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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SNK NEO GEO (8 et 16-bit)


Dantesque, nom de Dieu !

Sengoku

Sengoku

戦国伝承 (Sengoku Denshō, trad: "La Légende des Etats en Guerre")
 

 Neo Geo

Développeur:
SNK

Editeur:
SNK
Genre:
Beat'em up

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
12.02.1991 Japon
1991 USA
12.1991 Europe
bonne Difficulté:

91%Graphismes
90%Animation
89%Son
80%Jouabilité
86%Durée de vie

91%91%

A dire vrai, le mot "Sengoku" n'a pas besoin de traduction; il désigne une période clef de l'histoire du Japon, de 1467 à 1573, pendant laquelle le pays est déchiré par des guerres intestines. C'est l'époque des samouraïs en armure, des grands seigneurs de guerre, et des noms immortels de Nobunaga, Tokugawa, Hideyoshi, qui aujourd'hui encore résonnent comme de terribles fantômes aux oreilles des Japonais. La période Sengoku a été très largement adaptée en films et elle a aussi inspiré des mangas et des jeux vidéo, ignorant l'histoire pour la plupart (sauf les wargames de Koei) mais se gorgeant de son style brutal et magnifique.

Ran

Ce Sengoku Denshō, mémorable beat'em up de la Neo Geo, fait au fond très peu cas de la période même. Ce qui l'intéresse, c'est le Japon féodal dans son ensemble, autant les grandes armées s'étirant à l'infini, motif récurrent dans le jeu, que les monstres du folklore. Il pousse l'exploration si loin qu'il finit par empiéter sur les cultures étrangères dans lesquelles certaines racines du Japon s'enfoncent, celles de la Chine et de l'Inde, le second représenté ici à travers des symboles bouddhiques. Le mélange qui en résulte est si hétéroclite qu'il n'y a qu'un motif suffisamment fort pour le lier solidement: 地獄, l'Enfer.

Un cruel daïmio (un seigneur japonais) mort il y a 400 ans a juré de revenir d'entre les morts pour se venger; aidé par une force mystérieuse, il parvient à réaliser son dessein. Dès lors, sous une spirale de nuages noirs, son château volant plane au-dessus de la ville. Deux samouraïs des temps modernes venus dont on ne sait trop où, descendants ou réincarnations de ceux qui l'avaient tué sans doute, se dressent sur son chemin pour tenter de renouveler l'exploit. Ce daïmio serait d'ailleurs inspiré par la figure historique de Oda Nobunaga, l'un des unificateurs du Japon, qui passait pour impitoyable. Quant à nos deux héros, comme on va vite le voir, ils ne s'inspirent absolument de personne si ce n'est peut-être de deux gros machos un peu ivres sortant d'une boîte de nuit par une belle soirée d'été 1990.

La Forteresse Cachée

Sengoku est un jeu extrêmement coloré qui n'a pas peur des tons vifs, limite fluo, combinés dans un style extravagant qui ferait fuir les jeunes émos. Cela parmi d'autres caractéristiques lui donne une personnalité tout à fait singulière qui aura peut-être assez mal vieilli au goût de certains. Pourtant, si l'on peut dire qu'il est parfois à la limite du mauvais goût, il ne tombe jamais dedans. En bon funambule, il marche sur cette ligne séparatrice avec juste ce qu'il faut d'habileté artistique. Maintenant, la mauvaise nouvelle, est que l'un des deux personnages porte une tenue de cow-boy rose.

"Violet ! Rose ! Violet ! Tu le prends ! Non, toi !" Ce malheureux cow-boy blond, à demi-nu sous son gilet bleu, avec un Stetson, un jean à franges et des bottes d'un rose ("violet !") éclatant n'est pas tout à fait le genre de dur qu'on s'attend à diriger dans un beat'em up. On l'imaginerait mieux derrière le comptoir d'un bar gay à servir des verres d'un clin d'oeil complice. M'enfin, on s'y habitue vite et il fait un bon combattant comme son ami à la veste rouge et au pantalon jaune (on vous disait bien que les couleurs dans ce jeu c'est quelque chose !). Leur aventure débute sur la route, avec en fond une ville anonyme dévastée, la baie qui l'entoure crevée d'une faille énorme et vidée de toute son eau.

Ce décor apocalyptique contraste avec l'image d'intro et l'avant-dernier niveau à bord du château volant où la ville semble intacte. On pourrait facilement imaginer une explication mais peu importe: ce paysage chaotique on le voit finalement peu. La raison à cela se trouve aux pieds de nos deux pseudo-samouraïs. Sur le sol est inscrit le Mon, les armoiries du daïmio. Quand on marche sur ce rond, après avoir nettoyé les environs de tous les ennemis, on se retrouve expédié dans les cieux, dans ces nuages noirs qui gravitent autour du château. Il s'agit d'un monde parallèle, brumeux, spectral, qui de toute évidence relie les monstres et guerriers du passé au présent. Si dans le monde d'en bas on affronte de drôles d'invidivus, ce n'est rien comparé aux visions qui nous attendent là-haut, dans ce ciel qui n'a rien d'un paradis.

Entre le Ciel et l'Enfer

Après quelques combats, on atteint une dépression dans les nuages qui nous ramène sur la terre ferme. Ces bonds de géant, cette succession d'aller-retour entre les deux plans, se poursuivent tout au long du niveau et dans chacun d'eux. D'autres fois encore, c'est le sol qui s'effondre, et on se retrouve dans les profondeurs d'un niveau ordinaire à la recherche de l'ascenseur céleste qui nous renverra à la surface. Ces idées de niveaux en plusieurs couches seront reprises et retravaillées dans les jeux de combat 32 bits et plus. Ici, elles permettent agréablement de rompre la monotonie susceptible de toucher tout beat'em up, tout comme les scènes fortes qui parsèment Sengoku, rencontres de mini-boss et d'ennemis qu'on ne voit qu'une fois.

Ca ne l'empêche pas malgré tout de souffrir de ce défaut lié aux répétitions d'échanges de coups et de quelques autres aussi. Même si, comme nous allons le voir, Sengoku est très varié, autant en termes de personnages que de pouvoirs, on finit par ressentir une certaine lassitude à retrouver systématiquement certains ennemis collants tels que les samouraïs. On peut aussi lui reprocher le manque de subtilité de sa jouabilité: tous les coups sont assez simples, il n'y a aucune forme de combinaison, cela parce que les points forts de Sengoku résident ailleurs.

Chien Enragé

Sa force, elle lui vient des armes et des transformations. Certains ennemis rapportent des orbes flottantes dont chaque couleur hormis la verte permet de recevoir une arme différente. Quand il s'agit d'un sabre, celui-ci se matérialise d'abord en un volute de fumée qui se déroule pour prendre sa forme solide et finale. Très cool ! On pense aux zanpakuto de Bleach. De cette façon, on peut manier un katana, deux katana (à la manière du célèbre Miyamoto Musashi) ou une grosse épée européenne, dite Holy Sword. L'acquisition est malheureusement temporaire, et, au bout d'un laps de temps suffisamment long pour en profiter, on se retrouve de nouveau les poings nus.

Mais même eux peuvent devenir des armes dangereuses, avec ou sans power-up. En possession de la sphère dorée, on peut tirer des flux d'énergie de ses mains, sans elle, on a encore la possibilité de charger son pouvoir en maintenant A enfoncé pour jeter un méga-tir qui ratisse l'écran. Tout cela est déjà pas mal mais ça ne s'arrête pas là, les transformations viennent multiplier le potentiel de ces attaques. Certains ennemis retiennent prisonnier trois types d'esprits que l'on peut invoquer d'une pression sur le bouton C pour prendre notre place, moins une transformation qu'une substitution donc. Ce système rappelle un peu le Magician Lord d'Alpha Denshi, surtout que l'on peut ici aussi incarner un samouraï et un ninja. Quant au troisième personnage, il s'agit d'un chien en armure de samouraï (et ce n'est pas une invention du jeu, ils existaient vraiment ces plastrons canins) !

Ces permutations ne seraient pas si spéciales ou intéressantes — excepté pour le samouraï dont on peut profiter du sabre — si l'arme acquise grâce aux sphères n'était pas à son tour adaptée aux capacités du personnage. On se retrouve ainsi avec de tout nouveaux pouvoirs ! La panoplie complète de coups est large, souvent très visuelle et nécessite de la pratique pour en voir toute l'étendue. Le ninja peut se rétrécir, lancer l'image d'un guerrier malfaisant; le chien peut tirer de gros shurikens ou une tête de loup, et dispose de l'une des attaques les plus cool et les plus bizarres jamais créées en jeu vidéo: des chiots lui sortent par la bouche, qui s'en vont mordre ses adversaires aux mollets; c'est ce qu'on appelle un accouchement dans la douleur !

Les Hommes qui Marchent sur la Queue du Tigre

Deux autres personnages peuvent également être délivrés mais il n'est pas possible de les incarner: le vieux magicien et la femme blonde, un ange apparemment — oui, un zeste de christianisme aussi parmi les influences. Le premier vous donne des tirs comme le fait l'orbe et la seconde regénère votre énergie. Ces armes élégantes, ces pouvoirs formidables, ces changements de corps, compensent largement la simplicité de la jouabilité. C'est un jeu de la race de Legend, que nous testions récemment sur Super Nintendo: moins technique que féroce, qui mise à fond sur l'aspect visuel, sur le caractère monumental et spectaculaire des combats; et où, pour une fois, on peut riposter aux énormes monstres par des attaques non moins terribles que les leurs.

Quand on tue un ennemi ordinaire d'un coup d'épée, on lui tranche le corps dans sa longueur et un jet d'énergie s'échappe aussitôt de l'entaille béante. Cela aurait été un flot de sang s'il s'était agi d'humains, comme dans Samurai Shodown (version japonaise tout du moins) qui reprend d'ailleurs certaines idées de Sengoku. Cet effet saisissant en est un parmi d'autres que la console produit tout au long du jeu. Elle se sert aussi du zoom pour amener certains attaquants, qu'ils courent, qu'ils volent ou qu'ils bondissent, du fond de l'écran au premier plan. Un autre vu fréquemment consiste à faire apparaître et disparaître certains sprites en les étirant dans un sens ou dans l'autre.

Tout le travail de mise en scène culmine avec les boss et quelques autres adversaires privilégiés dont la répartition équitable ponctue le jeu: le chef ninja, qui connaît la fameuse technique de la bûche et que l'on combat sur le dos d'un troupeau de chevaux surnaturels; la scène de théâtre kabuki qui abrite un démon oni aux cheveux rouges; les kappa, monstres tortues de la mythologie japonaise, qui précèdent Raiden, le dieu du tonnerre japonais et la prêtresse shinto; les statues de démons bouddhiques et la forêt de bambous du troisième niveau; la femme hideuse à la lente transformation, peut-être inspirée d'une estampe d'Hokusai.

Vivre

Pour le combat final, le sixième niveau, SNK n'a pas fait non plus les choses à moitié: nouvelle épée, nouvelles mort et résurrection, nouveau moyen de déplacement. Effectuer autant de changements rien que pour cette dernière scène n'est plus simplement de l'audace, ils signent leur génie. Ce grand finale est aussi le pic de la difficulté. On peut facilement perdre ici plus de vies et de continus qu'on en a perdu dans n'importe quel autre niveau à cause des morts instantanées. Les continus pourtant sont distribués généreusement, au point qu'on pourrait croire qu'ils sont infinis.

Mais ils ne le sont pas comme on l'apprend au plus tard dans ce niveau ! Ca ne gêne pas tellement la difficulté, assez bonne dans l'ensemble, avec un point d'importance: le pouvoir des sphères est capital. Sans celui-ci, venir à bout des samouraïs et d'autres guerriers résistants coûte inévitablement des carrés d'énergie; les tirs sont imparables pour les neutraliser alors que les sabres, très vifs, permettent de lacérer dans le tas. L'aspect le plus négatif reste la jouabilité et à quel point vaincre à mains nues est une opération qui relève autant du mitraillage de bouton que du hasard.

L'accompagnement musical est assez typique d'un beat'em up, énergique avec des élancements sonores. Mais, une fois passé dans l'autre monde, le revirement est complet: on est soudain à écouter de la musique japonaise traditionnelle à base de taiko et de shinobue (tambour et flûte), avec parfois aussi, comme au premier niveau, un de ces chants lents et graves propres à la culture du pays. Autant dire que cela surprend. C'est un succès cependant, car cela va comme un gant à l'atmosphère mystique et inquiétante de ces phases surréelles. Les voix digitalisées sont aussi mises à contribution avant les boss, qui ont toujours quelque chose à dire. Sans doute des insultes joliment tournées. On n'ose se fier à la traduction anglaise tant le texte est idiot, d'où les screenshots japonais qui illustrent le test; parfois il vaut mieux ne pas comprendre ce qu'on nous dit.

Je ne Regrette pas ma Jeunesse

Treizième jeu de la Neo Geo, Sengoku Densho demeure une oeuvre impressionnante, puissante, où les évènements s'enchaînent, variés et originaux. Il est bien plus séduisant qu'un Ninja Combat ou qu'un Burning Fight grâce à son ambiance unique de fantômes japonais et sa multiplicité de pouvoirs. SNK continuait d'expérimenter avec leur machine et la réalisation est un pas en avant par rapport aux productions précédentes: les zooms et les voix digitalisées s'intègrent plus subtilement, les sprites sont larges et nombreux au point de "clignoter" (ils disparaissent pour être exact). En dépit de sa jouabilité primitive, de ses couleurs un peu trop voyantes, il faudrait être bien difficile pour ne pas tomber sous le charme oriental de sa violence fleurie.

le 1er mai 2009
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
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