Peter Parker, on le connaît par coeur ! Avec toutes ces bandes dessinées, tous ces films et ces dessins animés, Peter Parker alias Spider-Man, dit l'Araignée en Franche-Comté, n'a plus de secret pour nous. On sait donc qu'après avoir été mordu par une araignée, il a été mordu par une autre sorte de créature qu'il est devenu à son tour: un homme d'affaires. Prenez sa carrière jeux vidéo par exemple, qui bat désormais son plein avec un jeu pour accompagner chaque film, ca ne date pas d'hier. L'une de ses premières apparitions, peu après un mémorable Sinister Six sur Game Boy, fut sur Megadrive. Et notre acrobate costumé avait déjà bien le sens du commerce: développement par Sega même, graphismes travaillés, packaging séduisant, conversion Master System. Il avait pensé à tout, même à en faire un jeu un peu bâclé pour en accroître la rentabilité. Spider-Man, moins un super héros et un journaliste qu'un impitoyable Business-Man !

Bien évidemment, le fait que Spider-Man était développé par la branche américaine de Sega lui conférait un avantage immédiat: une exclusivité. Avec quelques autres tels que Rambo III ou Moonwalker, dont nous vous avons récemment parlé, Sega se procurait les droits de grands noms, qu'ils développaient eux-mêmes en jeux, un moyen comme un autre de concurrencer les personnages à succès de Nintendo. Quant à la qualité des résultats, eh bien, elle comptait rarement des chefs-d'oeuvre mais surtout des titres, à l'image de ce Spider-Man, avec du bon et du moins bon.

Commençons par le premier. Le meilleur compliment que l'on puisse faire à Spider-Man sur Megadrive est de dire qu'il est l'un des jeux les plus fidèles à l'univers de ce super héros jamais créés. Il accomplit cela grâce à de nombreuses petites touches d'imagination qui consistent à traduire des éléments familiers de l'univers de Spidey en gameplay. Un exemple évident sont les photographies. En allant dans le menu de sélection avec Start, vous pouvez choisir un appareil photo au lieu de votre toile, la sélection par défaut. Dans un niveau, vous pouvez prendre trois photos, et en fonction des sujets que vous photographiez, vous recevez plus ou moins d'argent. Comme dans la bande dessinée, où Peter Parker, sous couvert de son identité de Spider-Man, en profite pour prendre quelques beaux clichés. Quant à l'argent, il vous permet de recharger votre fluide pour fabriquer de la toile d'araignée, là aussi de façon très fidèle à l'original.

Non seulement c'est adroit de la part des concepteurs, mais c'est aussi une idée novatrice; en ce temps, le principe de la photographie dans les jeux ne nous avait pas encore submergé comme c'est le cas depuis quelques années, au point de devenir tout sauf original. L'histoire même de Spider-Man reprend des intrigues typiques de l'homme araignée. On y affronte l'un de ses plus grands ennemis, le Caïd, qui, bizarrement, ni en film, ni en jeu, n'a fait d'apparition depuis. Le Caïd, un énorme dandy chauve et brutal, a placé une bombe dans New York dont les 5 clefs sont gardées séparément par des super vilains bien connus de Spider-Man: Dr. Octopus, le Lézard, Electro, Sandman et le Super Bouffon, avec également Venom pour leur prêter main forte. On est réellement sur un terrain connu avec pour ainsi dire tous les ennemis héréditaires de Spidey, il ne manque plus que la Chatte Noire ou le Vautour.

Même les lieux sont habilement choisis, on survole les gratte-ciel de Manhattan (certes bien rétrécis), avec des arrêts dans un entrepôt désaffecté plus visité qu'un zoo un week-end, dans les égouts, dans une centrale électrique et dans Central Park. Seul le dernier niveau, les cavernes, fait plus jeu vidéo que comics, mais son design futuriste, façon repaire secret des méchants rattrape cette faute de goût. Bien entendu, ce qui rend Spider-Man si intéressant en jeu vidéo est de pouvoir profiter de toutes ses aptitudes de super héros; ici aussi on est encore dans le domaine de la qualité, même si l'on va commencer à effleurer certains problèmes. Comme nos amis arachnides, le sprite de Spider-Man peut se déplacer sur toutes les parois, mur comme plafond. Il peut aussi tisser sa toile, pour principalement deux activités: se défendre et se balancer. Se balancer grâce à des lianes de toile qu'on tisse soi-même avec A est très bien fait, c'est tout bonnement ce qu'il y a de mieux fait dans le gameplay: simple, précis et amusant.

La défense, c'est déjà un peu moins le pied. Spider-Man tire des boules de toile qui enveloppent ses ennemis quand ils sont battus, ou peut se protéger avec un bouclier fait de toile. Comme dans le comic book, mais moins brillant en terme de gameplay que les déplacements dans les airs. C'est tout ce qu'on peut faire avec sa toile, ce qui est trop limité par rapport à toutes les méthodes qu'emploie Spider-Man dans ses aventures. On a presque fait le tour de toutes les bonnes idées du jeu, mais il faut aussi mentionner le spider-sens, son sixième sens, plus graphique que réellement utile, et la photo de Mary Jane qui permet de retourner chez Peter Parker pour recharger entièrement son énergie. Cela peut s'avérer en effet bien utile selon lequel des 4 modes de difficulté vous avez choisi, sachant que vous ne serez pas soigné d'un niveau à l'autre et que le jeu se déroule durant un compte à rebours de 24h, où le temps y est accéléré.

Dernier point de satisfaction, les graphismes des personnages. Le sprite de Spider-Man reprend de nombreuses attitudes des dessins de la bande-dessinée, parfois ne serait-ce que des détails, mais ce genre de détails qui font se pâmer les fans, l'inclinaison par exemple de la tête de notre héros quand il se fait battre, qui nous renvoie à plein de couvertures et premières pages de bouquins Marvel avec Spidey en danger, ou encore Spider-Man qui réfléchit, qui s'élance, qui s'accroupit. C'est vraiment lui, tout comme ses ennemis. Quel plaisir de retrouver tous ces super vilains plus grands que natures ! Un super bouffon qui en jette et non ce bouffon vert de cinéma qui mérite lui bien son nom. Et les programmeurs aussi on fait du bon boulot comme vous pouvez le voir sur cette photo, qui réunit quatre super vilains sur le même écran quasiment sans ralentissement ! N'oublions pas les quelques vignettes des scènes de dialogue, la plupart d'assez bonnes reproductions de celles sur papier.

Ce serait bien si le test s'arrêtait là, on tiendrait un super jeu. Hélas, il faut maintenant chausser ses bottes de caoutchouc pour pénétrer dans le marais aux défauts. Et pour cela, il faut revenir sur certaines des qualités, nommément la maniabilité et les graphismes. Si se balancer est impeccable, il faut bien l'avouer, ce n'est pas le cas du reste. Par moments le jeu se révèle incroyablement mal programmé: lorsque vous vous tenez près d'un mur, vous ne pouvez pas frapper ! Bizarre, non ? Se battre n'est pas non plus très agréable, les ennemis sont élevés aux stéroïdes et bougent ou attaquent d'une manière frénétique qui les rend dur à atteindre. Passer du mur au plafond peut également se révéler difficile. Bref, les raisons de se plaindre du gameplay ne manquent pas. Même chose pour les graphismes, on a vu leurs qualités, quant aux défauts, c'est tout simplement le reste, c'est à dire les décors. Souvent ils préfigurent le médiocre Incredible Hulk, l'autre super héros de la Megadrive, avec un style très insipide, voire pire, tel que l'appartement de Peter qui ressemble à un dessin amateur fait sous Paint. Les personnages sans super pouvoirs sont eux moins soignés que leurs collègues super héroïques.

Quand à ce que nous n'avons pas encore abordé, vous n'auriez pas tort d'y suspecter là aussi de mauvais résultats. La durée de vie du jeu est malheureusement très courte, pas seulement parce qu'il n'y a que 6 niveaux, mais parce que la plupart d'entre eux se bouclent en à peine quelques minutes. Un coup de toile pour se balancer suffit à expédier tout ça en moins de cinq minutes dans le cas des niveaux autre que celui de début et de fin. La difficulté varie, les boss vous poseront le plus de problème, surtout le dernier, vraiment impossible à battre vu tous les facteurs contre vous (temps, continus retirés, et deux game over possibles: le Caïd quasiment intouchable et Mary Jane a protégé). Aucune consolation à attendre non plus des musiques, toutes très mauvaises, de celles qui remettraient en cause vos goûts musicaux de retro-gamer auprès de vos amis.

La première version Megadrive de Spider-Man est donc une demi-réussite, ou un demi-échec, ça dépend des perspectives. La nôtre est tout de même de parler de demi-réussite dans le sens où le principal, pour un fan de Spider-Man, s'y trouve. Si, par contre, tout ce que les araignées vous inspirent, c'est de les écraser avec la paume de la main, c'est sans doute la seconde perspective qui vous convient le mieux. Mais franchement, les gens parfaitement insensibles au charme super naturel des super héros, est-ce que ça existe encore au sein des joueurs ?