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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MASTER SYSTEM (8-bit)


L'homme qui ne valait pas 3 milliards.

The Cyber Shinobi

The Cyber Shinobi

Suppléments:

Le Début, la Fin, une Image

 Master System

Développeur:
Sega

Editeur:
Sega
Genre:
Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
03.1991 Europe
assez dur Difficulté:

74%Graphismes
48%Animation
62%Son
75%Jouabilité
73%Durée de vie

60%60%
Trucs et astuces

Menu caché:

A l'écran titre, effectuez trois tours sur le pad directionnel puis appuyez sur 1. Vous ferez apparaître un menu pour choisir le niveau et la scène de départ, ainsi qu'un sound test.

Conversation surprise dans le parc privé Green Hill qui borde les locaux de 1UP:

— Quoi ! Ce gugus à face de poupon se fait appeler "ninja" !?
— Mais oui... où va le monde, je te le demande.
— Et quel est son nom, dis-tu ?
— Ebisumaru. Il a emménagé ici il y a quelques jours de ça, pour le test du jeu Ganbare Goemon.
— J'ai les shurikens qui me démangent. Il n'a pas intérêt à croiser ma route.
— Allons, dis-toi que ça aurait pu être pire. Imagine si ça avait été un de ces prétentieux ninjas 3D ! Et puis tiens, j'ai une bonne nouvelle pour toi, Joe. Je sais que tu auras très bientôt un jeu testé !
— Vraiment ? Ici ? Sur 1UP ? Mais c'est une super nouvelle, ça, Ryu ! Et de quel jeu s'agit-il ?
— Une de tes aventures dont je n'ai pas entendu parler: The Cyber Shinobi.
— Oh-ho...
— ?

(la conversation, à cet instant, a été interrompue par l'arrivée de trois Alex kids du FLMS qui chez 1UP sont un peu comme les Droogs de l'autre Alex)

Dans ce "oh-ho" chargé de sens, dans cette hésitation de Joe Musashi, que faut-il lire exactement ? L'angoisse de la génération 8 bits face à un futur aussi lisse qu'incertain ? Le doute existentiel du ninja dans un Japon moderne abattu par la crise économique ? Ou tout simplement les troubles métapsychologiques interpersonnels des super héros dans des cadres sociaux-culturels post-conflictuels ? Dans ce premier test de la nouvelle année et d'une toute nouvelle décennie de rétrogaming, 1UP part à la recherche de la vérité avec une approche beaucoup plus scientifuck... foque... fique !

The Cyber Shinobi est encore un de ces jeux Master System faits au Japon mais uniquement à destination du public européen et brésilien (apparemment aussi, dans le cas présent, australien et canadien). On commence à bien les connaître ces jeux. Si leur intérêt est sujet à fluctuations, aucun d'eux ne semble capable de s'épargner un bâclage, concentré le plus souvent dans la jouabilité et une durée de jeu trop ramassée. Vu que pour Sega, il était impératif de les mettre rapidement sur le marché, on ne s'étonne pas trop de leur état. Mais celui-ci a une particularité qui le singularise des autres jeux que nous avons testés jusqu'alors: Sega se sert d'un de ses noms et héros bien connus, Shinobi. Et du coup, cela en fait une suite.

Pour montrer à quel point ils prennent cette idée de suite au sérieux, Sega a apposé un sous-titre: "Shinobi, Deuxième Partie". Cela ne va pas plus loin que l'écran titre et ils ont dû sans doute regretter de l'avoir écrit quand Shadow Dancer et Revenge of Shinobi sont sortis, mais le fait est qu'il est là et qu'il confirme bien l'étroite parenté avec le premier Shinobi sur Master System. L'action se déroule dans le futur, quelque part dans le troisième millénaire (puisque l'on incarne le petit fils de Joe Musashi, on doit cependant être plus près du début que de la fin). L'organisation Zeed a refait surface. Alors qu'ils étaient Neo Zeed dans Revenge of Shinobi, ils se font ici appeler Cyber Zeed. Leur dernier méfait est d'avoir volé de larges quantités de plutonium, de quoi produire une explosion de 100.000 mégatonnes ! Assez pour raser les Etats-Unis ! Et même plus ! Quelques pays bonus aussi ! La France peut-être ? Waah, maman jêêê peur !

Toutes les tentatives pour les arrêter ont échoué et il ne reste plus qu'un homme pour se dresser devant eux. Mais Junior — qui préfère qu'on l'appelle Shinobi — en a-t-il assez dans sa culotte de ninja pour relever ce défi ? Il dispose de la plupart des aptitudes de son ancêtre avec quelques différences importantes. S'il manie bien évidemment le sabre, les shurikens sont désormais en quantités limitées et il n'en possède aucun au départ; une fois qu'il en a trouvé, il peut les faire évoluer sous deux formes différentes, un tir et des grenades. Il dipose également d'une barre de Power, dont on comprend assez mal l'utilité, et d'une autre pour ses fameux pouvoirs ninjutsu. Tous les deux carrés, il peut lancer un pouvoir différent, visuel et assez fun, un peu dans l'esprit de Golden Axe: Fire, Tornado, Lightning et Earth Element.

Le ninja a aussi reçu des changements d'ordre esthétique. La mode n'est plus au collant noir mais à la combinaison bleue légère avec accessoires en métal. Cela le fait ressembler au protagoniste de la série Ninja Warriors de Taito dont la thématique futuriste aura sans doute aussi inspiré Sega. Oh, les auteurs n'osent pas aller loin dans ce registre, les niveaux sont très conservateurs (ville, caverne, jungle), on affronte juste quelques robots et des cosmonautes, ce qui à l'époque devait représenter le futur dans son incarnation la plus tangible. Shinobi lui même n'a qu'une seule caractéristique qui trahit le contexte; encore faut-il l'apercevoir, mais elle est assez cool: pour utiliser le tir, l'arme qui remplace les shurikens, le shinobi se retire le bras gauche qui masque en fait un canon. Eh oui, c'est un cyborg ! On apprécie en même temps le clin d'oeil à Cobra, grand classique des années 80.

Deux choses qu'on ne manque pas d'apercevoir, et qui constituent d'entrée de jeu de gros et incurables défauts, sont le cadre énorme au sommet de l'écran et l'animation étrangement saccadée. Le pavé où sont réunis tous les compteurs occupe exactement un tiers de l'image. On a vu ça ailleurs, dans des jeux de stratégie par exemple, mais pas dans un jeu d'action, c'est monstrueux ! Il ne reste plus que deux tiers dans lesquels gambader et sautiller, donnant l'impression d'évoluer constamment sous un tunnel. Est-ce pour ça que le shinobi est voûté ? Le premier jeu sur Master System ne disposait pas d'une animation exceptionnelle mais elle était, au moins, tout à fait fluide. Si elle est un peu plus détaillée dams Cyber Shinobi, elle est surtout méchamment hachée. On note comme une infime pause entre chaque frame d'animation, chaque déplacement de personnages ou d'écran. A cause de ça, Cyber Shinobi pourrait presque passer pour l'ancêtre de Shinobi.

Donc, non seulement la vue est considérablement réduite, mais cela n'est même pas bénéfique pour la portion restante où l'animation est épouvantable. Si le critique était un thermomètre, c'est le genre d'observation qui ferait tomber son mercure à zéro. Heureusement, Cyber Shinobi se rattrape graphiquement. Ce n'est pas fabuleux, certes, mais c'est bien mieux que dans Shinobi et un ton au-dessus de Danan. Le second niveau se déroule sur les quais, c'était aussi le cas du premier jeu, mais c'était tellement abstrait qu'il fallait de bons yeux pour y discerner le bateau au bout. J'aime bien le fond dans ce niveau, c'est un bel exemple de pixelart, avec l'accent sur le mot "art": juste quelques pixels clairs pour représenter joliment la baie dans la nuit.

Mais surtout, et c'est peut-être là la cause de ses précédents défauts, Cyber Shinobi met en scène des adversaires assez larges. Au troisième niveau, on affronte un hélicoptère, nouvel hommage à son prédécesseur mais en plus mobile. Les boss ont tous de bonnes proportions, tout comme les pièges de la jungle. Toutefois, là non plus on ne fera pas sans un bémol: pour une raison que seuls les programmeurs de la console pourraient nous expliquer, certains éléments mouvants ne disposent pas de transparence et s'affichent dans leur tuile monochrome. Et vous vous en doutez, ce n'est pas du plus bel effet. Cela dit, malgré ses saccades, l'animation est suffisamment vive pour ne pas mettre ce défaut trop en évidence. Le sprite de Shinobi a des allures de grand dadais dont il est moins facile de s'accommoder. Il semble confiné dans un espace trop petit pour lui, ou alors le dessin est tout simplement raté. Lorsqu'il dégaine son sabre, on croirait qu'il le range aussitôt et qu'il ne s'est rien passé.

Typiquement, on retrouve les 6 niveaux de ce genre de productions menées au pas de course. Ceux-là sont assez variés au point d'être un peu disparate: les niveaux 1, 2, 4 sont assez longs, les 3 et 6 sont petits, sans changements de scène, et le 5, minuscule, ressemble à un niveau bonus. La difficulté suit un schéma différent: les niveaux 1, 3, 5 sont faciles d'accès alors que 2, 4, 6 sont assez durs. Tous les boss sont faciles, même le dernier (on reste où on est, on saute par dessus ses attaques, et on le frappe du pied quand il avance). Parce qu'on ne nous ressert pas toujours le même topo, la progression est somme toute agréable et c'est bien ce qui sauve le jeu.

Ce qui est étonnant, c'est qu'il n'a pas été réalisé par une petite équipe. Pour un jeu aussi succinct, il y a du monde au générique. Ca ne l'empêche pas d'avoir une liste de défauts aussi chargée que le casier judiciaire d'un truand récidiviste. Trois programmeurs et pas fichu d'avoir un affichage ou une jouabilité digne de ce nom — cette dernière étant truffée d'accrocs. Trois designers et à peine plus beau que la production moyenne de l'époque sur Master System. Deux compositeurs et une instrumentalisation terriblement crue qui gâche le mince potentiel des musiques. Deux planners et on ne sait trop où vogue le navire, vers quel écueil vidéoludique où plus d'un jeu de la Master System aura sombré. Mais le joueur a de féroces facultés d'adaptation et parce qu'il n'est pas trop long, ni trop dur, The Cyber Shinobi est tout de même un jeu sur lequel il est possible de revenir sans rancoeur.

le 19 janvier 2010
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
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