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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE NINTENDO ENTERTAINMENT SYSTEM (8-bit)


Si le "bloc" était une marque déposée, les droits d'auteur iraient au héros de Solomon's Key.

Solomon's Key

Solomon's Key

ソロモンの鍵 (Solomon no Kagi)
 

 NES

Développeur:
Tecmo

Editeur:
Tecmo
Genre:
Réflexion

Joueurs:
1P

Dates de sortie
30.07.1986 Japon
07.1987 USA
09.1990 Europe
30.03.1990 Suède
dur Difficulté:

72%Graphismes
89%Animation
88%Son
96%Jouabilité
90%Durée de vie

93%93%

Vous souvenez-vous de Dana ? Non, pas celui qui présentait Ca Cartoone, ni Sigourney Weaver dans Ghostbusters, mais Dana, le petit magicien à la tunique verte et à la cape orange de Solomon's Key. Il était chargé d'une mission peu originale mais généralement considérée comme utile: restaurer l'ordre mondial, tombé sous le joug des démons. Pour y parvenir il devait traverser une cinquantaine de niveaux aux armoiries des constellations du zodiaque et récupérer la Solomon's Key, un livre de Dan Brown, oups, non, juste un livre.

Dana et la Chambre des Secrets

En parlant de livre, Dana a un point commun avec un héros littéraire, Harry Potter. Comme lui il manie la baguette magique, mais Dana ne connaît qu'un sort, le seul dont il ait besoin, celui du bouton B, qui lui permet de créer et casser des blocs à volonté; pas tous, juste ceux marrons comme de la terre cuite, les blocs blancs comme du marbre étant, eux, indestructibles. Le principe du jeu repose sur la bonne utilisation de ce pouvoir, sachant que son champ d'action se limite aux côtés, aux diagonales du haut lorsqu'il saute et du bas lorsqu'il s'accroupit. Ces dernières peuvent lui permettre par exemple de créer une surface sur laquelle marcher, tel un pont.

Les salles que Harry, pardon, Dana traverse sont des casse-têtes de blocs et de monstres. Comme dans les aventures de Lolo, les concepteurs se sont creusés la cervelle pour exploiter à fond toutes les possibilités offertes par ce gameplay en apparence si simple. Si le jeu ne surpasse peut-être pas celui de Nintendo en roublardise et en torture mentale, il l'égale tout au moins, mais la difficulté est un niveau au dessus puisque vous êtes limité en temps pour trouver la solution de chaque salle. Ce temps limite est en fait vos points de vie, autrement inutiles, qui déclinent régulièrement.

Key, Door, Exit

Ce que vous avez à faire n'a rien de compliqué, c'est encore plus élémentaire que chez Lolo: ramasser la clef qui ouvre automatiquement la porte, puis atteindre celle-ci pour passer à la salle suivante. C'est toujours si simple dit comme ça. On s'imagine, une grosse clef d'or en main, tournant la serrure de quelque vieux cadenas bien huilé. Bien entendu, entre soi et la clef il y a des monstres bizarres, régis par un comportent précis. Parmi ceux de Solomon's Key, la plupart marchent de long en large, certains crachent du feu, d'autres implosent après quelque temps, tous passent à l'attaque dès que vous entrez dans leur champ de vision. Il y a aussi des boules d'énergie, comme les Sparks de Super Mario Bros. 2, qu'il faut apprendre à manipuler, à diriger comme du bétail sans se faire toucher au risque de se faire encorner sur leurs éclairs.

Les monstres sont parfois l'occasion de tester vos réflexes, vous pouvez les éviter d'un saut ou les entraver avec un bloc, qui ne leur résistera pas longtemps. Mais il n'y a que deux façons de se débarrasser d'un ennemi: se servir d'une boule de feu, ou détruire le bloc sur lequel il marche pour l'envoyer s'écraser en bas; n'est pas chat qui veut. Néanmoins, ce type de confrontation est rarement la solution appropriée. D'une part les boules de feu sont rares, on les glâne dans les niveaux au petit bonheur et un gaspillage est vite arrivé, d'autre part les occasions d'avoir un ennemi sur un bloc amovible se produisent uniquement quand les concepteurs le veulent bien, c'est à dire peu souvent. Et puis beaucoup de monstres surgissent d'une machine qui les produit à l'infini.

Le Zodiaque sans Chevaliers

Il n'y a qu'une manière de bien franchir une salle, c'est à la force de son cerveau, en développant la meilleure méthode, en suivant le chemin le plus sûr, en créant des blocs là où il faut, en évitant l'ennemi ou en redirigeant son flot. Les braves parmi les braves, en plus de cette tâche vitale, s'accableront d'un défi vertigineux: trouver et ramasser autant de bonus que possible ! Il y a les clochettes, qui font apparaître des fées, les pièces, les bijoux, les jarres, les sacs, les parchemins, et aussi des items pratiques comme les sabliers pour gagner du temps, ou en perdre, si vous les prenez trop tôt. Les symboles du zodiaque donnent eux accès à une précieuse salle bonus.

On est souvent tenté de vouloir tout prendre - ou tout du moins d'essayer, certains items invisibles n'apparaissant qu'après avoir créé puis détruit un bloc - mais cela dépend de la difficulté de la salle, du temps disponible et de son propre talent. C'est en tous cas un excellent moyen de s'assurer de passionner autant le joueur moyen, qui n'aura d'autre ambition que de gagner la sortie, que l'expert, pour qui finir un niveau ne se fait pas sans avoir nettoyé au préalable une salle de tous ses secrets. Mais il y a une chose que le débutant autant que le joueur aguerri souhaiteront récupérer, ce sont les Sceaux de Salomon, très bien cachés, disséminés tout au long du jeu et qui seuls donnent accès à la vraie fin ainsi qu'à certaines chambres secrètes.

Durex Tremendae

Inutile de préciser qu'à ce stade, le rôle de la difficulté est primordial, c'est elle qui peut faire ou défaire le jeu. Et il se trouve justement que la difficulté de Solomon's Key est un cas particulier qui mérite quelques explications. Il existe une différence majeure entre notre version européenne et celles américaine et japonaise. Dans ces versions, il n'y a pas de continus, quelle que soit la salle où vous mourez, vous reprenez depuis le début. C'est digne d'un jeu d'arcade, ce que Solomon's Key était justement à l'origine. Le seul moyen d'échapper à ce calvaire est un code, que beaucoup considèrent naturellement comme un acquis. Sans lui, comment avoir le courage d'avancer dans un jeu aussi long et difficile ? Il faudrait apprendre la technique de chaque salle par coeur, mais avec trois vies, vous n'en avez guère l'occasion, la répétition devenant écoeurante.

La version européenne a un énorme avantage par rapport à ses soeurs, elle dispose de continus infinis qui vous ramènent immanquablement dans la salle où vous avez péri. Cela, en contrepartie, amenuise quelque peu l'importance des vies. Entre une difficulté japonaise déprimante et un meilleur traitement européen, il n'y a peut-être que la présence d'un code, mais on ne peut s'empêcher de penser que c'est tout de même dans notre bon droit de recevoir ces continus officiellement. De notre point de vue en tous cas, cela fait une différence notable. Sans eux, Solomon's Key ne serait pas entré sur 1UP dans le domaine privilégié des jeux à 90%.

Ars Technica

De nos jours, le néophyte (un morveux crotteux ou un vieil imbécile qui croient tout deux connaître les jeux vidéo parce qu'ils s'y sont mis avec la Playstation 2 ou la Wii) aurait tendance à renier toute qualité au graphisme de Solomon's Key. Après tout les sprites sont minuscules et le décor aussi carré qu'une grille de mots croisés. Pourtant, on ne peut pas lui nier une certaine harmonie. Harmonie plus encore méritoire quand on sait que le jeu date de 1986, une époque où les graphistes avaient du mal à résister à la tentation des couleurs flashies.

Et en effet les sprites y résistent difficilement, cependant, leur taille aidant, cela ne gêne pas le moins du monde. Ce qui importe c'est le décor, ces blocs, en colonnes ou en lignes, sur lesquels votre oeil se fixe sans cesse, ce fond, qui se dévoile peu à peu, au fur et à mesure que l'espace s'éclaircit. Contre toute attente Tecmo a fait les bons choix, quand bien même le jeu est antérieur à Adventures of Lolo et surtout Bubble Bobble, jeu notoire pour la pauvreté graphique de ses tableaux, il les surpasse sensiblement. Il ne cède à aucun moment à la facilité du morne fond noir qui hante ces deux jeux qui, pourtant, ont une atmosphère et des personnages bien plus joviaux que Solomon's Key.

Le parallèle ne s'arrête pas là, puisque, comme eux, comme bon nombre de jeux en tableaux, c'est toujours la même musique qui joue d'un niveau à l'autre. Plaisante surprise une fois encore, on survit sans peine de passer des heures en sa compagnie, elle a un petit côté ancien qui n'est pas déplaisant. Quand le temps commence à manquer on a droit à une variante nerveuse, de même quelques courts morceaux illustrent d'autres phases du jeu. Il n'y a pas beaucoup de musiques mais elles sont toutes d'excellente qualité, alors qui s'en plaindra ?

Joie-bilité !

Ce qu'il y a de vraiment magique avec Solomon's Key, c'est la maniabilité. C'est à croire que Nintendo était passé par là. En ce temps Tecmo était autre chose que ce qu'ils sont désormais, une boîte racoleuse qui a besoin de seins et de fesses pour vendre ses jeux. Même si Dana ne peut pas sauter plus d'un bloc de haut, il se contrôle avec un naturel que le Mario de Donkey Kong lui envie. Sans même connaître les règles, c'est un jeu qui se prend en mains instantément, plus vite qu'un jeu de dames, où quelques secondes de tâtonnement suffisent à en deviner et à en assimiler le fonctionnement.

Progressivement, la création de blocs devient aussi naturelle que de tendre la main, l'infime marge qui nous sépare de la tête des ennemis lorsqu'on leur saute par dessus ne nous fait plus peur, la prise de risque devient plus tentante, on découvre des finesses insoupçonnées (le secret des flammes bleues, un type de saut, etc). On en arrive à manier sa baguette comme le forgeron son marteau. La répartition des commandes peut sembler maladroite puisque les deux boutons sont dédiés à l'usage de la baguette (blocs et boules de feu) et que le saut se retrouve sur le haut de la croix de direction, mais l'on s'y fait rapidement et le seul menu problème est de devoir se réhabituer après être resté trop longtemps sur un autre type de jeu.

Monument

Solomon's Key est un vestige du passé, une antiquité, dans son sens le moins péjoratif, qui a traversé le temps, les décennies, sans rien perdre de sa puissance. C'est le propre des grands jeux de réflexion, qu'ils soient Tetris ou Sudoku, leur principe ne s'épuise jamais car leur superbe complexité ne peut naître que d'une simplicité véritable, comme un matériau brute, comme un symbole de pureté. Mais en prime, Tecmo a doté son jeu sur NES d'une réalisation impeccable, qui impressionne plus encore quand on sait que le titre n'est sorti que trois ans après le lancement d'une console qui allait en durer onze ! Tous ses confrères de l'époque n'avaient pas autant de prestance. Solomon's Key est un des meilleurs jeux de réflexion de la console, l'un des plus intuitifs et l'un des plus prenants. Et comble de la chance, c'est notre version européenne qui se trouve être la meilleure de toutes grâce à la présence indispensable de continus.

le 22 octobre 2007
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
Boîte du jeu
Version américaine



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