Dans Phenomena, une Américaine vient séjourner en Suisse dans un pensionnat de jeune fille alors que sévit dans la région un maniaque qui s'en prend précisément à des adolescentes. Mais Jennifer n'est pas comme les autres pensionnaires, elle possède un don qui lui permet d'établir un lien télépathique avec les insectes. Après une nuit de somnambulisme, elle fait la connaissance d'un entomologiste en chaise roulante (assisté d'un chimpanzé apprivoisé) qui l'aidera à développer son pouvoir et à démasquer le meurtrier.

Le début inoubliable de Phenomena semble avoir servi de base à l'un des principaux mécanismes de jeu de Clock Tower: les courses poursuites avec Scissorman. Une jeune touriste séparée de son groupe d'excursion arrive dans un chalet silencieux où elle est prise en chasse par un tueur fou armé de ciseaux. La poursuite se termine au bord d'une cascade où elle a la tête tranchée, ce qui est aussi l'une des morts implicites du jeu. On ne voit jamais l'assassin; son identité après tout est l'un des secrets les mieux gardés du film.

A la fin de celui-ci, on découvre qu'il s'agit en fait (dernière chance pour vous de faire demi-tour si vous ne voulez pas qu'on vous gâche la surprise !) d'un enfant au visage horriblement difforme — description qui va comme un gant à Scissorman — qui commet ses crimes avec la complicité de sa mère folle à lier. Miss Barrows, elle, ne ressemble pas vraiment à la mère ou à aucun autre personnage féminin d'Argento dont les histoires pourtant comportent souvent une matrone; on dirait plutôt l'actrice française Catherine Frot ! :D

Un autre rapprochement que l'on ne peut manquer de faire est avec l'héroïne. Dans le film comme dans le jeu elles s'appellent Jennifer, ont à peu près le même âge, quatorze ou quinze ans, sont forcées de vivre dans un nouvel environnement (le manoir Barrows et le pensionnat Wagner) et partagent de surcroît une étonnante ressemblance physique avec leurs cheveux noirs longs et lisses. C'est Jennifer Connelly qui dans Phenomena tient le rôle de son homonyme.

D'autres scènes évoquent un peu Clock Tower mais de manière moins marquée. A un moment du film, Jennifer se sert d'un petit tabouret pour atteindre des papiers au sommet d'une étagère, ce qui rappelle certaines phases de gameplay où l'on doit s'aider d'un support, dans le débarras et dans le couloir au nid d'oiseau par exemple. Il y a aussi une scène dans une salle de bains où, après s'être essuyée les mains, Jennifer découvre des asticots qui se tordent dans sa paume (dans le jeu, ils s'écoulent directement du robinet). Une autre encore où elle est forcée de ramper dans un espace étroit. On pourrait aussi faire remarquer que la mère oblige Jennifer à prendre des pilules empoisonnées tout comme Miss Barrows lui sert un breuvage drogué dans le jeu.

Suspiria, qui a été tourné avant Phenomena, possède un thème assez identique puisqu'on y suit de nouveau une Américaine venant séjourner dans un institut européen, cette fois-ci une académie de danse. La nuit de son arrivée, deux étudiantes connaissent une mort brutale, marquant le début d'une série d'évènements étranges ayant pour cadre cette école à l'atmosphère inquiétant et inhospitalier.

L'une des deux étudiantes est précipitée au travers d'un vitrail qui s'étend au dessus du hall de leur résidence. Dans le jeu, c'est l'une des trois entrées en scène possibles de Scissorman, qui tombe avec le corps d'Ann empalé dans ses cisailles. Comme on le voit sur l'image, l'aspect du dôme n'est pas si différent.

Bien plus tard dans le film, Suzy est attaquée dans la salle de bains par une chauve-souris. Elle la neutralise en la recouvrant d'une serviette, puis l'écrase avec un tabouret. L'attaque du perroquet dans la chambre est évidemment inspirée de cette scène. L'entrée de la chauve-souris est annoncée par deux yeux luisants à la fenêtre comme cela arrive aussi dans le premier couloir du manoir. On note encore un cas de breuvage empoisonné, mais c'est à peu près tout pour les scènes tirées de Suspiria. L'influence du film sur le jeu se fait d'autres façons: par l'éclairage, avec des dominantes bleues et pourpres, et par le thème de la sorcellerie (la salle au pentagramme).

On n'y échappe pas, le personnage principal de Profondo Rosso est encore un Américain en Europe, mais cette fois-ci un homme adulte, un pianiste. Il se trouve sur les lieux lorsque le meurtre d'une médium est commis. Poussé par sa curiosité et l'impression obsédante d'en savoir plus qu'il ne s'en rend compte, il va se mettre à traquer l'assassin.

Lorsqu'une femme seule, qui vit au milieu de nulle part, à la mauvaise surprise de trouver au milieu de son salon une poupée pendue, elle se laisse gagner par la peur. La suite donnera raison à ses inquiétudes. Même s'ils lui ont ajouté un élément surnaturel qui n'était pas présent, cette scène sert d'inspiration à la chambre d'enfant.

Les portraits cauchemardesques de Profondo Rosso jouent un rôle essentiel dans l'intrigue, alors ce n'est pas vraiment surprenant de les retrouver dans le jeu. Il y en a un dans le petit salon (ici dans l'image) et un autre dans la salle au pentagramme, au-dessus des cierges.

Dans un autre moment clef du film, Marcus défonce à coups de pioche un mur qui masque l'entrée d'un ancien salon, où il va faire la découverte d'un squelette. Pareillement, Jennifer démolit le mur d'un débarras pour accéder à un cachot qui renferme un autre squelette depuis longtemps oublié (c'est ce qu'on appelle avoir des squelettes dans ses placards !).

La tenue de Scissorman enfin est inspirée de celle de l'enfant de Profondo Rosso, vêtement à la mode pour les fils de bonne famille italiens des années 50 ou avant. Il y a aussi une scène au piano dans le film, mais elle ne se déroule pas de la même façon. Autre point commun entre les deux: une salle de bains embrumée qui contient un cadavre de femme.

En conclusion, si l'équipe d'Human a pris des scènes dans chacun de ces trois films, on peut voir une sorte de plan plus général: Suspiria aura été l'inspiration visuelle, Phenomena aura fourni le scénario et les personnages, et Profondo Rosso quelques coups de théâtre.