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Du reste, une fois la cartouche insérée et la console sous tension, on vous remet immédiatement 500 dollars. Vous avez bien lu ! 500 dollars gratuit ! Et on vous redonne cet argent à chaque fois que vous recommencez le jeu. In-croy-yable, c'est vraiment une offre exceptionnelle ! Pas étonnant que Sega n'ait plus eu les moyens après ça de produire de consoles, tant de générosité les aura ruinés. Quoiqu'il en soit, avec cette somme de départ, vous pouvez aller miser de l'argent dans les principaux jeux de Casino Games.

Dans la grande salle qu'on ne voit jamais, la sélection des tables se faisant par l'intermédiaire de menus, vous pouvez tenter votre chance à trois jeux de cartes, aux machines à sous et, quand la fièvre du jeu retombe et que vous souhaitez juste vous distraire, à un flipper gratuit. Avant de prendre part aux réjouissances, vous êtes accueilli par deux charmantes hôtesses. La première, à la réception, vous permet de consulter vos gains et de retrouver votre argent par un système de mots de passe numériques. C'est agréable de nous mettre dans le bain de cette façon, avec un soupçon de réalisme.

Les jeux de cartes sont l'attraction principale de Casino Games puisqu'ils viennent en trois variantes: poker, blackjack et baccarat. Le poker utilise une vue différente de la table, surélevée, accompagnée d'un portrait animé de votre adversaire, que vous choisissez parmi deux femmes et deux hommes, chacun représentant un niveau de difficulté. Dans les deux autres jeux, vous jouez contre le croupier, en vue subjective. Une chose que vous aurez rapidement envie de faire est de couper le son, la musique extrêmement lancinante ayant le don d'enrayer votre concentration.

Si vous n'êtes pas un joueur invétéré, vos premières parties risquent de se dérouler dans l'incompréhension la plus totale. Mais on finit toujours par saisir les règles, avec l'aide de la notice ou d'un ami (celui qui vous demande toujours de lui prêter de l'argent). Au poker, chaque joueur reçoit cinq cartes, sa main, et doit pour gagner réaliser une meilleure combinaison que son adversaire, avec par ordre croissant: les paires, le brelan, la quinte, le flush, la full house, le carré, la quinte flush ou la quinte royale. On mise de l'argent ou l'on passe, et l'autre en fait autant, jusqu'à ce que vienne le moment de montrer son jeu. Entre-temps, on peut changer ses cartes, juste une ou toute sa main, en en piochant de nouvelles. C'est ce qu'on appelle le poker fermé. Dans Casino Games, il n'y a que deux tours et donc une seule fois où cela est permis.

Ceux qui n'y ont jamais joué le savent au moins par les films, un aspect important du poker est le bluff. Si le joueur en face a une meilleure main que vous, vous êtes cuit. Mais vous pouvez toujours lui faire croire que vous en avez une bonne, en pariant gros, pour l'inciter à se retirer ("fold"). C'est aussi pour ça que les joueurs s'étudient physiquement, pour deviner s'ils ont une bonne main ou pas, s'ils se protègent derrière du bluff ou non. Traduire tout cela en jeu vidéo n'est évidemment pas facile, mais Sega s'en sort étonnamment bien, grâce au petit portrait: vous pouvez y analyser la physionomie de votre adversaire, ses accès de confiance et ses assombrissements de mine. Et puis bien entendu, vous pouvez bluffer (ou pas) en augmentant la mise.

Le blackjack est un jeu plus direct, mais aux règles pas forcément plus limpides initialement. Les cartes ici ont une valeur, de un à onze, et sont additionnées entre elles. Le but est de s'approcher le plus près de vingt et un, sans dépasser ce nombre, sans quoi on "bust" et perd immédiatement. Le croupier commence par tirer deux cartes pour vous et pour lui, puis vous lui en demandez autant que vous décidez d'en prendre le risque. Après quoi vient son tour et il doit essayer de faire mieux que vous. Plusieurs cas particuliers viennent se greffer au principe de base: les naturels, quand un as est tiré, les splits, quand les deux cartes sont les mêmes, et puis l'assurance et le double, aux noms évocateurs.

Dans le baccarat, les cartes ont aussi une valeur mais l'algèbre est différente, incompréhensible pour le non-initié. Les figures (roi, dame, valet) et le dix sont assignés la valeur zéro, et dans le total, seul le chiffre de l'unité compte; c'est-à-dire que si la somme de vos cartes vaut 17, vous avez en fait un 7. Le gagnant est celui dont le chiffre est le plus élevé après avoir tiré deux ou trois cartes, un 8 ou un 9 étant ici appelé un naturel. Le baccarat est donc juste un tirage au sort, le hasard faisant tout, et comme tel c'est le moins intéressant des trois jeux.

Quand vous êtes las des cartes, vous pouvez passer aux deux classiques qui n'ont besoin d'aucune présentation: le bandit manchot et le flipper. Le premier est une recréation fidèle de la vraie machine, pas son équivalent fantaisiste que l'on trouve dans certains jeux vidéo, avec son levier coudé, sa fente pour les jetons et son bac pour les gains. Il y a huit combinaisons gagnantes et l'on peut miser sur une ou trois lignes, doubler ou tripler sa mise, selon le nombre de jetons que l'on insère. Le hasard, une fois encore, décide de tout.

Le flipper avait le plus de pression et le plus de chances d'échouer, parce qu'il n'est ici qu'un mini-jeu alors qu'il existe des jeux complets sur le sujet. Et en effet, on se rend vite compte qu'il est trop modeste pour réussir. Pour que la balle réagisse normalement, il faut jouer en mode Steep. Autrement elle flotte, rebondit mollement; on croirait du pop-corn et non du plomb. Mais même sans cela, les réactions de la table sont tamisées, sans effets excitants, sans la moindre surprise, et même si celle-ci est assez jolie graphiquement, elle ne connaît aucune variation. La seule originalité sont les mains du joueur actives sur la machine, parce que le format s'y prête bien. Cette expérience décevante a quand même, par défaut, un mérite: sur Master System, c'est le seul jeu où l'on peut faire une vraie partie de flipper ! A part le fantasque Sonic Spinball, il n'y a pas d'autre choix.

Casino Games n'a pas beaucoup d'épaisseur, on en fait vite le tour et s'il est assez facile de devenir accro au poker et au blackjack, on ne peut pas en dire autant des trois autres jeux. Néanmoins, il possède un atout inattendu: il est extrêmement bien réalisé graphiquement pour un jeu de 1989 sur Master System. Le seul aspect technique insuffisant, cela ne surprendra personne, est la musique, pourtant assez variée. Autrement, il ne fait pas juste honneur à la machine, il fait rougir de honte certains de ses contemporains. Il n'y a aucune faute de goût dans le design (à part peut-être la banqueroute un peu trop comique), avec de petites animations un peu partout pour donner vie à ce casino luxueux et élégant. Rien que pour ça on a envie d'y revenir.

Même le game design est bien pensé. La navigation est aisée, avec un bouton pour retourner à tout moment aux menus, et il y a un but clair, contrairement aux jeux de ce genre souvent très vagues ("On est juste là pour s'amuser, pouet, pouet, on se fout du reste !"), qui est d'obtenir un million de dollars. Plus on se rapproche de ce but, plus on nous autorise à miser gros, restituant ainsi le frisson du jeu de haut niveau, avec ses pertes et ses gains énormes. Son point faible est de ne pas retenir l'attention assez longtemps. Comme souvent sur 8 et 16 bits avec ce type de compilations, il n'y a pas assez de variété; il aurait fallu des jeux de dés, de la roulette, d'autres idées en plus pour réunir une dizaine de jeux.

Quand on le compare à son prédécesseur de 1987, Parlour Games, qui n'avait que trois jeux mais plus complexes (billard, fléchettes et bingo), Casino Games en sort victorieux. Lui au moins a du style. Par contre, il perd les modes multijoueurs. L'idéal aurait été de fusionner les deux en un nouveau titre sur une cartouche de 3 ou 4 mégabits. Mais le marché pour ce genre de titres étant trop restreint, Sega ne jugea pas nécessaire de réitérer l'expérience durant les années 90. On le regretterait presque.