On avait demandé à Tom Cruise de s'occuper du test mais il n'a pas voulu, "Top Gun only". Bon, ce n'est pas grave, on le retrouve à la fin du jeu de toute façon, même s'il refuse d'admettre que c'est lui dans ces images de fin. Il n'y a pas beaucoup de volontaires pour écrire un article sur le jeu car, il faut bien l'avouer, passer le choc de pouvoir faire des tonneaux, After Burner fait partie de ces titres fort mauvais de la Master System.
Vous êtes à bord d'un F-14 Thunder Cat (ne cherchez pas, c'est un nouveau modèle, encore que les ThunderCats soit le nom anglais des Cosmocats), et vous abattez les ennemis qui arrivent sans cesse devant vous. Vous devez aussi éviter des missiles et, juste pour la forme, quelques ennemis arrivant par derrière, alors que les décors changent de temps en temps, surtout la couleur, c'est ce qu'on appelle un stage. Et voilà, c'est vraiment tout. Inutile de préciser où se situe le problème.
Un système pareil ne tient pas cinq minutes. Si c'était une bonne d'arcade, ce serait idéal: une petite pièce, on cerne vite le jeu, on meurt, aucune envie d'en glisser une seconde, très économique. Malheureusement, ça ne passe pas comme ça, ce jeu-là en 1988 s'achète, se loge dans la console pour y rester au moins quelques semaines, quelques mois. Il y a toujours la difficulté, la motivation d'arriver à la fin mais elle aussi ne concernera qu'un groupe précis d'individus, les obstinés.
La difficulté d'After Burner est ridicule, stupide au possible, les concepteurs ont été dans l'incapacité la plus complète de proposer un niveau de difficulté cohérent. Le jeu pendant les premiers stages est si facile que cela ressemble à un bug, tout ce que vous avez à faire est de basculer votre avion d'un côté pour éviter absolument tous les missiles, le seul projectile susceptible d'abattre votre appareil. Et puis soudain, au milieu du jeu, vers le dixième niveau, ça ne fonctionne plus. Les missiles vous tombent dessus comme des gouttes de pluie et sont aussi faciles à éviter.
C'est une douche écossaise, de beaucoup trop facile à beaucoup trop dur, sans rien entre. Il y a 18 niveaux, c'est à dire des variantes de couleur, car c'est à peine si on remarque les motifs du décor en dessous. Ils auraient pu accoler ces stages les uns aux autres et les faire passer pour un seul niveau, on n'y aurait vu que du feu. Il y a aussi quelques boss, un en fait; sans surprise, c'est toujours le même en plus difficile. Parfois l'avion citerne vient nous recharger en fuel, quand bien même il n'y a pas de barre de fuel. On n'est pas à un détail près. C'est moins dur à accomplir que dans Top Gun; c'est déjà ça.
Il a quand même des qualités, n'est-ce pas ? Oui, quelques-unes. La réalisation par exemple, il n'y a pas grand chose à lui reprocher, si ce n'est de servir un principe aussi excitant qu'un moulin à eau. Le défilement est rapide, il n'y a pas de clignotements, peu de ralentissements; par moments l'affichage est un brin haché et ce n'est pas joli-joli. Pas foncièrement mauvaise non plus la musique, même si on la verrait mieux dans Out Run ou dans un générique de fin quelconque. Sega aurait aussi gagné à remplir les vides laissés par l'arcade. Le jeu est découpé en trois sections à peine marquées par une espèce de fin; c'est une présentation bien trop maigre, comme trop souvent sur Master System, où il n'y a aucune volonté de bien proposer le contenu.
Vraiment, c'est trop dur de dire du bien d'After Burner. On ne se sent pas aux commandes d'un avion en situation de guerre, mais devant un pare-brise à regarder défiler les moucherons. Si l'on poursuit l'analogie, c'est un essuie-glace alors qu'on contrôle, fragile avec ça, puisqu'il casse pour un rien. Et sans continus, c'est assez pour devoir ranger la voiture au garage au troisième choc. On comprend bien la demi-prouesse technique que Sega a réalisé avec ces avions qui foncent vers nous, cet écran qui n'arrête pas de tourner et tout cela avec fluidité et précision, mais il n'y a véritablement aucun jeu derrière. C'est juste un coup de bluff, un treillis de branches posé sur un grouffre. Seules consolations, After Burner est quand même plus fun que le terrible F-16 Fighter sur Sega Card et, pour ne pas vexer les fans de la console, ajoutons que le port de Sunsoft sur Famicom est mauvais lui aussi.
Quelques jeux (peu nombreux en fin de compte) de la Master System ont bien vieilli, d'autres ont mal vieilli, et il y en a d'autres encore qui n'ont pas vieilli du tout, qui sont carrément morts en route. Quand on les retrouve des années plus tard, comme cet After Burner, c'est dans un état de décomposition, rongés par les vers du temps et deux décennies d'améliorations techniques, ensevelis sous des milliers d'autres titres moins mauvais dans le charnier sur lequel se dresse la grande cathédrale des jeux vidéo.
le 29 octobre 2007
par sanjuro