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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MASTER SYSTEM (8-bit)


Le jeu idéal pour comprendre la crise économique.

Monopoly

Monopoly

 

 Master System

Développeur:
Nexa

Editeur:
Sega
Genre:
Jeu de société

Joueurs:
1-10P (alternés)

Dates de sortie
1988 USA
1988 Europe
sans Difficulté:

50%Graphismes
58%Animation
60%Son
58%Jouabilité
55%Durée de vie

42%42%
Trucs et astuces

Equipe:

Pour voir le nom des membres de l'équipe, mettez le jeu en pause, appuyez simultanément sur Bas, 1 et 2, relâchez, appuyez sur Bas. En appuyant ensuite sur les directions, Gauche, Droite ou Bas, vous verrez des messages personnels cachés.

Comme musique d'intro pour son jeu, Sega a choisi le thème du film L'Arnaque. L'ARNAQUE ! Essayeraient-ils de nous dire quelque chose ? C'est qu'il faut en vouloir pour faire un jeu vidéo d'un jeu de société. Des concepts idiots, on en a vu de beaux, mais celui-là aimerait bien décrocher le premier prix. Aller investir dans un jeu vidéo qui reproduit à la télé ce qu'on peut faire en plus simple et en moins cher avec un plateau de jeu et des pions ne semble pas l'idée la plus judicieuse du siècle. Mais loin de nous l'idée de vouloir blâmer Sega ! Après tout, la Master System mais aussi la NES, la Mega Drive et la Super Nintendo (deux fois !) ont eu droit à leur Monopoly.

Après avoir fini d'écouter Scott Joplin, qui donnerait plutôt envie de jouer à Putt & Putter pour cause d'affinités musicales, on peut commencer une partie. Si vous ne connaissez pas les règles du Monopoly, ne comptez pas sur le logiciel pour vous les apprendre: rien n'est expliqué; il vous faudra les lire sur papier. L'un des avantages du jeu vidéo sur le jeu de société, peut-être le seul, est que vous n'aurez pas à les apprendre par coeur: l'ordinateur se chargera de les appliquer infailliblement, ce qui n'est pas toujours le cas entre humains. C'est vrai en particulier pour le Monopoly, qui a des règles plus compliquées que les autres, avec des détails dont on ne se souvient pas toujours (jamais plus d'une maison d'écart entre les propriétés d'une même couleur) ou des calculs un peu fastidieux (les 10% de l'impôt du revenu).

Pour vous épargner l'effort surhumain d'ouvrir la notice pour y lire les règles (le même supplice qui vous a poussé à acheter le jeu vidéo: pour ne pas avoir à ranger le plateau, les pions et l'argent après chaque partie), nous vous les résumons brièvement. Le but du Monopoly est de ruiner vos adversaires en acquérant des titres de propriété répartis en groupes colorés autour du plateau (ainsi que quelques compagnies d'utilité publique). En construisant dessus, jusqu'à quatre maisons puis un hôtel, vous augmentez leur valeur et donc la somme que doivent vous verser les autres joueurs lorsque les dés les conduisent sur vos terrains. En sus, quelques cases et des cartes à tirer ajoutent des évènements, bons ou mauvais, aux parties. On débute avec 1500 dollars et on en gagne 200 de plus à chaque tour du plateau.

Le jeu, dans sa forme physique, se joue jusqu'à huit joueurs mais comprend dix pions d'étain. Dans sa forme numérique, on retrouve toutes ces petites figures bien connues: le cheval et son cavalier, le chien, la voiture, la locomotive, le dé à coudre, le fer à repasser, le chapeau, la bottine, la brouette et le canon, qui peuvent être contrôlés par autant de joueurs. Avec tant de participants cependant, on court le risque de faire stagner le jeu, les propriétés étant réparties entre un trop grand nombre d'individus pour pouvoir fructuer. Aucun problème logistique en tout cas, puisque tout se joue en alternance avec une seule manette. Tout ce qu'il y a à faire est de nommer chaque pion.

Le plateau même occupe les trois-quarts de l'écran. Un espace à droite, un peu vide, est réservé à quelques informations succinctes alors que le centre sert à effectuer toutes les actions, à lire les cartes et à lancer les dés. Tout est d'un blanc de poudre à laver. Lorsque son pion se déplace sur le plateau ou qu'un évènement important se déroule, le joueur a droit à une scène intermédiaire très Master System, c'est-à-dire large mais pas très belle. C'est aussi le seul moment où l'on peut voir distinctement le plateau, ce qui y est écrit, et les constructions, s'il y en a. Autrement, il faut se contenter de sa surface immaculée et de ses pions minuscules, à peine identifiables, en passant par les menus pour connaître le nom des rues.

A cause de leur importance, la lourdeur des phases de sélection rend le jeu passablement irritant et, à la longue, invivable. Le game design est truffé de "défauts de fabrication". Le pad de direction permet de changer de pion ou de chiffre, sans qu'il soit jamais possible de revenir en arrière. Un point rouge sert de curseur mais on le cherche des yeux parmi les cases. L'ordinateur annule nos ordres avec des "illegal moves" quand on ne fait pas ce qu'il attend de nous. La jouabilité n'est absolument pas intuitive, même si on finit par s'y habituer, un peu comme on s'habituerait à une infirmité. Ironiquement, malgré la blancheur de l'écran, la clarté est ce qui fait défaut au jeu.

Mais il y a pire encore. L'intelligence artificielle de l'ordinateur, qui possède soi-disant trois niveaux de difficulté, est d'une bêtise insupportable. Dès qu'il a assez d'argent, l'ordi va vous harceler, c'est bien le mot, pour que vous et les autres joueurs lui vendiez vos propriétés. A chaque tour, il va essayer d'acheter les mêmes. S'il a des visées sur six ou sept titres, il les fera tous un par un ! Bien sûr, vous pouvez refuser, mais mises bout à bout ces formalités prennent un temps fou. Il y a une très bonne option qui permet d'accélérer le temps avec le bouton 2, mais son champ d'action est limité. Et ce con d'ordinateur fait en plus la fine bouche: même s'il est plein aux as, il trouve toujours que les prix sont trop élevés !

Les programmeurs auraient pu remédier à ce problème en deux coups de cuillère à pot, sans avoir à préciser les opérations de vente de l'ordi, dont on se fout éperdument. Mais non ! Monopoly est un jeu, si l'on peut encore l'appeler comme ça, très mal programmé dans ce qui lui est fondamental: tout l'aspect gestion, tout ce qui se fait par les menus. A cause de ça, les tours sont laborieux et les parties n'en finissent plus. Pendant ce test, je n'ai pas fini une seule partie en moins d'une heure, elles avaient plutôt tendance à dépasser les deux. C'est le comble de l'ironie pour un jeu vidéo qui prétend rendre les jeux de société plus accessibles. En vérité, il ne simplifie rien du tout, il ne fait qu'alourdir les actions manuelles par un intermédiaire électronique incompétent.

Au vu de son âge, on peut tout de même concéder qu'il n'est pas si mal réalisé. On a vu pire graphiquement sur Master System en 1988 et après. L'animation surtout tient bon, même en pressant le bouton d'avance rapide comme un malade. La musique en revanche finira vite coupée: reconnaître le thème de L'Arnaque est sans doute ce qu'il y a de plus excitant à son sujet. Celle qui joue durant les parties, avec ses airs de saloon biteux (comme dans 8 bits, hein), donne envie de se suicider tant elle se répète. Le menu d'options aussi est assez bien fourni. Il est possible de retirer le temps, de convertir un joueur en CPU ou vice versa, et même, de sauvegarder ! Une vraie sauvegarde, sans rire. Les jeux avec ce type de puce se comptent sur les doigts de la main sur Master System. Que Sega ait élu Monopoly pour recevoir cet honneur donne envie de bouffer tous ses billets.

Ce jeu est un fiasco ! Mais peut-être après tout était-ce le but caché de Parker Brothers en passant commande d'un Monopoly sur Master System et d'autres consoles: ridiculiser le software pour augmenter les ventes du jeu de société. Il s'agissait de rappeler celui-ci aux mémoires, pas de le supplanter. Malheureusement, le jeu vidéo ne met pas uniquement en avant l'inaptitude de l'équipe de développement de Nexa, il montre aussi les grosses faiblesses du principe même du Monopoly. Le hasard y tient une trop grand place, toute l'issue de la partie est déterminée par les tirages de dés, et la stratégie finalement est minimale. Il n'y en a qu'une à retenir: s'accrocher à ses propriétés, ne pas les vendre, car dès lors qu'un joueur est capable de construire, ceux qui ne le sont pas ne survivront pas longtemps. C'est l'incompatibilité fondamentale entre les jeux vidéo et ceux de société, les uns sont essentiellement basés sur le hasard, les autres sur le mérite. Sachant cela, le résultat de cette adaptation était prévisible.

le 28 février 2013
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
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