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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


Sega sort ses bijoux de famille et qui c'est qui doit les astiquer ?

Columns

Columns

コラムス
 

 Mega Drive

Développeur:
Sega

Editeur:
Sega
Genre:
Réflexion

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
30.06.1990 Japon
1990 USA
1990 Europe
bonne Difficulté:

77%Graphismes
75%Animation
85%Son
93%Jouabilité
90%Durée de vie

87%87%

Tous les tests de Columns commencent à peu près de la même façon, en des termes anodins mais peu flatteurs: "c'est un clone de Tetris", "c'est un Tetris-like", "c'est comme Tetris", "c'est le Tetris de Sega". On aurait bien aimé faire différemment mais on vient juste de faire la même chose, en pire, en soulignant lourdement que TOUT LE MONDE PENSE QUE CA RESSEMBLE A TETRIS. Cela dit, ce n'est pas parce que tout le monde pense que vous ressemblez à Brad Pitt que vous êtes Brad Pitt, vous avez votre charme propre; et Columns, c'est pareil: au bout du compte, il ressemble autant à Tetris que vous ressemblez à Brad Pitt.

Mais l'ombre de Tetris plane... tenez, que Sega l'ait fait exprès ou non, ils ont créé un premier parallèle avec l'agaçant titre rival de Nintendo en insérant des références culturelles à un pays. Dans Tetris, c'était la Russie traditionnelle, dans Columns, c'est la Grèce antique. Et ils l'ont fait exactement de la même façon, par petites touches plutôt que de lui donner franchement une nationalité; on le perçoit dans les musiques, dans l'écran titre et dans certains motifs du graphisme.

Justement, une fois n'est pas coutume, commençons par les musiques. Il y en a trois, comme dans... argh ! Pas très malin Sega s'ils voulaient se différencier, mais le voulaient-ils vraiment ? Ces trois musiques portent les noms des Moires, les déesses grecques qui tissent le destin des hommes, il y a Clotho, Lathesis et Atropos. Avec un peu d'imagination, on pourrait presque reconnaître dans les musiques les fonctions de chacune de ces dames. Clotho tourne la roue, et sa musique, la plus connue et agréable des trois, a un rythme de litanies très spécifique qui évoque le cercle, la boucle. Celle d'Athesis au contraire a des sons longs, aériens mais calculés; normal, c'est elle qui mesure le fil. Plus pointue, la mélodie d'Atropos peut elle aussi évoquer son rôle, qui est de couper le fil de la vie.

Plus la pile de blocs se rapproche du sommet, plus le tempo s'accélère jusqu'à invoquer une nouvelle musique jouée sur un rythme battant. Une autre, pragmatiquement intitulée "Select", mérite aussi d'être évoquée, avec Clotho, c'est la meilleure du jeu. Ce sont de bonnes compositions et ce qui les distingue de la production habituelle est justement ce qui distingue Columns de Tetris, ce qui lui donne une personnalité et du charisme: son atmosphère unique. C'est son atout majeur, sa botte secrète, s'il ne pouvait rivaliser avec Tetris sur la primauté du principe, il le pouvait sur celui de la présentation. Columns est beaucoup plus atmosphérique et cela se répercute aussi dans la façon de jouer.

Dans Columns, le bloc n'a qu'une seule forme, celle d'un pavé composé de trois joyaux, "jewels" en anglais. Ce n'est pas la forme qui change, mais le contenu, les joyaux dont la ciselure et surtout la couleur diffèrent. Ce sont ces pierres précieuses qu'il convient d'aligner et de faire disparaître, ce qui se produit quand trois pierres identiques ou plus sont juxtaposées horizontalement, verticalement ou diagonalement. Le mécanisme de jeu évoque plus celui de Dr. Mario que de Tetris, mais Columns étant antérieur aux aventures du docteur Knock des jeux vidéo, c'est donc à Sega que revient pour une fois la paternité du concept, ou plus exactement, à Jay Geertsen. Car à la base Columns est un jeu développé sur ordinateur par ce monsieur, qui en aura ensuite vendu tous les droits à Sega.

Le reste par contre ressemble bien à Tetris (eh oui, désolé !). Les blocs tombent du haut de l'écran dans ce puits mystique commun à tous ces jeux, la pièce suivante est systématiquement annoncée, la vitesse s'accélère à chaque niveau; nous sommes en terrain connu. Ou presque. En vérité, Columns se joue bien différemment de son aîné et le non-initié risque de ne pas s'en apercevoir au début. Le bouton d'action sert évidemment à changer l'ordre des joyaux dans le bloc et non à tourner ce dernier. La subtilité de Columns se cache toutefois ailleurs, dans le temps de contrôle que l'on conserve sur un bloc.

La chute des blocs gagne rapidement en vitesse, même si dans les premiers niveaux il lui arrive de diminuer par la suite. Mais passé un point, les blocs tombent comme des masses et on peut à peine contrôler leur chute. On est obligé d'anticiper la pièce suivante pour l'envoyer tant bien que mal à droite ou à gauche. Cependant, même immobile, on conserve la liberté de la manipuler pendant une précieuse seconde avant que le bloc suivant ne tombe: on peut changer l'ordre des joyaux mais également la faire glisser en contrebas. C'est savoir maîtriser cette technique qui permet de s'en sortir.

Mais là où le bât blesse a priori, c'est avec cette question: "au fond, à quoi cela sert-il de vouloir s'en sortir ?" Columns sur Mega Drive n'a en effet pas de fin, et tôt ou tard une partie se termine avec un game over; une différence avec Tetris pour une fois mal venue. On aligne les rubis et émeraudes sans trêve, on joue juste pour le score, qu'il faut alors noter avec un papier et un crayon en l'absence de sauvegarde. C'est un très vilain défaut d'autant plus qu'il y a un nombre satisfaisant de modes de jeux et de paramètres: quatre modes de difficulté en arcade avec en prime le choix du niveau de départ parmi trois, un mode "original game" et "flash columns" avec plusieurs réglages dont un temps limite, et des modes deux joueurs pour tous, dont "doubles" qui permet de manipuler une pièce alternativement. Le système de difficulté est d'ailleurs bien pensé: pour mieux l'équilibrer, un joyau a été retiré de certains modes.

En général, les jeux sans fin sont la cause d'un agacement lui aussi sans fin. On déteste jouer à l'infini, cela équivaut à gaspiller son temps dans un procédé qui n'est pas prévu pour s'arrêter. Le miracle Columns est que si inévitablement agacement il y a, il n'est jamais assez fort pour nous écarter du jeu. On y revient, sans mauvaise conscience, ni rancoeur, peut-être plus facilement encore qu'avec Tetris, mais pour des raisons différentes, car il y a quelque chose d'hypnotique dans le jeu. Ce n'est pas le même genre d'accoutumance: Tetris, c'est la drogue dure, Columns, c'est le champignon, la transe, la fumée d'opium dans un salon rempli de narguilés. On enfile les joyaux inlassablement le long d'un fil invisible tissé par les Moires jusqu'à une heure avancée de la nuit. Le visage est fatigué, l'esprit assoupi, mais un lien mental persiste. Et quand finalement on tombe de sommeil ou que le game over nous surprend au détour d'une réaction en chaîne qui n'a pas eu lieu, le retour à la réalité est un peu brutal, comme de redescendre sur terre après un long voyage dans des nues colorées.

On pardonne ses défauts à Columns parce que malgré tout il nous captive, grâce à son principe et à une ambiance si particulière, à demi-mystique, qui n'a absolument rien de commun avec Tetris mais exerce une fascination consciente ou non. Le plus triste est que Sega ne semble jamais avoir pleinement réalisé les possibilités offertes par l'atmosphère de ce Columns. Et plutôt que d'explorer cette voie, de persévérer dans ce style mélangeant de manière habile et surprenante Grèce antique et psychédélisme, ils auront uniformisé le principe, ils auront fait de lui ce que cette version résistait à faire, un ersatz de Tetris, un objet de mode. Il n'y a qu'à voir la dernière version en date sur Game Boy Advance, Columns Crown, avec d'atroces personnages manga si fades et si communs, le même genre d'inepties avec lesquelles Sega enlaidit tous ses jeux récents. Ils n'ont même pas fait l'effort d'aller jusqu'au bout de cette version Arcade/Megadrive, qui aurait pu produire sur certains points un résultat supérieur au puzzle russe. L'absence de fins et d'aboutissement pourrait évoquer une image, celle d'un monument, un temple grec bien entendu, dont une extrémité se serait effondrée et n'aurait pas été reconstruite, mutilant une oeuvre d'art et la laissant à jamais incomplète.

le 18 mai 2009
par sanjuro



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