Comme on le sait depuis The Big Lebowski, et même un peu avant, le bowling est le hobby de gens un peu spéciaux, plus grands que nature, qui aiment mettre leurs doigts dans la boule et coucher les quilles girondes d'un bon roulement. Ils nous diront que c'est un sport sensuel. On les croira volontiers, ne serait-ce que pour éviter de réveiller le Jesus Quintana qui sommeille en eux. La vedette de League Bowling aussi est un original: les cheveux bleus en pointes, les biceps prêts à exploser, le maillot moulant et rayé, cela lui vaut d'avoir la face tirée à quatre exemplaires pour remplir le mode multijoueur; les saynètes trop nombreuses n'auraient pu montrer à chaque fois un personnage différent sans demander aux auteurs des efforts supplémentaires qu'un jeu aussi simple ne justifiait pas.
Simple, League Bowling l'est en effet. De l'énorme pavé noir qui sert de manette à la Neo Geo, il ne fait usage que d'un bouton et des directions gauche-droite. Ce dernier mouvement, qui sert à positionner le personnage face à la piste, est d'ailleurs quasiment superflu, comme l'est la sélection du poids de la boule. Il y a trois modes de jeu, Regulation, Flash, Strike 90, qui ne sont en réalité que trois méthodes différentes de compter les points. Le résultat, au final, est toujours le même: dix tours, un podium, un vainqueur, et puis basta. On joue toujours pour le score, seul plus encore qu'à plusieurs puisqu'il n'y a vraiment personne pour nous confronter: aucun joueur géré par l'ordinateur, aucune compétition, on finit toujours à la première place !
On pourrait s'inventer un but, comme de réaliser un score parfait de 300 points en n'effectuant que des strikes, coup qui renverse toutes les quilles, mais cela est aussi dur qu'inutile (pour toute récompense de cet exploit on a droit à un feu d'artifice). De ce mode solo qui n'a guère de sens, on en déduit que League Bowling est un de ces jeux qui n'existent que pour le multijoueur. Observation que confirme aussi l'écran continuellement scindé en deux, comme dans Super Mario Kart mais dans le sens de la hauteur: le côté droit affiche les instructions de jeu sous le buste d'une blonde pulpeuse, tandis qu'à quatre chaque paire joue l'une après l'autre.
Les parties se déroulent évidemment mieux ainsi. Pourtant, ça reste un jeu bête, indigne d'une Neo Geo malgré sa présentation sympathique, rien qu'une Super Nintendo n'aurait pu accomplir. On aligne le curseur directionnel, on stoppe la barre de puissance et on envoie rouler sa boule, au petit bonheur la chance, avec deux occasions de ratisser toutes les quilles. Le rythme, aidé par une litanie musicale, en devient entêtant et c'est dans l'abrutissement de la répétition que le principe réussit finalement à captiver son audience. Il n'y a vraiment que les saynètes, dans l'esprit d'un jeu de flipper et accompagnant les succès et les ratés, pour rompre cette monotonie lissée comme le plancher. Vu le type de machine qu'était la Neo Geo, un objet somptuaire dont les jeux se vendaient au prix d'une console, sortir un mini-jeu de ce genre tenait à la fois de l'exploitation et de l'affront, et, pour l'acheteur, de la sottise et de l'ostentation.
le 20 février 2009
par sanjuro