Quoi ! un nouvel héros entièrement original rien que pour la Game Gear !

Ah ben non, raté. Désolé Game Gear, c'était une erreur. Sega ne prend pas cette peine pour toi. Tempo est en fait un petit bonhomme qui vient du trente-deux ziksse. D'où ça ?! Vous savez bien, le 32X, cette extension de la Megadrive qui reçut quelques jeux sur le tard, période 1994-95. La Game Gear voit rouge, "ON SE MOQUE DE MOI !!" Mais non, rassure-toi petite, ton Tempo Jr débarqua un mois plus tard, donc presque en même temps.

Dans cette version junior, on dirige toujours le sieur Tempo, qui est... enfin c'est un... mais oui, c'est sûrement un... Non, on ne sait pas ce que c'est. Mais en tout cas lui et ses compatriotes ressemblent à des insectes, des insectes qui aiment la musique, d'où son nom. Du coléoptère, Tempo tient la faculté de voler, et du musicien, l'hygiène douteuse. Mais aussi bien sûr le talent de faire de la musique ! Il lance des notes (de musique, pas d'hôtel), et je ne sais pas si vous vous êtes déjà pris une clef de sol dans la tronche, mais à en croire les ennemis du jeu, ça fait drôlement mal. N'essayez pas chez vous.

Les notes permettent d'étourdir les vilaines bêbêtes dont la plus commune ressemble à un puceron hydrocéphale. Tempo les achève ensuite avec un bon coup de latte. Comme récompense, il reçoit encore une note de musique, mais plus grosse celle-là. Elle va s'ajouter à sa barre de vie, même chose avec les disques. Et quand sa barre est pleine et clignote, appuyez sur 1+2 et Tempo se lâche: il exécute une danse en freestyle, avec des mouvements improvisés plutôt cocasses. Les monstres aiment tellement qu'ils lui jettent des pièces, ou pour être exact, ils explosent en pièces.

Ce sont en fait des jetons qui servent à payer les deux niveaux bonus. Le plus courant est un jeu de mémoire musicale, un Simon, si vous préférez, le jeu électronique. On doit répéter des notes qu'on entend, avec toujours une qui vient s'ajouter au bout. C'est un peu trop long et fastidieux pour un bonus; ça coupe le rythme du jeu. Si l'on fait ça sérieusement, on risque de passer plus de temps dessus que sur le niveau même. Tous sont en effet d'une longueur moyenne et peu nombreux: quatre mondes de deux niveaux chacun avec à chaque fois un boss, plus un finale qui régurgite une partie du bestiaire.

Huit petits niveaux ! Une taille d'insecte ! La brièveté est une caractéristique des derniers jeux Game Gear. Surtout que celui-là s'inscrit dans le programme Sega Club. Des titres destinés aux enfants. Et ça se sent ! C'est terriblement facile. On le finira à la première partie si l'on a un peu d'expérience avec les jeux de plates-formes. Mais les enfants sont-ils vraiment le public recherché par Sega, ou est-ce une excuse pour offrir des jeux sans grande envergure et vite expédié ?

On peut se poser la question, même s'il faut admettre que la réalisation renferme de bonnes surprises. Le graphisme est fun, très coloré, et en même temps reposant. L'animation est riche; Tempo bouge avec la souplesse et la grâce d'un personnage 16 bits. Sega a certainement converti les phases d'animation du 32X. Et le son, musique comprise, est tout à fait tolérable. Les deux boss qu'on n'affronte pas sur scène, des animaux-robots, se paient le luxe d'être impressionnants. La résolution de la Game Gear rend pourtant ce genre d'exercice difficile. Par contre, certains niveaux souffrent de gros ralentissements qui durent. Cela semble venir des ennemis. Alors vite, détruisons-les !

On se régale aussi de la maniabilité. Les ailes de Tempo lui permettent de tracer et son vol réduit tellement la chute qu'on est brièvement stationnaire. Tirer des notes n'est pas aussi précis, mais cela n'a que peu d'importance. Le point de sauvegarde mi-parcours est lui marqué par une fleur et une jolie petite idée.

Non, Sega ne nous prend pas pour des poires, la réalisation moderne (c'est 1995 après tout, l'an Playstation) est trop soignée pour ça. Mais Tempo est aussi bien trop sommaire pour rassasier — et bien trop facile pour nous retenir. En dix ans, Sega Scrooge s'est transformé en Sega Mère Teresa, ils bichonnent le joueur comme s'il était encore en couche-culotte. Peut-être la raison d'être de ces jeux courts vient des limitations mêmes de la console, on sait la faiblesse de son autonomie. Ici, il y a largement assez de temps pour finir.

Reste que Tempo est un personnage charismatique. Et finalement, durant cette brève aventure, c'est lui surtout qu'on découvre. Sa tignasse blonde, sa combinaison verte, ses quatre bras qui n'aparaissent pas tout le temps, ses fines ailes sous ses élytres qui lui donnent ce pouvoir de vol ô combien pratique, ses écouteurs qui ne quittent jamais sa tête, ses pas de danse audacieux. Il est hautement sympathique ce petit bonhomme. Il est cool et musical, et par là-même perpétue une tradition Sega, celle de Moonwalker et ToeJam & Earl, et annonce aussi le futur, Space Channel 5 et Jet Set Radio. Avec ses écouteurs et ses grands yeux, Tempo pourrait être une esquisse de Beat, le héros de JSR. Mais avant ça, il eut droit à une suite bien à lui, Super Tempo sur Saturn, qui, est-ce possible, est encore moins connue que les deux premiers !

(notons tout de même que Red, les créateurs de PC Kid, sont responsables du character design; le degré de leur contribution demeure assez flou)

Et si vous trouvez la note un peu sévère, rajoutez 20%... mais SEULEMENT dans le cas où vous ne comprendriez aucun mot de ce qui est écrit ici et que, assis sur les genoux de votre papa, c'est lui qui vous lirait cette page.