi celui d'Halloween, on peut juger de la prouesse accomplie par la petite équipe de Seta. C'est un vampire avec beaucoup de classe mais très cruel. Un bon vampire en somme.

le 31 octobre 2008
par sanjuro



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