Si des vacances à la campagne réussies consistent pour vous à aller renifler les pots d'échappement aux bords des routes, à dire aux oiseaux de faire moins de bruit pour que vous puissiez entendre les klaxons et le vrombissement des moteurs, si vous aimez déplier vos transats devant l'A7 comme si vous étiez à la plage, vous avez, j'ai bien peur, un sérieux problème.

Heureusement, nous sommes là pour vous aider.

Quand vous êtes finalement obligés de rentrer et que toute la famille, toussant, va se coucher, plutôt que de rester seul devant la télévision, que diriez-vous d'allumer votre Super Nintendo avec un bon jeu de course ? Un bien gras, bien rapide, bien bruyant. 1UP a le jeu idéal pour vous.

Exhaust Heat n'est rien de moins que le premier jeu de F1 de la Super Nintendo. Et par F1, il faut insister sur le "un", parce qu'avant lui il y avait quand même eu F-Zero, l'un des premiers jeux tout court de la Super Nintendo. Mais F-Zero, aussi formidable soit-il, n'était pas de la F1. Il lui manquait toute la réalité du sport (tant mieux !). Néanmoins, son impact fut tel qu'il influença nombre de jeux de course sérieux après lui, à commencer, justement, par Exhaust Heat.

Sans F-Zero, on serait tenté de dire qu'il n'y aurait pas eu d'Exhaust Heat. Seta emprunta au jeu de Nintendo son principal argument technique: sa vue en mode 7. L'innovation qu'elle représente à l'époque est considérable, elle procure une liberté jamais vue auparavant, une liberté à 360°. Tout aussi important est la vitesse qui vient avec, exceptionnelle et soutenue, elle ne faiblit pas et la surface en mode 7 lui sert d'amplificateur. Le seul compromis, mais de taille, est que ce mode ne supporte rien d'autre qu'un arrière-plan et quelques sprites.

A cause de ça, les mondes créés avec cette méthode sont tout plats. Quand Nintendo est aux commandes, le problème est moindre, ils parviennent à donner l'illusion d'une faible profondeur qui insuffle juste assez de vie dans les niveaux. Pour Seta en revanche, cela devient immédiatement le talon d'Achille du jeu: les circuits sont tous quasi-identiques et il n'y a que le tracé et l'arrière-plan pour les distinguer. Et sur les seize alors que compte Exhaust Heat, on a toujours un peu l'impression de faire le même. La piste, la pelouse, puis après les carrés gris. Ah tiens, un rectangle d'eau. Ah ben oui, c'est Monaco !

Mais la bonne nouvelle, c'est que Exhaust Heat n'a que deux gros défauts et celui-là était le premier. On est tout de suite charmé par l'énergique présentation, par les photos semi-digitalisées, par la simplicité et la clarté de l'interface. C'est impeccable et cette fois sans doute aussi bien que Nintendo l'aurait fait. On remarque aussi que le mode principal, le Grand Prix, est vraiment là où tout se passe; Training est juste une répétition de la course. Bien que le jeu soit clairement arcade, il suit toutes les vraies étapes: échauffement facultatif, garage, qualifications, et la course même. Là où Seta a fait un choix brillant est qu'une course ne dure jamais plus de trois tours, deux pour la préparation. Ca a l'air peu, mais ce sont des chiffres idéaux: c'est juste assez pour ne pas se lasser d'un circuit et trop peu pour être contenté; alors après avoir fini, on a toujours envie d'enchaîner avec un autre circuit. Tetris appliqué à la F1.

Les coureurs A. SETH N. MANSON A. PROTEUS S. NAKADA N. PIOUS A. CHESTER I. CAPYS Ayrton Senna Nigel Mansell Alain Prost Satoru Nakajima Nelson Piquet Andrea Chiesa Ivan Capelli

Le pilotage de la voiture est très précis, et lui aussi très arcade, la machine suit bien la ligne droite, sans partir sur les côtés comme dans ces jeux modernes où l'on passe l'essentiel de son temps à tenter de stabiliser son véhicule. Les virages peuvent être difficiles à négocier, surtout au début, c'est parce qu'il y a un timing à suivre. Si l'on base trop souvent celui-ci sur l'apparition des flèches jaunes, la F1 virera aussi mal qu'une brique dans les virages serrés. Comme souvent, il faut connaître les circuits sur le bout des doigts. Mais une fois ce pli pris, on prend beaucoup de plaisir à filer comme une flèche sur cette route qui danse devant nous comme une flamme.

Si cela ne suffit pas, si la voiture ne répond pas assez bien à votre goût et si vous n'arrivez pas à rattraper les autres concurrents, la solution est peut-être au garage. Un autre excellent atout d'Exhaust Heat est sa gestion de l'argent. On en reçoit à la fin de chaque course, à hauteur de nos résultats, auquel il faut déduire les frais de base et les réparations. On s'en sert pour faire des emplettes au garage. Nouveau moteur, pneus, suspensions, transmission, freins, même le diffuseur, on peut procéder à neuf réglages et également acheter la précieuse nitro, qui donne un boost de vitesse durant la course. De là à dire qu'elle est indispensable, il n'y a qu'un pas !

Le garage fera la joie du fan de F1, mais ce qui fera la joie de monsieur tout le monde, c'est sans doute la difficulté. Les jeux de F1 sont souvent péniblement ardus, la moindre faute est pénalisée. Au lieu de nous mettre dans la peau d'un champion, on dirait plutôt qu'on nous fait un sermon sur ce sport. Dans Exhaust Heat, on arrive assez bien à remonter (un petit coup de nitro aide beaucoup) sur le leader élusif et on arrive encore mieux à creuser l'écart. Même quand on rate ses virages et qu'on s'en va rouler sur l'herbe, ce n'est pas la catastrophe. C'est dû en grande partie à la position des huit coureurs qui est affichée en temps réel sur un plan à l'écran. L'ordi au moins ne peut pas tricher (ou pas beaucoup).

En revanche, il y a les accidents, et c'est là qu'on déplore le second gros défaut du jeu. Lorsqu'on entre en collision avec un autre véhicule, le plus souvent, cela se termine en tête-à-queue. Le problème est qu'il n'y a que nous qui sommes affectés ! Les autres continuent la course pépère pendant qu'on les regarde dubitatif depuis le bas-côté, ou pire, pendant qu'on grignote la longueur du mur avec le devant de notre bagnole comme un rat un peu débile. Seule solution: éviter les autres comme la peste. "L'enfer, c'est les autres," disait Jean-Paul Sartre en étreignant la manette de ses mains moites.

Exhaust Heat reste cela dit très recommandable. Il a de ces petits plus qui font la différence. Une pile de sauvegarde par exemple, pour enregistrer les meilleurs temps, ou la possibilité de retirer tout l'affichage, avec Select, pour s'immerger dans la course. Les jingles musicaux sont sympathiques, ils changent par exemple selon notre place d'arrivée, et le rugissement des moteurs sur la piste, le passage des vitesses, sont convaincants. Il y a aussi des stands, en vue latérale, toujours sur l'aire en mode 7, donc très simple. L'intérêt de s'y arrêter par contre est hautement discutable: on ne peut même pas recharger sa nitro.

Les stands finalement ne sont là que par principe et l'on s'en passe très bien. Eh oui, Exhaust Heat est vraiment très arcade. Pour certains joueurs, le réalisme moindre est sans doute un désagrément. Pourtant, malgré tous les jeux de F1 qui sortirent après lui sur Super Nintendo, il n'a jamais perdu son attrait. Il procure des sensations fortes, ce qui n'est pas nécessairement le cas des autres. Son instantanéité sans fioritures en fait un jeu franc, rapide et fun. Qualités qu'il partage justement avec son inspirateur. Mais ce n'est pas non plus une copie déguisée de F-Zero, c'est un titre à part entière (on se rappelle comment même HAL s'était cassé les dents avec son ersatz de F-Zero, Hyper Zone).

Sur le long terme, sa vitesse est son plus bel atout. Il va vite dès le début, mais grâce aux réglages mécaniques il devient ultra-rapide. Et le génie du jeu réside dans le fait que, alors que la vitesse s'accroît, la maniabilité s'améliore de concert. Le signe d'un grand gameplay.

Si vous recherchez un jeu de course rétro pour vous faire plaisir, vous savez vers qui vous tourner. Même chose si vous êtes accro aux pots d'échappement et que vous aimeriez décrocher en douceur.

Jeu testé en version européenne

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