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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


Pour nettoyer la ville de la corruption, essuie les coups et balaie la vermine avec tes mains.

Streets of Rage

Streets of Rage

ベア・ナックル 怒りの鉄拳 (Bare Knuckle - Ikari no Tekken, trad: "Articulation à Vif - La Fureur
des Poings de Fer"
)
 

 Mega Drive

Développeur:
Sega

Editeur:
Sega
Genre:
Beat'em up

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
02.08.1991 Japon
1991 USA
11.1991 Europe
bonne Difficulté:

87%Graphismes
88%Animation
86%Son
95%Jouabilité
90%Durée de vie

91%91%
Trucs et astuces

Choix du niveau / vies

Maintenez enfoncés A, B, C et Droite sur la seconde manette et entrez dans l'écran des Options en appuyant sur la première manette.

Les années 80 sont terminées. Des genres variés se sont succédés, plusieurs se sont imposés ne serait-ce que par la force du nombre. On parle beaucoup de jeux d'action, de plates-formes et de shoot'em ups, mais également d'un genre assez récent, intriguant car peu représenté, les beat'em ups. Dans cette catégorie, il y aura eu sur consoles un grand vainqueur emportant haut la main l'avantage sur la concurrence, la trilogie des Double Dragon de la NES. Succès considérable, elle aura facilement éclipsé Kung Fu et sa suite Vigilante, les vénérables ancêtres d'Irem quelque peu désarmés face au style dynamique et novateur du jeu de Technos.

Avec la nouvelle décennie qui s'amorce, les capacités des hardwares qui flambent, les beat'em ups vont connaître un essor et un tournant. Plus question cette fois-ci d'essuyer les plâtres, de nombreux éditeurs de renom lancent sur le marché de nouveaux beat'em ups, bien décidés à ne pas laisser une seconde fois la part du lion à Double Dragon. Capcom donne le ton avec Final Fight et affirme d'entrée, grâce notamment à des sprites larges et réalistes, un style propre. Ayant toujours eu un faible pour le jeu d'action pur et dur, Sega n'est pas loin derrière. Deux ans après Final Fight, les voilà qui présentent à leur tour un beat'em up urbain. Contre toute attente, plutôt que de réaliser un jeu d'arcade qui serait ensuite porter sur console, méthode qui jusqu'ici avait été à l'origine de tous les grands noms du genre, c'est un jeu taillé spécifiquement pour leur Mega Drive qui voit le jour, Streets of Rage. Sega a la rage de vaincre et ils le font savoir.

L'influence de Final Fight y est évidemment ressentie. Dans une ville gangrénée par le crime, trois policiers fraîchement démissionnaires décident de prendre les choses en main et de s'attaquer à la corruption qui touche tous les niveaux de la société, y compris leur administration. Et comme il n'y a qu'une seule façon vraiment efficace d'y parvenir, ils descendent dans la rue casser la figure de tout ce qui a une tête hostile, c'est à dire absolument tout le monde. La différence principale entre les deux scénarios est que Sega a laissé tomber le vieux prétexte du kidnapping, il n'y a aucune fille à sauver. Mieux encore, l'élément féminin, Blaze, est en votre compagnie masculine, représentée par Axel et Adam, le blondinet et le black. Un peu de parfum entre ces dessous de bras transpirants ! Ce qui n'empêche pas Blaze d'aimer le bruit des os se cassant sous la chair, surtout quand c'est elle qui les brise.

Bien que le graphisme soit dans la même veine que dans le jeu de Capcom, une approche réaliste à mi-chemin entre le comics et le manga, entre le style américain et japonais, le résultat final est singulièrement différent. Les personnages de Sega ont des proportions plus humaines et du coup moins ridicules que les cages thoraciques larges comme des coffres des brutes de Final Fight. La résolution panoramique de la Mega Drive, associée à ces sprites menus, bien proportionnés, offre une plus grande liberté de mouvements que dans d'autres beat'em ups où l'on se sent toujours trop à l'étroit, toujours trop près d'un bord ou l'autre de l'écran où les ennemis attendent en embuscade. Ici, le champ de combat est suffisamment large pour trouver des points morts où se donner un moment pour calmer le jeu.

Sega profite pourtant de tout cet espace pour y déverser quantité d'ennemis. Si l'on avance plus vite qu'on ne les bat, on se retrouve submergé par les voyous comme une rame de métro un samedi soir. L'écran peut ainsi contenir pas moins d'une dizaine de personnages, en plus des deux joueurs et des quelques objets qui apparaissent occasionnellement. On note alors de brefs ralentissements et clignotements, les seuls du jeu, mais les capacités de la Mega Drive en sortent surtout grandies. On n'avait eu peu d'occasions jusqu'ici de voir la console à l'aise avec un si grand nombre de sprites. Peut-être un contrecoup de cette prouesse est la linéarité des environnements, qui apparaît vite comme le grand défaut du jeu.

Si le décor de fond change quelque peu dans un même niveau, la plupart ne contiennent aucune surprise, aucune variation, ce sont juste des bandes de terrain droites comme des avenues. Même le quatrième niveau, un pont criblé de gouffres, et le sixième, une usine avec son lot de tapis roulants et de presses hydrauliques "terminatoresques", n'apportent que de minces distractions pendant l'inéluctable marche vers l'est. C'est un point de divergence important avec les Double Dragon et surtout avec le second volet, qui était lui habilement découpé en saynètes originales et très différentes les unes des autres. On montait des échelles, on se battait à l'intérieur d'un hélicoptère, on explorait les salles d'une base secrète. Dans Streets of Rage, même lorsqu'on est à bord d'un bateau il ne s'agit que d'un niveau standard. Au niveau 7, il y a bien une scène en ascenseur, futur classique, mais est-ce la toute première scène de ce genre dans un beat'em up ? Sans doute pas.

Tout cela cependant est relégué au second plan par la qualité de l'action. Les commandes sont très simples, on frappe avec B, on saute avec C. A permet lui d'appeler à la rescousse un collègue policier qui vient "discrètement" vous filer un coup de pouce, tirant de loin avec une arme lourde qui anéantie tous les ennemis à l'écran. Oui, "discret". C'est l'équivalent de la méga-bombe dans les shoot'em ups et l'idée sera répétée chez d'autres. Quelques années plus tard, certains beat'em ups essayeront d'utiliser les combinaisons de boutons des jeux de combat, ajoutant un degré de complexité pas toujours bienvenu. Dans Streets of Rage, on en est encore à la formule simple, celle de Double Dragon, où les coups supplémentaires, élégants et violents, sont produits en attrapant l'adversaire. Projection par dessus l'épaule comme au judo, coup de boule quand le judo manque, les coups sont faciles et rapides à sortir, y compris le bon vieux coup de poing.

Mais Sega innove aussi ! Ils ont l'idée, dans le mode deux joueurs, de créer des prises qui nécessitent la coopération des deux personnages. On s'attrape, on se caresse, et... non ! Pas de caresses — ou juste pour Blaze. On s'attrape virilement et le camarade sert d'appui pour frapper ou s'élancer. Et puis si vous trouvez quand même que le copain à l'écran vous tient d'une façon qui porte atteinte à votre masculinité, vous pouvez toujours lui envoyer un coup poing dans la tête ou l'écraser avec un suplex. On peut se frapper entre alliés et, volontairement ou non, c'est toujours un moyen de rire un bon coup. "Je te jure que je visais le type derrière toi ! Oui, la seconde fois aussi." On peut aussi ramasser des armes et Sega a l'ingéniosité d'en proposer régulièrement parmi un choix assez vaste: couteaux, tuyaux, bouteilles, sabres, spray au poivre, battes de baseball... de quoi varier les plaisirs.

Yuzo Koshiro est un homme chanceux. De toutes les personnes ayant travaillé sur ce jeu, il est la seule dont le nom figure à l'écran de titre. Ca lui était arrivé aussi pour The Revenge of Shinobi. Bref, c'était en voie de devenir une habitude et pourtant monsieur Koshiro n'est ni le président de Sega, ni l'inventeur du jeu, il est tout juste le compositeur. On ne peut même pas dire qu'il soit immensément connu, mais avoir travaillé sur les deux premiers Ys qui, au Japon, jouissent d'un culte immodéré, lui conférait apparemment une sorte de supériorité hiérarchique sur ses collègues. Autant dire qu'il avait intérêt à assurer. Si la musique de Streets of Rage a ses moments, on ne peut pas dire qu'elle soit fantastique et on pourrait globalement la diviser en deux groupes de taille égale: les morceaux qui font battre la mesure du pied et ceux qui laissent insensibles. Elle a toutefois une particularité qui pourrait justifier que son auteur bénéficie d'un traitement de faveur, elle ressemble moins à de la musique de jeux vidéo qu'à de la techno ou de la trance. Un son distinctif qui finalement lui donne un petit avantage sur les autres beat'em ups.

Au graphiste qui se demande pourquoi son nom à lui n'apparaît pas en bonne place, une raison qu'on pourrait lui donner est que ce n'était pas une bonne idée de ne proposer que cinq ennemis (le quidam, le punk, le katareka, la garce et le clown) avec des variantes de couleur pendant toute la durée du jeu. Mais en même temps on s'en fiche un peu, tout ce qui compte c'est de frapper sur quelqu'un, alors le problème vient peut-être que son nom ne finit pas en -koshiro. Désolé vieux ! En vérité, Streets of Rage est suffisamment bon pour ne pas avoir à blâmer qui que ce soit. Sega ne s'est même pas trompé sur la difficulté avec quatre modes — facile, normal et deux difficiles — dont on voit clairement l'effet sur la barre de vie. Une adaptation d'arcade n'aurait certainement pas donné lieu à un aussi bon équilibre. Pour ne rien gâcher, le jeu dispose d'une confortable durée de vie, autant pour arriver à la fin que pour souhaiter y rejouer.

On pourrait lui reprocher d'être trop conventionnel, mais ce serait là une erreur parce que c'est justement ce qui fait la réussite du jeu et lui procure une bonne partie de son charme. Streets of Rage semble suivre les règles du beat'em up presque à la lettre, mais le genre, qui fut tout au long de sa carrière beaucoup moins prolifique que les shoot'em ups, en était encore, en ce temps-là, à chercher ses modèles et à établir sa codification. Streets of Rage ne fait que confirmer cette dernière et sa capacité à susciter du plaisir. Car même si le caractère répétitif est aussi indéniable que la fadeur du level design (l'idée maîtresse de celui-ci est d'aller droit devant soi), la réalisation est si soignée et la jouabilité si précise que les combats s'enchaînent sans jamais perdre leur qualité divertissante. Et c'est à ça que l'on mesure un bon beat'em up, parfois aussi un bon jeu, quand les auteurs sont capables de vous faire exécuter la même action un nombre incalculable de fois sans que vous vous en lassiez.

le 26 septembre 2008
par sanjuro



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