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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


Faster, Pussybat ! Kill ! Kill !

Castlevania: The New Generation

Castlevania: The New Generation

バンパイアキラー (Vampire Killer), Castlevania Bloodlines (USA)
Suppléments:

Tous les Mots de Passe

 Mega Drive

Développeur:
Konami

Editeur:
Konami
Genre:
Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
18.03.1994 Japon
03.1994 USA
03.1994 Europe
dur Difficulté:

97%Graphismes
95%Animation
90%Son
92%Jouabilité
94%Durée de vie

95%95%
Trucs et astuces

Mode expert:

Pour obtenir ce mode sans avoir à finir le jeu une première fois, il suffit d'effectuer le code Konami à l'écran titre (après avoir appuyé sur Start): Haut, Haut, Bas, Bas, Gauche, Droite, Gauche, Droite, B, A. Vous entendrez un son de confirmation.

Ce que vous allez lire est le test du jeu japonais. La version européenne étant quelque peu mutilée ("pansée" serait plus juste), nous avons préféré vous livrez notre avis sur la meilleure version des deux. Plus d'infos en bas de page. Quant aux nombreux liens, la plupart affichent des images — c'est juste expérimental et non une nouveauté.

Les plus grands méchants de fiction sont aussi les plus durs à éliminer. On ne cesse de les tuer et ils ne cessent de revenir; c'est vrai en particulier dans les jeux vidéo. Mais ce sont aussi des gentlemen et ils leur arrivent parfois, entre deux apparitions, de céder la place à un machiavélique collègue. En 1994, Dracula avait déjà été tué maintes et maintes fois, si bien qu'il commençait à s'embrouiller dans la comptabilité de ses résurrections et dans la juste attribution de ses blessures mortelles. Il décida alors de tirer temporairement sa révérence et d'offrir son poste à une certaine comtesse Bartley, une dame très en vogue dans les salons, c'est-à-dire, les salons d'outre-tombe.

La séduisante jeune femme à la poitrine frémissante et aux cheveux verts était aussi une grande voyageuse. Son dernier caprice était de vouloir faire le tour de la vieille Europe en emmenant avec elle toute sa suite de monstres et de revenants. La Roumanie, la Grèce, l'Italie, la Prusse, la France, l'Angleterre, elle voulait voir tous ces beaux pays à la nuit tombée, respirer leur atmosphère ensorcelante et leur insuffler, en retour, son charme macabre.

Pendant ce temps, au Japon...

Konami — que ses proches appelaient "Monsieur" et les autres "Baron" — Konami, disais-je, continuait d'écrire son oeuvre zolaesque sur Super Nintendo, les Rejouons-Mescarts, offrant à ses plus fameuses cartouches NES le traitement 16 bits: Goemon, Gradius, Parodius, Contra, Castlevania, les Tiny Toons, les Tortues Ninja et d'autres. Mais quelque chose d'étrange se produisait. Imperceptiblement, il s'éloignait de son mécène Nintendo, se sentant attiré par une force supernaturelle vers le rival aux machines noires, le dénommé Sega, mais aussi au-delà, jusque derrière lui, vers une ombre à ce moment à peine visible et pourtant encore plus immense, encore plus menaçante.

Reste encore à parler d'un troisième personnage. Lui se réjouissait férocement de tout cela, du désistement de Dracula, de la belle comtesse aux pixels nus, des romans numériques de Konami, des batailles divines de Nintendo et Sega, et même de la terrible ombre qui guettait. Il jubilait, il étouffait de plaisir, il s'émerveillait de son fantasme. Où résidait-il ? On ne sait. Le monde était sa demeure. Enveloppé dans un épais manteau noir, la tête couverte d'un chapeau aux larges bords tombants, il se disait chasseur de vampires, se disait tout autre chose l'instant suivant. De ses manches pendaient des faisceaux de cordons noirs, qui conduisaient, disait-il, à ses petites mains, ses "manettes". Quand on lui demandait son titre, il répondait: "Gambler, gamer, player !", trois mots qu'en français on ne peut traduire que par un seul: joueur.

Trahison

Au milieu des années 90, juste avant que ne commence la lente dégringolade de Nintendo, il y eut ce qu'on pourrait appeler des signes avant-coureurs. L'un d'eux vint des relations avec Konami. Konami, jusqu'ici, dans la guerre contre Sega, avait été pour Nintendo un allié inestimable. Tandis que sur NES et Game Boy ils développaient et éditaient des jeux à tour de bras, ils ignoraient la Master System et la Game Gear avec une insolence toute royale. Il n'y eut que la SG-1000 parmi les consoles Sega 8 bits à recevoir, en 1985, une paire de leurs produits. Quand les deux constructeurs lancèrent leurs nouvelles machines, Konami sortit immédiatement un jeu pour Nintendo et beaucoup d'autres suivirent. Sur Mega Drive, ils ne levèrent pas le petit doigt pendant deux ans, avant finalement de laisser Micronet adapter en leur nom un jeu de réflexion austère, Junction (Pipe Dream). A croire qu'ils se moquaient d'eux.

Mais subitement, tout changea. Au Noël de 1992, Konami fit quelque chose qu'ils n'avaient jamais fait jusqu'ici. En bon roi mage, ils apportèrent à la Mega Drive une conversion du Turtles in Time de la Super Nintendo sorti la même année. Cela aurait pu passer pour une incartade, une fantaisie, mais dès l'année suivante, rebelote: Konami sortait 7 jeux sur Super Famicom et 4 jeux sur Mega Drive dont trois étaient des exclusivités, Rocket Knight Adventure, Lethal Enforcer et Tiny Toon Adventures Buster's Hidden Treasure. Cependant, le tournant eut lieu en 1994. Cette année-là, une console Sega eut droit pour la toute première fois à ses propres versions de Castlevania et Contra. C'était la fin d'une relation étroite, la fin d'une époque privilégiée, Konami traiterait désormais Nintendo comme un autre, leur accorderait autant d'attention qu'à Sega ou au nouveau venu Sony. Ou peut-être même moins.

La Dame de Pique

Par une sorte d'ultime résistance au blasphème, de pudeur sacrée, le Castlevania de la Mega Drive ne porte pas officiellement le nom de Castlevania. Il se nomme au Japon Vampire Killer; la mention habituelle "Akumajou Dracula" y est complètement absente. Bien évidemment, en Occident, avec nos manières de pachyderme et notre impitoyable sens des affaires, le nom Castlevania est utilisé et plutôt dix fois qu'une. Par goût et par jeu, nous l'appellerons Vampire Killer tout au long de cet article, caprice que justifie aussi les photos d'écran, provenant toutes de la version japonaise. Son nouveau nom est élégant, cinglant, et pas si nouveau à vrai dire puisque son origine remonte au MSX2. De plus, il est assez approprié étant donné qu'on ne verra le Castlevania, le château de Dracula, qu'une seule fois en tout et pour tout, dans le premier des six niveaux, les autres nous conduisant à travers l'Europe jusqu'à un nouveau château, Castle Proserpina en Angleterre.

Le prologue nous apprend que la Bartley cherche l'aide de ses collaborateurs européens pour parvenir à son but qui est de ressusciter Dracula. Encore une admiratrice ! Il nous apprend aussi que l'action se déroule en 1917, en pleine première guerre mondiale, faisant de lui l'un des rares Castlevania, si ce n'est le seul, à être ancré dans la réalité. Cela n'a cependant pas d'influence majeure sur le contenu du jeu, quand bien même on effectue sur la carte le voyage d'est en ouest en traversant la Belgique. La seule référence au contexte historique se trouve au quatrième niveau, dans le début qui se déroule dans une usine allemande opérée par des squelettes casqués, la suite étant elle l'occasion de nous refiler le bon vieux passage de la tour de l'horloge.

Le titre européen parle d'une new generation parce que les Belmont n'apparaissent pas dans cet épisode, ils sont remplacés par deux nouvelles têtes que l'on présume tout de même être les descendants de cette grande famille de chasseurs de vampires. D'ailleurs, on s'en serait douté, ils exercent la même profession. Le premier, John Morris, est un Texan brun qui manie le fouet comme l'admirable Simon Belmont tandis que le second, Eric Lecarde, est un Espagnol dont l'arme de prédilection est une lance rétractable. Eric est un cas particulier. Il porte une combinaison courte digne d'une hôtesse de l'air et son visage fin le fait rivaliser en féminité avec la comtesse, au point que son dessin dans l'intro occidentale aura été révisé pour paraître plus viril. Mais son sprite lui est cool, alors peu importe !

Puisque l'on a décidé de vous inonder de détails sagaces dans ce test, en voici un qui est assez curieux. La version japonaise est en anglais, sans doute pour accélérer sa commercialisation. Mais lorsqu'on lit les noms en caractères japonais des personnages (dans la notice par exemple), on se rend compte que certains d'entre eux ont subi une romanisation étrangement approximative ! Ainsi, Elizabeth Bartley se nomme エリザベート・バートリー, Elizabeth Báthory, du nom de la fameuse comtesse hongroise du XVIème siècle, effroyable meurtrière qui prenait des bains du sang de ses victimes. On pouvait aussi s'interroger sur le patronyme Lecarde, plus français qu'espagnol. Tout devient clair en japonais (sans rire), où son nom est エリック・リカード, Eric Ricardo. Enfin, l'un des boss s'appelle Princess of Moss, モス en japonais, qui peut aussi être traduit plus logiquement par "moth", mite.

Ci-Gît Castlevania

La première chose que l'on remarque en jouant à Vampire Killer est que c'est Castlevania sans être Castlevania. L'homme au fouet est toujours là — pourvu qu'on ait sélectionné John — la barre d'affichage en haut de l'écran ressemble à celle du passé (excepté que le temps limite a disparu, et cela s'avérera utile), la musique est bien dans le ton des airs connus, et le décor est inquiétant comme il se faut. Mais pourtant, quelque chose est différent, et l'on aborde le jeu comme un autre plutôt que comme un Castlevania. L'impression de changement se suffit parfois à elle même sans qu'on ait besoin d'en chercher les causes. Pas sur 1UP ! La différence vient d'abord du graphisme, aux couleurs beaucoup plus vives, ce qui permet de mettre en valeur la rougeur du sang, très présent dans le jeu, mais atténue d'un autre côté son gothisme. Nous y reviendrons.

Les proportions semblent aussi différentes, aidées par la résolution plus large de la Mega Drive. Justifié ou non, l'ensemble paraît plus menu. Mais ce qui produit la rupture la plus nette avec les quatre volets sur consoles Nintendo sont les nouveaux sprites et ceux des protagonistes en particulier. Ils ont été modernisés; la vue de profil a été abandonnée au profit d'une vue de trois-quart, l'animation est rapide et nerveuse, les postures réalistes et moins guindées, et le premier à en profiter est le saut devenu beaucoup plus naturel. C'est peut-être à cause de lui que Vampire Killer ne ressemble plus du tout à un Castlevania: rendez-vous compte, le saut lourd et coincé a finalement disparu ! Ca n'aura pris que huit ans.

Si ces modifications sont globalement positives, elles affectent aussi profondément l'expérience Castlevania. Vampire Killer est le jeu qui transforme l'ancienne formule, effectue la transition vers le nouveau, vers le futur, les Castlevania du Game Boy Advance et de la Nintendo DS. Mais pour que cela ait lieu, l'ancienne formule doit en partie périr. C'est ce qui dérange un peu — au moins le vieux joueur qui connaît la série depuis le premier épisode NES, le jeune lui ne comprendra pas ce qu'il y avait de séduisant dans ces imperfections qui agaçaient même le vieux. Vampire Killer, aussi formidable soit-il, n'est plus tout à fait Castlevania, il se joue comme un jeu d'action ordinaire.

Aux Armes, Citoyens !

Avant de commencer le voyage, il faut choisir son voyageur. En mode facile, l'importance de ce choix est minimisée puisque entre chaque continu on nous renvoie à l'écran de sélection des personnages, mais dans les deux autres modes de difficulté, la sélection est irrévocable et l'on est contraint de s'en tenir à elle jusqu'à la fin. Ce qui fait toute la différence entre John et Eric sont leurs armes. Pourtant, elles ne sont pas si éloignées l'une de l'autre, elles ont la même portée, besoin des mêmes bonus d'extension, elles infligent le même nombre de dommages et vont jusqu'à partager la même frappe rectiligne. Les auteurs ont pris soin de ne pas donner à l'une ou à l'autre d'avantage conséquent. C'est leur matériau qui au fond les départage, le fouet est évidemment flexible et la lance rigide, sculptant le gameplay autour de ces propriétés.

Avec le fouet, le vampire killer puisque tel est son nom, on peut s'accrocher sous des blocs pour se balancer et frapper en diagonale en sautant, mouvements impossibles à réaliser avec la lance. Celle-ci en revanche, permet de frapper en diagonale et à la verticale sans quitter le sol, et l'on s'en sert comme d'une perche pour se projeter perpendiculairement sur des plates-formes. Eric peut en outre effectuer d'élégants moulinets en maintenant le bouton enfoncé et en appuyant sur la direction opposée. On serait tenté de lui concéder un petit avantage. Il est plus facile à prendre en main pour des débutants, ses mouvements étant accomplis dans des situations souvent moins périlleuses. Les deux personnages sont toutefois complémentaires car leur aptitude leur permet d'atteindre des passages inaccessibles à l'autre; le level design tire partie de cette singularité à deux occasions avec des bouts de niveaux "privés" pour chacun d'eux. En d'autres termes, pour voir le jeu dans son intégralité, il faudra le finir avec chacun de ces deux messieurs.

L'armement de Castlevania ce n'est toutefois pas uniquement l'arme que l'on tient, il y a aussi celles que l'on ramasse. Vampire Killer a fait une refonte impressionnante de l'arsenal du vieux Castlevania, au point que ces instruments qu'on avait tendance à négliger sont devenus l'un de ses principaux atouts. Dans le jeu original, ils étaient lents, peu pratiques et piètrement efficaces. Leur nombre est désormais limité à trois: la hache, un boomerang en aile de chauve-souris qui ressemble au batarang et l'eau bénite. Les absents sont la dague et la montre de gousset remplacées par un power-up personnel, une sphère pour John et un embout pour la lance d'Eric, qui transforment le fouet du premier en un jet de foudre et enveloppe la lame du second d'une flamme verte. Mais surtout, chacun de ces items dispose d'une super attaque que l'on active avec le bouton C; dans le cas des power-ups, il s'agit de rafales d'énergie dignes d'un shoot'em up.

Sang Merci

On trépigne d'impatience d'essayer ces belles armes et leurs tout nouveaux pouvoirs sur les vilains monstres européens. Du fait des six niveaux, chiffre modeste, on pourrait craindre que les réjouissances tournent court. Cela n'a heureusement pas lieu grâce à la composition du jeu, où plusieurs scènes sont misent bout à bout pour former de gigantesques stages. Contrairement à la formule du Castlevania classique, le nombre de niveaux a été réduit pour permettre de doubler ou tripler le nombre de scènes; il y en a de sept à onze par niveau, boss inclus, et toutes sont très différentes les unes des autres comme le voulait une tradition des jeux Konami de l'époque.

La raison probable de ce changement vient du réajustement de la difficulté. L'un des reproches souvent fait à Super Castlevania IV était que les continus infinis et les mots de passe rendaient le jeu trop facile, qu'ils étaient excessifs voire superflus. Dans Vampire Killer, les continus sont limités et varient en fonction des trois modes de difficulté (dont l'un ne s'obtient qu'après avoir fini le jeu) alors qu'il n'y a plus que quelques mots de passe par personnage. Le challenge étant particulièrement relevé, l'attribution et la fréquence des mots de passe semblent plus justes. Cependant, Vampire Killer ne perd-il pas à cause de cet envol de la difficulté une certaine aisance qui faisait précisément le charme de Super Castlevania ? Le cas de figure est désormais inversé, on a beaucoup plus de mal à terminer en une traite sans se servir des mots de passe. Signalons aussi une idée saugrenue des versions occidentales: avoir réduit les 4 continus du mode facile à 2, comme en mode normal. Mais comment font-ils pour prendre toujours des décisions aussi bêtes ?

Le premier niveau qui se déroule donc au château de Dracula est, surtout dans sa première moitié, l'hommage quasi-compulsif au Castlevania original de la NES. On retrouve la grande salle aux fenêtres hautes, le passage souterrain avec les hommes-poissons et les escaliers peuplés de squelettes. En revanche, c'est la première fois que la saga de Konami apparaît aussi morbide et sanguinaire. On est accueilli par des corbeaux qui se repaissent de viscères humains, poursuivi par des morts-vivants dont on fend les chairs, éparpillant leurs entrailles au sol; des gouttes de sang tombent du plafond, en levant les yeux on découvre qu'elles s'écoulent du tronc de cadavres mutilés et enchaînés. Tout d'un coup, du charme gothique de Castlevania, on est passé à quelque chose d'infiniment plus sombre, quoique tout aussi réussi dans son genre, à mi-chemin entre Saw et Resident Evil. On dégueule un coup et on continue.

Après avoir battu un boss moins impressionnant que le mini-boss (une bête des enfers mi-écorché, mi-squelette reprise de l'épisode Chi no Rondo), on se retrouve à la recherche de l'Atlantis dans un niveau aquatique arrosé d'architecture grecque, dont une scène rappelle Super Castlevania mais qui fait preuve pour le reste de beaucoup d'inventivité. Quelques jeux de reflet puis l'eau se met à remplir les ruines étagées et à les submerger jusqu'au sommet. Là-haut, on est confronté à un magicien qui contrôle l'élément liquide car sa mort a pour résultat de désemplir les lieux et de faire baisser le niveau d'eau dans la redescente qu'illustrent les scènes suivantes. On grimpe ensuite sur des colonnes ioniques et d'énormes statues de femmes, s'effondrant avec fracas pour créer de nouvelles plates-formes.

Blood Drops on Roses and Wet Scars on Demons

(These are a few of my favorite things !) Le troisième niveau est l'un des plus originaux et il se déroule dans la Tour de Pise. Qui aurait pu croire que la célèbre construction est en fait un refuge des forces du mal ? Ici, chaque scène est si différente l'une de l'autre, y compris visuellement avec des couleurs dominantes, que cela donne au niveau une atmosphère presque surréaliste. Les auteurs jouent habilement avec les inclinaisons, qu'elles soient figées (escaliers, plates-formes, images de fond) ou mobiles, avec dans les deux dernières scènes de gros effets de distorsion, dont une ahurissante ascension sur des plates-formes cascadantes qui empoche le prix de la meilleure scène dans un jeu qui pourtant ne manque pas de candidats. Le niveau culmine, c'est le cas de le dire, au sommet de la tour avec un boss aux assauts frénétiques. Mais c'est surtout l'animation que l'on remarque une fois encore, le toit pivote sur son axe pour donner l'illusion d'un mouvement rotatif et l'on jurerait que c'est fait avec de la 3D polygonale.

Peut-être à cause de cette étape flamboyante, le niveau suivant se digère moins bien. Le fait qu'il se situe dans une usine allemande alors qu'on est en pleine guerre mondiale trahit certaines attentes qui sont déçues par le contenu. C'est un environnement typique d'usine avec ses tapis roulants, ses tuyaux au fond, son grillage et ses tonneaux en métal, comme on en a vu dans Shinobi et d'autres. La meilleure scène est sans doute celle où l'on se faufile entre d'immenses pistons et qui divise le niveau en deux, avec d'un côté l'usine et de l'autre les engrenages, nouvel hommage aux Castlevania classiques. Même le boss est décevant, un assemblage de rouages de forme humanoïde certes très bien animé, au point qu'on pourrait croire une fois encore qu'il y a de la vraie 3D là-dessous, mais qui est laid et ne ressemble à rien. Frankenstein, qui tient le rôle de mini-boss, est une meilleure surprise.

Konami se rachète avec le niveau suivant. Nous l'espérions, nous l'attendions, les vampires et leurs chasseurs font un bref séjour en France ! juste le temps de déranger les morts et de verser quelques litres de sang. Et bien sûr, ils n'ont pas choisi un hôtel miteux d'une impasse parisienne pour se loger, non, en bons aristocrates, ils se sont emparés du palais des rois de France, du château de Versailles. Pour les Japonais, c'est un nom qui évoque un manga, La Rose de Versailles, Lady Oscar chez nous. C'est sans doute pour cela qu'on y affronte des roses empoisonnées dans le parc (ou alors ce sont des fans des Chevaliers du Zodiaque) et que le boss est une femme. Un romantisme un peu cucul, bienvenue dans l'image de la France au Japon ! Heureusement, ce cinquième niveau, c'est surtout l'architecture de Versailles dans toute sa démesure et sa splendeur, les auteurs ayant fidèlement reproduit certains de ses plus fameuses pièces comme la Galerie des Glaces, la Chapelle Royale, le toit avec le cadran de l'horloge et le bassin de Latone devenu un bain de sang pour la joie et l'immortalité des squelettes. C'est dans ce niveau somptueux que le graphisme évidemment a le plus d'occasions de briller.

Castle Proserpina, qui conclut le jeu, est lui aussi un beau morceau, quoique moins dense que le reste en raison des nombreux combats de boss qui ont lieu après les premières scènes. Deux d'entre elles sont tout spécialement remarquées, l'une se joue complètement retourné, avec le plafond pour sol et des sauts qui propulsent vers le bas, tandis que celle d'avant scinde l'image en quatre bandes horizontales qui oscillent dans des directions opposées, une imitation d'illusion optique troublante à gérer. Quant aux boss, c'est l'apogée: la Mort qui joue au tarot avec les anciens boss, une Méduse avec quatre attaques, la Bartley qui envoie des sortilèges au compte à rebours, et puis, finalement, finalement ! de retour de vacances en catastrophe, déboulant avec comme seule excuse une rafale de boules de feu, Dracula, le mort plus mort que mort qui n'en finit pas de mourir et nous offre ici la fantaisie de deux transformations dont celle d'un démon émacié se tordant de douleur.

Au Service du Mal

Ce retour impromptu de Dracula, on a beau dire, c'est quand même le conservatisme qui frappe un dernier coup: oui, c'était bien un Castlevania après tout. Et quel Castlevania ! Ce qui étonne le plus dans ce jeu est la profusion de détails. On se demande au juste combien de temps a été consacré à sa réalisation. On s'attend en tous cas à ce que l'équipe soit large et en effet, si les graphistes ne sont qu'au nombre de quatre, pas moins de cinq programmeurs ont travaillé sur le monstre ! Deux d'entre eux s'occupaient exclusivement des ennemis et cela se comprend, les ennemis ordinaires sont une réussite. Ils ont une variété de mouvements et surprennent par des attaques extravagantes: les squelettes se mettent les doigts dans les orbites, se déboîtent le crâne à grand-peine et vous le balancent comme d'autres jettent leur chaussure à la face des présidents.

Il y aussi les morts-vivants, clairement suivis par des mouches, les minotaures, qui arrachent des colonnes, le Golem, dont la pierre s'effrite au frottement de ses articulations, les momies, qui se délient le bandeau de la tête et vous fouettent avec, les corbeaux, déchiquetés en plein vol et qui continuent de s'agiter au sol, vision dérangeante. Certains ennemis produisent même des animations spéciales, les zombis éclatent plus qu'à l'accoutumée, un coup précis peut décapiter dans une giclée de sang les harpies qui continueront cependant d'attaquer. L'effort qui a été dépensé dans les ennemis est vraiment éblouissant, il n'a d'égale que la variété qui a été mise dans les niveaux. Encore une anecdote pour terminer sur ce sujet. A la fin du générique japonais, on peut voir la mention surprenante "copyright by Tokumashoten". Explications. Tokumashoten est une maison d'édition japonaise qui publiait notamment un magazine intitulé Megadrive Fan. Ils avaient organisé un concours où ils invitaient les lecteurs à créer deux ennemis qui seraient ensuite intégrés au jeu, les gagnants furent les scarabées volants-roulants et la silhouette à deux visages, aux niveaux 4 et 5 respectivement.

Quoiqu'il en soit, toutes ces qualités ne veulent pas dire que Vampire Killer est irréprochable. On a déjà parlé du quatrième niveau, de la difficulté très élevée qui le marginalise, de la diminution de l'identité gothique de Castlevania. Il y aurait aussi à ajouter à cela les bruitages. Si les musiques sont très bonnes — sans toutefois être exceptionnelles compte tenu de la série à laquelle nous avons affaire — elles semblent avoir pris le pas sur les effets sonores, certains ayant des résonances assez curieuses, trop synthétiques, comme les oiseaux ou les boss vaincus, cacophonie ressemblant à la chute d'une batterie de cuisine. Konami a accompli toutes sortes de prodiges avec la Mega Drive pour ce jeu, mais le son n'est pas un terrain qu'ils seront parvenus à conquérir entièrement.

La jouabilité aussi a ses défauts, on possède moins de marge de manoeuvre avec le fouet qu'on en a eu dans l'épisode Super Nintendo, et c'est une régression qui ne se fait pas sans casse. Se balancer par exemple n'est ni simple, ni pratique, et on est peu désireux de s'y essayer, ce que les designers ont heureusement compris en concevant leurs niveaux. Puisque l'on est à parler de la rivale, on remarque aussi que quelques-uns de ses boss sont resservis ici. Le chevalier en armure de la bibliothèque sert de premier boss, alors que le second est le Golem qui veillait dans la tour avant le château, il y a aussi une gargouille dans les deux cas, et l'inséparable Mort. Ce qui est inattendu est que, à part peut-être la gargouille, ces boss sont inférieurs aux originaux. L'armure s'agite comme un pantin, le Golem est un bizarre empilement de rondelles de rochers et la Mort, une fois ses cartes délaissées, n'est qu'une pâle copie de ses prédécesseurs. Cela démontre des vunérabilités esthétiques, ressenties aussi dans l'ennemi commun, tels que les guerriers.

Nouvelle Génération, Même Combat

Par instants, du fait de certains choix de game design et de la propension aux effets visuels, on a l'impression que Vampire Killer est une réponse au Super Castlevania IV de la Super Nintendo, quelque défi interne à relever, quelque exploit à surpasser. Une chose est sûre, le jeu a la maturité de la console pour lui. On a du mal à reconnaître la Mega Drive d'Altered Beast, d'Alex Kidd, de Batman, tant elle a été poussée loin et au-delà de ce dont elle disposait au commencement. Vampire Killer est un titre de la même carrure que Shinobi III, la génération finale de jeux de la console. C'est aussi une nouvelle génération de jeux d'action, plus farouche et violente, sans retenue, qui se détache de son héritage pour donner naissance au sien propre. Castlevania s'est enduit du style Contra comme Siegfried s'était enduit du sang du dragon.

Si l'on devait jouer au jeu des comparaisons, malgré son gameplay empesé et ses possibilités restreintes, notre préférence irait tout de même — la note globale le confirme — à Super Castlevania, expérience au fond plus homogène et presque plus pure dans la forme; il y a une beauté poétique qui fait défaut au volet Sega. Super Castlevania, c'est Castlevania tel que le vétéran le connaît. Pour revenir au jeu qui nous intéresse et terminer enfin ce long article à la démesure du travail de Konami, il faut bien dire que Vampire Killer est l'un des chefs-d'oeuvre de la Mega Drive, des barrières techniques qui ne cessent de tomber, une richesse de jouabilité qui rend les parties hautement divertissantes, une débauche de graphismes grandioses et de couleurs éclatantes, de détails infimes et de situations monumentales, un goût prononcé pour le macabre. Vampire Killer ne fait pas que tuer les vampires, il tue tout court. Le joueur peut reposer en paix.

A Propos de la Version Européenne

Un dernier paragraphe détachable et jetable juste pour rappeler que ce test couvrant avant tout la version japonaise, la note ne reflète pas celle de l'européenne. Tous les retraits effectués, le sang et la chair qui ont été effacés, enlèvent quelque chose au jeu; ils déforment ses ambitions et le dénaturent comme un film d'horreur censuré. De même, soustraire deux continus au mode facile, c'est ajouter une difficulté dont le jeu n'avait pas besoin. A cause de cela, la note globale pour la version européenne sera révisée à 93%.

le 11 septembre 2009
par sanjuro



Jeu testé en versions japonaise et européenne
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Version européenne



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ATTENTION
Toutes les photos d'écran de ce test proviennent de la version japonaise, plusieurs passages ayant été censurés graphiquement dans la version européenne.

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