L'espionnage, c'est presque un art. Malheureusement, en jeux vidéo, il devient un art primaire qui s'exerce à coups de savates et de revolver. Surtout qu'en ces temps reculés, ni les subtilités du "stealth", de l'infiltration, ni même les premiers FPS, n'étaient apparus. C'était donc à un "doom-unlike" que SNK conviait les possesseurs de Neo Geo avec leur super espion qui d'espion et de super, n'avait pas grand chose d'autre que le nom.
The Super Spy est un jeu particulier sur Neo Geo mais pas unique, son principe ayant été repris à la sauce médiévale dans Crossed Swords. L'idée clef du jeu est une idée qui fera son bout de chemin dans les années qui vont suivre: un jeu de tir à la première personne. Seulement, la Neo Geo est incapable de gérer la 3D ou tout du moins, aucun développeur ne s'est jamais donné la peine de chercher de ce côté, sans doute à raison vu que la console fait de la 2D à la perfection; alors, The Super Spy utilise tout le potentiel technique de la console, dont les zooms à profusion, pour offrir un jeu 2D qui imite assez bien par moments la troisième dimension qu'il lui manque.
La visualisation est assez simple, vous voyez l'action des yeux du héros, et tout ce que vous voyez de ce dernier sur l'écran ce sont ses mains qui distribuent des coups et manient des armes; vous aurez aussi l'occasion de voir sa jambe si vous jugez bon de balancer un coup de pied aux ennemis. Faute de 3D, les déplacements s'effectuent latéralement en grande majorité. Une icône en haut à droite vous indique les quatre directions à la façon des points cardinaux car, à certaines occasions, vous pourrez entrer dans un couloir, ou pénétrer dans une salle. Dans un couloir, les mouvements sont limités à avancer et reculer, aussitôt que vous en sortez, vous repassez en déplacement latéral. Dans les salles, vous rencontrerez soit des otages, il n'y alors rien d'autre à faire que de lire le texte, soit des terroristes.
Des terroristes, il y en a partout. Ils ont pris contrôle de l'immeuble de la Tadoya que vous devez libérer, ça ressemble tellement à l'histoire de Piège de Cristal qu'on ne se demande même pas où SNK a trouvé sa source d'inspiration. Les jeux Neo Geo étant développés comme des jeux d'arcade, l'apparition des ennemis dans The Super Spy obéit à une règle de ces systèmes: un débit ininterrompu. Les ennemis arrivent sans cesse, vous n'aurez pas de pause, le texte défile même tout seul dans les salles. Pour les affronter, vous tapez du poing avec A, du pied avec B, et changez d'armes avec C. Il y a très peu d'armes, outre le couteau de départ, vous aurez en main un pistolet, une mitrailleuse et bien plus tard un poing américain avec des pointes qui se révèle l'arme la plus efficace quand vous réalisez un uppercut.
Se battre est bien moins facile que dans un FPS. C'est beaucoup plus restreint puisque, ne pouvant bouger votre personnage que sur les côtés, vous devez aligner le centre de l'écran avec l'ennemi pour frapper juste. L'avantage, c'est que les ennemis subissent la même contrainte, au corps à corps tout du moins, ils doivent vous faire face pour vous toucher. En sorte que pour esquiver leurs coups, vous n'avez qu'à bouger à gauche ou à droite. On en sort rarement indemne cependant, surtout quand les 12 balles de votre revolver sont épuisées et que la lame de votre couteau est émoussée. Alors plutôt que de perdre son temps à parer des ennemis qui vous barrent la route tous les deux mètres, on attaque sans cesse, et tant pis si l'on meurt, les continus sont infinis et instantanés.
Amusant au début, ce principe se révèle épuisant à la longue. Le jeu ne se renouvelant jamais dans son fonctionnement, on se retrouve forcé d'arpenter des couloirs et d'entrer dans des salles-tableaux jusqu'aux derniers niveaux. Et dans ces circonstances, la longueur du jeu est plutôt un handicap. Seize étages, sans compter les sous-sols, c'est beaucoup, cela même si les étages sont plutôt petits sur le plan, ils tirent en longueur la faute aux ennemis. De plus, les graphismes ne sont pas assez variés, surtout en ce qui concerne les décors. Les ennemis sont assez répétitifs aussi, passé un certain point ils ne changent plus que de couleurs et il ne faut compter que sur les boss pour un peu de dépaysement, mais les décors de l'immeuble sont vraiment ce qu'il y a de pire. Ils auraient pu avoir un peu plus d'ambition, mettre plus de baies vitrées ou d'objets, sur ces murs ternes et identiques.
The Super Spy est principalement une vitrine technologique, comment la Neo Geo et sa 2D a pu initier le FPS rien qu'à coups de zooms. Les ennemis zooment-avant pour vous attaquer, et zooment-arrière quand vous les envoyez promener, de même que le couloir (surtout le mur du fond en fait) zoome quand vous vous y avancez. Ca intéressera encore ceux que le bond technologique fascine, mais moins les autres. Il y a d'autres choses amusantes pour eux, notamment la façon qu'ont les concepteurs d'utiliser la vue subjective pour mettre en valeur les attaques ennemies: certains armes ou attaques (poing, tête...) sont dessinées énormes pour marquer la proximité avec le visage de votre personnage. C'est drôle et c'est quelque chose que la 3D ne peut pas vraiment exploiter. Un mot sur le son avant d'en finir; il n'est certes pas mémorable, les musiques sont insignifiantes et les bruitages sont corrects mais lassants à la longue, en particulier les cris digitalisées, peu variés et mal chosis, qui s'accordent assez mal avec les personnages censés les pousser.
Alors qu'on aurait pu penser que ses capacités techniques préserveraient la Neo Geo d'un vieillissement prématuré, c'est exactement le contraire qui s'est passé. The Super Spy est un jeu de plus qui a terriblement mal vieilli, écrasé qu'il est sous 10 ans de FPS de Doom à Halo en passant par Perfect Dark, ce n'est plus qu'une curiosité. Le fun, qui n'était déjà pas très présent, a définitivement quitté ce jeu et tout ce que l'on ressent maintenant en y rejouant, c'est l'envie de plonger dans n'importe quel FPS pour retrouver la liberté qu'il lui manque. Le plus surprenant dans ce jeu c'est peut-être le texte de sa fin autrement nulle. Ce texte sur le terrorisme incroyablement d'actualité est affiché sur fond de ville, duquel on peut clairement voir deux immenses tours jumelles. La coïncidence est on ne peut plus saisissante.
Les derniers mots du boss:
"If I die here, 2 or 3 of me will regroup and end this world !"
"Si je meurs ici, deux ou trois des miens se regrouperont et mettront fin à ce monde !"
Le texte de fin sur fond de Twin Towers:
"Terrorist power has increased in our high tech era.
Each country is threatened by this power.
There are no boundaries for terrorists.
The death toll rises each day."
"Le pouvoir du terrorisme s'est accru dans notre ère de haute technologie.
Chaque pays est menacé par cette force.
Il n'y a pas de limites pour les terroristes.
Le nombre de morts s'élève chaque jour."
le 5 mars 2004
par sanjuro