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Genesis Développeur: Brian A. Rice, Inc. Editeur: Activision
Genre: Réflexion / Observation Joueurs: 1-2P Dates de sortie
1994 USA
bonne Difficulté:
52%Graphismes 57%Animation 70%Son 83%Jouabilité 92%Durée de vie 80%80%
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Les jeux Shanghai ont de nombreux paradoxes. Leur principe est tout bête, faire des paires, mais arriver à apparier chaque tuile sans se retrouver bloqué est incroyablement difficile. C'est aussi beaucoup plus prenant qu'on l'imagine. On se sert de tuiles de mah-jong, mais en réalité, il s'agit d'un jeu américain. Il a été adapté sur un nombre incalculable de supports, dont toutes les consoles du site hormis la Neo Geo, pourtant, sur les douze versions que nous pourrions tester, une seule est sortie en Europe: c'était la version Master System, déjà vue sur 1UP en 2004 (vous pourrez y lire les règles si vous ne les connaissez pas). Ce Shanghai II - Dragon's Eye a lui aussi son paradoxe. Même s'il vient du monde des ordinateurs, sur consoles Sega, il est techniquement la suite de la version Master System. Les deux jeux ont été édités par Activision, propriétaire de la marque Shanghai, et ont été publiés aux Etats-Unis. La différence étant que Shanghai II n'est sorti qu'aux Etats-Unis, sur Genesis (le nom de la Mega Drive là-bas). Mais voilà le paradoxe: au Japon, trois ans plus tôt, un jeu Shanghai avait déjà vu le jour sur Mega Drive sous le titre Dragon's Eye - Shanghai 3 (parfois aussi appelé Dragon's Eye Plus) ! Tout à fait légal, ce Shanghai 3 avait été développé par Home Data avec l'approbation de Mediagenic (un nom d'emprunt pour Activision). Alors pourquoi ne pas avoir adapté celui-là pour le marché US plutôt que de faire un tout nouveau jeu ? En 1994, Activision trouve apparemment que ce Shanghai 3 japonais est dépassé. Voici ce qu'en dit un de leurs producteurs d'alors, Tom Sloper, dans une interview pour le site GDRI: "Leur jeu puait. Les graphismes étaient moches et ils n'avaient ajouté aucune caractéristique intéressante. Bill Swartz le détestait et ne voulait pas le publier sous notre propre label." Ils font donc appel à un développeur indépendant de Chicago, Brian A. Rice Inc (c'est le nom de sa compagnie ! pas très imaginatif le gars ou un peu mégalo), qui avait déjà adapté Shanghai II sur IBM PC et doit maintenant faire la même chose sur Genesis. La version d'Home Data n'était pas en réalité si mauvaise que ces messieurs voudraient nous le faire croire. Et c'est là encore un autre paradoxe de Shanghai: pour un jeu de 1994 censé en remplacer un autre de 1991 jugé trop laid, Shanghai II ne va pas s'en tirer à si bon compte. Power on. Sans Peur mais avec ReprochesLa première observation que l'on peut faire dès l'écran titre, et qui va être confirmée par la suite, est que le jeu se sert de son propre design. A ma connaissance, il ne correspond à aucune version sur ordinateur. Dans la présente scène, on peut voir l'animation d'un chevalier mal fagoté, qui résiste avec son bouclier au feu d'un dragon-salamandre musculeux sur fond de soleil couchant dans les montagnes. On voit bien que les graphistes ont essayé de donner à la chose un côté asiatique, mais c'est de l'Asie par des Américains, non documentée, basée sur des à-peu-près et du n'importe-quoi. Et le fait est que le dessin est assez laid et très amateur. Cette scène est importante cependant, car on y revient à chaque fois que l'on termine le mode Dragon's Eye, l'une des grandes nouveautés de cette suite. Mais ce qu'il faut noter surtout, c'est que cette idée d'un chevalier qui affronte un dragon n'est pas venue toute seule à Rice et Activision, ils l'ont prise ailleurs. Et devinez où ? Dans ce vilain, cet affreux Shanghai 3 bien sûr, qu'ils dénigrent avec tant de véhémence. Le duel du chevalier contre le dragon était le thème central du jeu; on le retrouvait jusque sur la boîte avec une très belle illustration. Bébé GribouilleMais revenons à Shanghai II et aux honnêtes gens d'Activision. Le premier jeu souffrait d'une sérieuse limitation: le modèle était toujours le même, des tuiles de mah-jong empilées dans la figure dite de la tortue, une pyramide avec six branches horizontales à sa base. Avec sa suite, Activision décide d'apporter de la diversité. Non seulement les tuiles peuvent s'arranger de treize manières différentes, d'après les animaux du zodiaque chinois, mais on peut désormais choisir de nouveaux motifs parmi neuf thèmes, qui sont: les drapeaux, l'alphabet, l'heroic fantasy, la préhistoire, les animaux, le sport, les cartes à jouer, les paires d'objets et d'anatomie. Et puis, les développeurs ont fait un gros effort par rapport à ce qu'on avait vu sur ordinateurs, où toutes les parties se déroulaient sur un fond uni. Ici, chaque jeu de tuiles a son propre décor de fond, modérément animé, avec parfois un bout de scénette à la fin si l'on parvient à terminer sans expédient. Les jouets de la chambre d'enfant prennent vie, l'archer dans le stade tire une flèche pour allumer la flamme olympique (un hommage aux JO de Barcelone de 1992, alors tout récents). L'effort est louable et c'est un atout pour la Mega Drive vis-à-vis des autres versions consoles, y compris sur Super Famicom. Mais voilà, il faut bien le dire, d'un point de vue graphique, le résultat est loin d'être mirobolant. L'impression est la même qu'avec l'écran titre: "assez laid et très amateur". Les décors oscillent entre insipides et infectes, avec des proportions erronées et des couleurs terriblement ternes, qui font penser à des gribouillages sous MS Paint. Il faut voir la Terre vue de l'espace avec ses huit malheureuses couleurs ! Cette version de Shanghai II date quand même de 1994, deux ans avant la fin de la Mega Drive, alors que sortent des bombes graphiques comme Castlevania, Thor, Dynamite Headdy et j'en passe. Ces cancres d'Activision nous ont pondu un jeu qui est esthétiquement du niveau des titres d'Electronic Arts de 1990. Eux qui rejetaient Shanghai 3 pour son graphisme ! L'ironie est mordante et c'est dans le derrière de l'hypocrisie qu'elle enfonce ses dents. La Grosse TuileLeur jeu est plutôt tarte, c'est une chose, mais il est aussi affligé d'une animation déplorable ! Lorsque certaines tuiles disparaissent, leur dessin s'anime avec un petit effet visuel et sonore propre à chacune. C'est bien vu, cela a demandé sans doute beaucoup d'efforts une fois encore vu leur nombre, et l'on a même l'option de le désactiver si on le souhaite. On risque de le vouloir, car lorsque l'animation a lieu, elle se fait sans fluidité et entraîne des ralentissements qui affectent les commandes, le curseur avançant par saccades jusqu'à ce que le malaise soit passé. On entendrait presque la Mega Drive hurler: "Argh ! Arrêtez, c'est trop !" Clairement, c'est de la mauvaise programmation, elle qui a géré des jeux beaucoup plus complexes. L'apparition des tuiles, qui a lieu à chaque fois qu'on change la moindre chose dans les menus, n'est pas non plus un modèle de rapidité: elle est accompagnée d'un temps de chargement, comme sur CD ou ordinateur. Ces menus noir et blanc ressemblent en fait à ceux d'un Mac, ce qui démontre bien les choix esthétiques inappropriés des auteurs. Plus que les fanfreluches jetées ici et là, ce qui importe dans le graphisme de Shanghai est la lisibilité des tuiles. On a les yeux rivés sur elles pendant toute la partie, alors mieux vaut qu'elles soient non seulement agréables à regarder mais faciles à distinguer. Certaines le sont (Mah-jongg, Fantasy World, Prehistoric, Pairs), d'autres un peu moins à cause des couleurs ou des motifs (Alphabet, Animals, Sports) et il y en a deux enfin qu'on évite (Flags, Cards). Toutes au moins sont bien larges, un avantage sur Shanghai 3, mais le décor trop chargé parfois dérange. Avec les motifs change aussi la répartition des huit tuiles mixtes (2x4, 2x2x2x2, ou aucune !). Heureusement, un menu d'aide bien fait présente chaque tuile avec le nom de ce qui y est dessiné. L'Oeil du DragonLe sous-titre de Shanghai II, Dragon's Eye, fait référence à un nouveau mode de jeu éponyme. Son fonctionnement est assez déroutant au début, car s'il s'agit toujours de faire des paires, on se retrouve désormais sur un plateau de jeu réduit et limité par des cases, contre un adversaire. L'un des joueurs est le Master et l'autre le Slayer, le pourfendeur (d'après "dragon slayer", pourfendeur de dragons). L'ordinateur peut tenir n'importe lequel des deux rôles. Le but du Slayer est de libérer la partie centrale du plateau, le but du Master de le remplir avec 42 tuiles (34 en bas, 8 par dessus, au centre). Des scores les départagent. Le Master tient toujours trois tuiles, le Slayer six. Pour valider son tour, il faut impérativement en déposer une sur le plateau. Tant que le Slayer arrive à faire des paires, il peut continuer à tirer des tuiles en plus de façon à en avoir toujours cinq en mains. Quant au Master, il est obligé au départ de mettre les siennes d'abord sur les cases de couleurs foncées. Les règles sont un peu compliquées mais on finit par s'y faire et on découvre alors un mode de jeu différent de Shanghai, un peu plus stratégique, quoique la chance y occupe encore une place prépondérante. La difficulté et l'IA sont assez bien dosées, mais on préférera quand même tenir le rôle du Slayer, plus intéressant. Selon l'issue du match, on nous montre ensuite si le Master a réveillé le dragon ou s'il en a été empêché. Le Dilemme du TournoiDans la version Master System de Shanghai, on se plaignait qu'il n'y avait pas de vrai mode tournoi. Bonne nouvelle, il y en a un ici ! Il vient toutefois avec son lot d'imperfections, les principales étant le manque de clarté et d'interface. Il n'y a aucune indication qu'on dispute le tournoi, à part pour une image récurrente et une petite fenêtre d'alerte occasionnelle qui tient les scores à jour. Le tournoi commence par un jeu de Dragon's Eye où l'on est le Slayer, puis il est suivi de trois jeux de Shanghai dans des arrangements différents. On reçoit un mot de passe entre chaque étape puis on reprend avec un nouveau match de Dragon's Eye, où l'on est cette fois le Master. Cela continue ainsi jusqu'à ce qu'on ait joué à Shanghai dans les douze formations du pseudo-zodiaque chinois, après quoi, sans avertissement, on reprend à zéro. Même en y mettant du sien, ce mode se révèle une expérience plutôt décevante. Shanghai a un but véritable, qui est de retirer toutes les tuiles d'un empilement sans se retrouver bloqué, sans avoir à les remélanger. C'est un énorme travail de réflexion, qui nécessite de rejouer certaines formations un grand nombre de fois pour déterminer l'emplacement des tuiles sous-jacentes et établir un ordre d'élimination. Dans Shanghai 3, Home Data en fait un impératif du mode tournoi. Mais dans la plupart des versions qu'Activision a supervisées, comme celle-ci, cette règle au contraire est généralement implicite et optionnelle; on ne nous dit pas franchement que c'est ce qu'on attend de nous. On gagne beaucoup plus de points lorsqu'on y parvient, mais sinon, on peut continuer le tournoi comme si de rien n'était. Un chronomètre a même été ajouté, qui incite à prendre des décisions rapides. Quelque part, il y a une contradiction dans cette idée. Les concepteurs font des choix imprécis et semblent indécis sur leur game design. Ils retirent le challenge et nous donnent à la place une semi-liberté. Mais à quoi sert-elle ? Abolir les contraintes, sans doute parce que la difficulté est jugée intimidante, dénature le jeu, le prive de son statut de casse-tête. Cela en fait un jeu sans objectif, un passe-temps un peu contemplatif, ce qui est bien la façon dont la plupart des gens perçoivent Shanghai. Au-delà des matches de Dragon's Eye, eux clairement définis, le mode tournoi n'a aucun sens si on ne se fixe pas soi-même un but. Petit Dragon IngratAlors, Activision a-t-il eu raison de renier le Shanghai 3 japonais pour créer le sien ? On ne se prononcera pas catégoriquement. Ce sont deux approches. Il y a du pour et du contre dans chacune. Et c'est amusant d'une certaine façon, car c'est bien typique des jeux Shanghai: chaque version apporte ses améliorations et ses idées, mais chaque version perd aussi les apports des précédentes ! En sorte que même si le principe est toujours le même, ses incarnations, elles, ne le sont jamais ! Shanghai II sur Genesis a beaucoup plus de choses à offrir que les autres, mais il ne le fait pas toujours très bien. Le style graphique est tellement enfantin et dépassé qu'on a du mal à le tolérer, tout comme les menus Macintosh années 80, les chargements, les ralentissements, tous aussi inadmissibles les uns que les autres. Les musiques ne sont pas très fines non plus, mais l'essentiel est qu'on arrive à faire des paires, n'est-ce pas ? Et au fond, on peut le dire: ouf, le plaisir made in Shanghai est toujours présent. AppendiceComme on l'avait fait pour Crossed Swords, quelques notes additionnelles qui n'ont pu trouver de places dans le test même. le 24 septembre 2012 par sanjuro Jeu testé en version américaine
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