Un grand vilain venu du fin fond de la galaxie veut asservir l'humanité, et il est déjà à pied d'oeuvre. Depuis sa base d'opérations sur la Troisième Lune, il dirige sur Terre ses troupes de métal à l'intelligence superficielle, sous l'emblème de son empire, l'étoile rouge à jambe cassée. Notre seul espoir se trouve cette fois-ci dans une petite île des Mers du Sud où s'entraînent des hommes aux talents guerriers exceptionnels. Le plus jeune d'entre les meilleurs est désigné pour être celui qui sauvera la planète. Il est envoyé en Union Soviétique, au Kazakstan, avec pour seul compagnon son épée Falchion, dans le but d'enrayer l'invasion au parfum néo-communiste menée par le Grand Maître Meio.

Strider sur Megadrive est une conversion fidèle du jeu d'arcade de Capcom par Sega. C'est le premier jeu de 8 méga sur une console et c'est, à l'époque et encore aujourd'hui sur certains aspects, une rélisation impressionnante pour la Megadrive. Les sprites sont grands, l'action intense, l'animation riche et les graphismes sont beaux; pas encore au sommet de leur art tel qu'on connaît Capcom aujourd'hui, ils ont cependant déjà compris qu'une 16-bit pouvait accueillir des environnements variés, géants et superbes dont la seule véritable limite est le talent des artistes.

Du ninja, Strider Hiryu a la souplesse et la vélocité des attaques. Un saut avec A le fait tournoyer acrobatiquement et une attaque avec B lui permet de porter un coup de sabre en un éclair, sans que l'arme semble avoir été tirée de son fourreau. Ses chaussures sont équipées de lames qui peuvent à l'occasion se révéler utiles. Il peut aussi facilement s'accrocher aux parois à l'aide d'un piolet (ou "kama" ?). Seulement, ce n'est pas un ninja mais un Strider, d'où son visage à découvert et la technologie qui l'accompagne et qui préfigure Megaman X.

En récupérant des containers dans les niveaux, on reçoit l'aide de robots qui attaquent l'ennemi avec plus ou moins d'efficacité. Ils ne sont pas sans rappeler les robots de Megaman X comme la panthère de Sigma. Le style graphique est très différent bien sûr du robot bleu, il est plus sérieux et réaliste, mais il y a tout de même des ressemblances dans l'aspect bio-mécanique et même dans le déroulement de l'action comme dans le troisième niveau, la forteresse volante. Magician Lord est un autre jeu sur lequel Strider semble avoir déteint, les groupes d'ennemis, la difficulté et le rythme y font parfois penser.

Avec quelques continus et jusqu'à 5 vies si vous faites les réglages appropriés dans le menu d'options, Strider est un jeu très dur, même en mode facile. Les situations dans lesquelles le personnage évolue sont vraiment tendues: il faut aller vite parce qu'il y a un compte à rebours très court, les ennemis sont toujours très nombreux quand ils sont faibles et ne cessent d'arriver, on n'a que trois carrés de vie au départ, on tombe facilement et il y a des passages stressants. A partir du second ou troisième niveau les faux pas sont fréquents.

Le test de collision n'est pas très bon, en ce sens qu'un carré de vie se perd trop facilement, et la maniabilité, si on se régale de frapper vite et loin, de faire de superbes pirouettes et de s'accrocher n'importe où, a aussi ses défauts. On ne peut guère contrôler ses mouvements dans les airs, ce qui provoque bien quelques mauvaises chutes, et le fait de pouvoir s'accrocher partout peut parfois devenir un inconvénient quand ce n'est pas dans vos plans. La difficulté des boss varie, s'il y a bien des techniques pour les battre, la meilleure reste encore d'appuyer comme un fou sur le bouton d'attaque.

Une bizarrerie de Strider est son accompagnement sonore. On a toujours l'impression qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Les bruitages sont assez mal choisis, la glissade par exemple donne l'impression d'une théière qui siffle, mais surtout ils semblent être trop peu nombreux. Côté musique, on se sent un peu comme devant un film muet avec une composition jouée pendant la projection. Ca ne colle pas. Mais en même temps la musique n'est pas mauvaise, primaire, étrange, elle donne un côté surréaliste au jeu, rien à voir avec ce qu'on entend d'ordinaire, c'est une expérience assez originale. En plus, elle est dynamique et change brusquement avec certains évènements du jeu.

La qualité de Strider qui lui vaut sans doute aujourd'hui d'être un jeu culte pour beaucoup est dans sa variété et son originalité. Les paysages se répètent peu dans un même niveau, il y a pas mal d'idées surtout chez les ennemis avec des boss et mini-boss qui sont restés dans les mémoires comme Uroboros, la chenille du Kremlin qui manie le marteau et la faucille, le robot gorille géant, le satellite que l'on affronte dans une immense salle en gravitant autour de lui et d'autres. Des scènes comme la fuite à flanc de montagne en Sibérie ou la marche à dos de dinosaures demeurent aussi des classiques.

Si en son temps Strider était d'abord une impressionnante réussite technique (des sprites géants, des digits vocales, en veux-tu en voilà !), il conserve encore beaucoup de son charme. Il était l'avant-garde des grands jeux d'action 16-bit, avec toutefois quelques défauts d'un genre encore jeune: une difficulté beaucoup trop arcade, une réalisation imparfaite comme en témoigne la musique et certains pans de décor, la maniabilité pas assez fluide et une certaine brièveté. Mais cela participe à lui donner un charme particulier. La Megadrive au début n'avait pas été gratifiée de beaucoup de titres alléchants, Strider fut l'une des exceptions.