Duck Hunt est ce que l'on appelle un jeu idiot. De la part de Nintendo, c'est également le jeu le plus cruel qu'ils aient jamais commis. Oubliez les coups d'épées dévastateurs de Link et les bonds assassins de Mario, ici vous n'êtes ni plus ni moins qu'un chasseur qui abat sans états d'âme d'innocents canards dont la seule défense est la fuite. Le côté idiot du jeu est un peu le même que celui qui excite nos amis (?) chasseurs: tirer sur tout ce qui bouge. Y compris votre chien. A la différence près que si vous vous mettez à lui tirer dessus ce n'est pas accidentel mais bien avec l'intention de lui faire ravaler son rire railleur. Que les membres de la SPA se rassurent, contrairement aux canards, le sinistre cabot est insensible aux balles.
Mais, me direz-vous, qu'est-ce qui pourrait bien pousser le brave chasseur que vous êtes à retourner son fusil vers son compagnon à quatre pattes ? La frustration bien entendu. Qu'ils soient seuls ou par paires selon le mode de jeu, les canards made in Nintendo ont une facheuse tendance à zigzaguer et accélérer furieusement tandis que les rounds se succèdent. Et si vous n'atteignez pas le quota de gibier, vous pouvez dire adieu au prochain niveau et bonjour le game over. Inutile de vous lamentez toutefois, il n'y a pas de niveaux différents ni de fin dans Duck Hunt. L'arbre et les fourrés, que vous décimiez dix ou huit-cent volatiles, c'est toujours ce même décor que vous verrez. On vous avait prévenu, Duck Hunt est un jeu idiot. Il y a quand même une échappatoire: le "game C", le troisième mode de jeu. Fini les canards, place aux pigeons. Ceux-là sont d'argile et ne mettent pas à profit les capacités inexistantes en matière de zoom de la NES. Le principe ne vole pas plus haut que les canards, mais ça peut toujours vous changer les idées si vous commencez à voir partout des arbres, des buissons, des cols-verts et des chiens rigolards.
Difficile de se motiver de continuer de jouer après avoir fait le tour du jeu. Et le tour est vite fait. Deux petites choses pourront accrocher quelques instants supplémentaires les plus nostalgiques. La course au score tout d'abord, certains plumages valent plus de points que d'autres par exemple, ça n'a rien de révolutionnaire mais ça casse un peu la monotonie. Plus exaltant est l'usage du Zapper, une décennie avant les Virtua Cop et autre House of the Dead, la NES avait son propre pistolet optique qui permettait de se glisser dans la peau d'un Dirty Harry, fliguant des canards, certes. "Et vas-y que je dégaine, bam, entre les yeux, bam, deux Donalds d'un coup ! Rira bien qui rira le dernier sac à puces, bam, bam, bam !". Le seul fait de tenir le pistolet, de tirer sur l'écran et de se faire son cinéma était plus amusant que le jeu en lui-même.
Alors, Duck Hunt serait-il le plus mauvais jeu de Nintendo ? La question ne se pose même pas. Il est clair que ce jeu de tir simpliste n'a aucune prétention si ce n'est de servir de base d'entraînement aux possesseurs du Zapper. Il y a avait bien deux ou trois trucs sympas comme les bruitages, le chien moqueur ou la possibilité pour un second joueur d'influencer le vol des canards, mais Duck Hunt se classe parmi ces classiques primitifs de Nintendo au même titre que les archaïques Game & Watch. Le jeu à l'époque était souvent vendu en double cartouche avec Super Mario Bros auprès duquel il faisait office d'entracte entre deux parties. Quant au Zapper, sa carrière tourna court, presque aussi rapidement que celle du Super Scope sur Super Nintendo, et seuls quelques jeux comme Wild Gunman et Gumshoe vinrent s'ajouter à Duck Hunt.
le 12 juillet 2001
par sanjuro