Un jeune garçon et une jeune fille aux visages empourprés se rencontrent dans un champ de coquelicots, sans doute pour se livrer à quelque expérimentation pornographique. Achacha, le sorcier, en a décidé autrement, et, voulant être le premier à essayer ces trucs rigolos qu'on fait dans un champ de pavots, kidnappe la fille dans une bulle, parce qu'il a vu deux dragons à l'air ahuri en faire autant. Puis il ajoute sa touche personnelle en transformant le garçon en canard, tout en se disant qu'il aurait peut-être dû essayer un hérisson, l'idée d'une de ces petites bêtes piquantes en bleu avec des chaussures rouges et des gants blancs lui semblant soudain excellente.

Le titre Dynamite Dux n'a plus beaucoup de sens sur Master System, pas plus que la pochette du jeu, puisque le canard est seul (alors que le "dux" insiste sur la pluralité du mot canards en anglais) et bleu. Le canard rouge du jeu d'arcade n'est pas de la partie, bien qu'il figure très largement sur le dessin de la boite, puisque le mode deux joueurs a été supprimé, décision compréhensible vu le nombre de clignotements et de ralentissements qui gangrènent le jeu dans son état actuel. On pourrait aussi faire remarquer à Sega que leur héros ressemble plus à un poulet qu'à un canard, mais en cette douloureuse période de grippe aviaire, nous nous en abstiendrons.

On aurait bien aimé que Dymanite Dux soit une parodie de Dynamite Duke (souvenez-vous de la gueule vexée de son G.I. sur les boites Master System et Megadrive, une vraie parodie à lui tout seul), mais cela aurait été difficile vu que le jeu est sorti avant. Cela n'empêche pas notre canard de se battre comme un bourrin, que ce soit à mains nues, ou les doigts sur la gâchette d'armes meutrières: mitraillettes, bazookas, bombes, en veux-tu en voilà ! Comme le prouve encore aujourd'hui Shadow The Hedgehog, le vice caché de Sega semble être de mettre des gros flingues dans les mains d'inoffensifs petits animaux (sans doute le versant pervers de leurs discours écologiques, cf. review précédente).

Il n'est d'ailleurs pas facile de catégoriser Dynamite Dux; le genre fourre-tout "action" fera notre affaire, mais il manque de souligner que le jeu se joue comme un beat'em up avec parfois le sentiment de se retrouver devant un shoot'em up à plumes et un jeu de plates-formes à pattes. L'aire de jeu, bien qu'en direction horizontale, est si spacieuse qu'il y a même une bifurcation à mi-parcours, une voie vous étant ouverte selon vos performances. C'est malheureusement la seule originalité des niveaux qui sont plus linéraires qu'une dictée de cours préparatoire, la ponctuation étant prise en charge par les adversaires, avec des mini-boss comme virgules et des boss comme points à la ligne, en attendant la phrase suivante qui commence invariablement par le même sujet: un vilain petit canard.

Bonnes nouvelles cependant, Sega a tout de même fait preuve de variété en ce qui concerne les ennemis, un plus toujours agréable, surtout pour un jeu ayant des aspirations de beat'em up. A force de casser du loubard on a fini par les prendre en pitié, c'est donc avec bon coeur qu'on tape sur des trucs bizarres qui ont poussé dans le cerveau des gens de Sega comme de la ciboulette. Et la ciboulette avec le canard laqué, c'est bon. En parlant de rôti, l'autre bonne nouvelle est que pour une fois la difficulté n'est pas trop élevée. C'est si rare pour un jeu Master System que ça s'applaudit avec la tête (c'est à dire qu'on se cogne le front avec son autre main). On apprécie aussi les musiques, qui ont des airs accrocheurs. Grâce à tout cela, on en oublierait presque que ce n'est pas un bon jeu.

Particulièrement irritante, est la maniabilité, la faute au test de collisions, c'est à dire le contact entre les sprites. Il y a un sérieux problème de ce côté, qui parfois tourne à votre avantage; bien sûr, dans ce cas-là, quand des ennemis sont touchés quand bien même on a frappé ou tiré vraiment à côté, on ne s'en pas plaint pas trop, un peu d'hypocrisie ça n'a jamais fait de mal. Par contre, quand c'est vous qui ne cessez de vous prendre des projectiles ou des ennemis parce que l'ordinateur est bigleux, ça finit par énerver prodigieusement. Quel est l'intérêt de pouvoir sauter au-dessus des dangers au sol si une fois sur deux ça ne marche pas ?

Dynamite Dux est un jeu typique de la Master System des années 80: (Attention, si vous êtes un fan, vous n'allez pas du tout aimer ce qui suit) a priori l'idée est intéressante, a priori le jeu a l'air varié, a priori ça a l'air amusant. La manette en mains, les a priori sont vite balayés, dommage vu qu'ils s'agissaient d'espoirs et non de préjugés, et on se retrouve face à un jeu médiocre comme par exemple Golden Axe, Cloud Master ou Basketball Nightmare, que nous avons déjà testés. Il est quand même meilleur que ces trois-là, en dépit de sa maniabilité très "mastersismique", notamment parce que sa difficulté est mieux dosée. Ceux qui s'interrogent encore sur les raisons de l'échec de la Master System face à la NES, trouveront la réponse à leur question dans toutes ces déceptions à l'apparence trompeuse, et qui composaient l'essentiel des jeux de la console entre son lancement et 1990.