Parcourir la côte ouest des Etats-Unis au volant d'une Ferrari et en compagnie d'une jolie blonde en tenue légère, ça ressemble un peu à un rêve, n'est-ce pas ? Ca doit l'être certainement pour les gens de Sega puisque cette idée donna naissance à l'un de leurs fameux jeux, Out Run; un jeu de course dépaysant et original qui pour les joueurs de l'époque était déjà un premier pas vers le rêve.

Le premier choix que l'on vous demande de faire avant de commencer à jouer est révélateur de l'ambiance particulière du jeu. On ne vous demande pas de choisir votre boîte de vitesses ou le nombre de tours, mais de choisir votre musique. Eh oui, vous sélectionnez sur votre autoradio, parmi trois stations, le type de musiques que vous souhaitez entendre. Leurs noms sont aussi "contextuels" que ceux de Dr. Mario, il y a: Magical Sound Shower (Averse de Son Magique), Passing Breeze (Brise Passante) et Splash Wave (Vague Eclaboussante). La course commence aussitôt après, les groupies sont rassemblées autour de votre Ferrari, le drapeau s'agite, le feu passe au vert et c'est parti. A vous les autoroutes de l'ouest sauvage !

Out Run n'est pas à proprement parler une course de voitures; déjà parce qu'il n'y a pas de voitures contre lesquelles faire la course — comme disait Nick Kang dans True Crime: "it's just me, the car and the road" (rien que moi, ma voiture et la route). Ensuite, parce que la façon de gagner est de passer les checkpoints (les points de contrôle) et la ligne d'arrivée avant la fin du temps imparti. Un système qui était aussi dans Hang-On et que l'on retrouve encore aujourd'hui bien établi dans les jeux vidéo. Comme dans Hang-On d'ailleurs, en passant le checkpoint, un nouveau paysage s'offre à nous; la différence est qu'avant d'y arriver, on a le choix entre deux voies complètement différentes, celle de droite étant toujours plus facile que celle de gauche. Le terme exact pour décrire Out Run serait donc plutôt un "road trip" contre la montre.

Le fait que l'on ait toujours le choix en fin de parcours entre deux voies est l'une des qualités primordiales de ce classique de Sega. Cela apporte une échelle de difficulté, de la diversité, un nombre élevé de parcours, quinze, et par conséquent une durée de vie améliorée puisque, bien entendu, on a envie d'explorer chacune d'elles — d'autant plus qu'elles conduisent à cinq très courtes fins, parfois amusantes (cf. le supplément en début de test). Boucler une course est en soit assez court, vous ne traversez que cinq routes, mais ce n'est pas si simple que ça en a l'air. Il ne faut pas se laisser abuser par ses airs de vacances, Out Run est loin d'être une partie de plaisir. C'est une conversion d'arcade, c'est un jeu Sega, ça devrait être assez pour soupçonner la présence d'un challenge. Votre Ferrari Testarossa a une boîte manuelle à deux vitesses, si, la plupart du temps, vous ne roulez pas à toute berzingue, vos chances d'arriver sont assez faibles, alors que vos chances de ne pas vous planter le sont aussi.

Les accidents sont assez frustrants dans Out Run car ils vous font perdre beaucoup de temps; si vous en avez plus d'un sur le même parcours, c'en est généralement fini de vous. Il y a les petits accidents pas bien méchants comme les accrochages avec les voitures du traffic, et puis les autres, plus handicapants et difficiles à éviter, quand vous vous mangez un élément du décor. Votre carrosse rouge s'envole alors dans les airs et retombe en une seule pièce, alors que votre chrono, lui, a bien souffert. Au début on s'amuse de ces pirouettes, après on s'en énerve. C'est un peu le contraire de la maniabilité qui au départ peut déplaire, parce qu'elle requiert l'usage du frein pour pouvoir se sortir de certains virages tordus, mais qui au final se révèle assez subtile, freiner et relâcher le bouton d'accélération étant tous deux utiles.

L'impression de vitesse est également bien rendue, toutes proportions gardées, nous sommes en 1987. C'était aussi un atout de Hang-On, et l'amélioration cette fois-ci est que la route est beaucoup plus vivante: de cinq à deux voies, des côtes, des pentes, des virages courts, d'autres très longs, des zigzags. Sega a bien travaillé. Grâce aux dénivellations, la piste est beaucoup moins plane que dans Hang-On, visuellement c'est un avantage, mais cela offre aussi un défaut du côté du gameplay, les autres véhicules sont imprévisibles et il arrive qu'on entre en collision avec eux pour les avoir vus trop tard. En termes graphique et musical, le jeu ne brille pas spécialement. La Ferrari est bien faite mais les décors manquent de pêche et ne sont finalement pas si éloignés de Hang-On, pour retomber encore dans cette comparaison inévitable. Quant au son, les concepteurs ont décidé de mettre cette fois-ci les musiques en avant au détriment des bruitages, on a juste celui des dérapages. Les compositions pas forcément très réussies pourront remettre en cause ce choix.

Out Run fut un titre à succès à l'époque sur Master System, pas moins de quatre jeux portent son nom ! La 8 bits fut vraiment sa console de prédilection, et il n'y a pas trop à se plaindre au vu de ses qualités. Vous l'aurez compris au travers de ce test, Out Run est un jeu qui ressemble à Hang-On, mais aussi à World Grand Prix, la vue est sensiblement la même avec cette route qui se contorsionne et un décor de fond panoramique, néanmoins il lui apporte aussi de nombreuses améliorations, dont une "ligne de conduite" radicalement opposée, la détente prenant le pas sur la compétition en termes d'ambiance. Cependant, si Out Run peut à juste titre être considéré comme une digne évolution de Hang-On, ce n'est pas encore un aboutissement comme le seront d'autres jeux de course 8 bits. Cela ne l'a pas empêché de distraire nombre de joueurs !