Santa Claus no Takarabako n'est pas un jeu, du moins pas dans le sens coutumier. Sur 1UP, pourtant, on ne teste que des jeux vidéo. Mais voilà, il arrive que certains d'entre eux aient des ambitions étranges, se prennent un peu pour des logiciels d'ordinateur et fassent des tentatives pas toujours bien maîtrisées pour être remarqués. La Famicom était particulièrement friande de ces expérimentations hasardeuses. Si de loin cette démarche audacieuse et pionnière lui confère une sorte de prestige qui inspire encore des consoles aujourd'hui et leur impose l'humilité, vu de près ce n'est pas toujours si glorieux.

Il y a deux sections bien distinctes dans Santa Claus no Takarabako, une sur chacune des faces de la disquette puisque ce jeu, ce programme tourne sur le Famicom Disk System. La première permet de créer une carte de Noël virtuelle qui est lancée automatiquement à chaque fois qu'on met la console sous tension. La carte se compose d'une image sobrement animée, d'étiquettes pour l'emplacement des noms, d'un texte qui défile horizontalement (comme avec le tag <marquee> en HTML) et d'un Père Noël qui marche d'avant en arrière à la façon d'un fêtard un soir de réveillon. La face A de la disquette contient quant à elle quatre mini-jeux (party games) qui en fait... ne sont pas non plus des jeux. Nous y reviendrons.

On échappe à la carte en appuyant sur Select. Il n'y a pas beaucoup de façons de configurer celle-ci et c'est ce qui rend le concept très limité. On peut écrire un nouveau message, avec des caractères japonais et alphanumérique, mais pas plus de 136 caractères de long, noms inclus. Ben oui, la Famicom avait devancé Twitter de vingt ans. Il est possible encore de changer l'image et la musique, parmi les trois de chaque disponibles, et enfin de modifier le sprite. Mais ce n'est pas Mario Paint — et celui-ci n'était déjà pas une référence en matière de conception graphique. Le sprite de 16x24 pixels est divisé en 6 blocs, 2 frames d'animation et 3 couleurs parmi 52. Avec ça on ne peut pas faire grand chose. Les moins inspirés se contenteront de changer la couleur du Père Noël, les plus vilains de lui dessiner une érection.

On peut sauvegarder sa création, ce qui est sans doute l'unique raison pour laquelle ce Santa Claus no Takarabako d'un petit mégabit (128 Ko) se trouve planté dans une disquette plutôt que dans une cartouche. La sauvegarde peut sembler bien inutile vu le peu de marge créative dont on dispose, mais c'est parce que tel que le conçoivent ses auteurs, le but de ce programme est d'afficher immédiatement la carte de voeux sur le téléviseur. C'est un peu comme ces DVD d'ambiance qui ne contiennent rien d'autre qu'un feu de bois brûlant lentement dans l'âtre. Ils imaginaient sans doute les familles japonaises réveillonnant autour de ce jeu, ou le petit Toshio en faisant la surprise à ses parents. Le graphisme de la carte est assez joli et les musiques surtout sont bien jouées; on reconnaît sans peine Douce nuit (Silent Night), Vive le vent (Jingle Bells) et Mon beau sapin (O Tannenbaum).

Si la note de durée de vie était basée sur le nombre de jours qu'on passe sur un jeu dans une année, il faudrait ici lui donner 0,3%, parce que malheureusement ça ne nous occupera pas plus d'un jour par an, juste le temps du réveillon, et sans doute même un peu moins. Il reste encore les quatre mini-jeux-qui-n'en-sont-pas. Il y a du bingo, une roulette, une machine à sous de type bandit manchot ("on m'a appelééé ?") et du poker d'as. Leur réalisation est convenable, un peu trop colorée pour les deux premiers. Mais il y a un hic. Tous fonctionnent comme des outils, des accessoires, sans la présence de règles ou d'une structure. Il n'y ni victoire, ni échec, ils se contentent de produire des résultats aléatoires. Si l'on veut jouer avec, il faut s'organiser avec les autres participants, miser, écrire sur des papiers, etc.

Notre note finale est impitoyable car comme nous le disions au début: sur 1UP, nous testons des jeux. En termes de ludisme, même en tenant compte de l'approche créative, c'est le fond du panier. Les petits enfants qui ont reçu cette disquette Famicom le soir de Noël ont dû faire la moue le lendemain. Le titre japonais "Santa Claus no Takarabako" signifie en fait "Le Caca du Père Noël". Mais si ! Bien traduire est tout un art. Voici un aspect des contes de Noël que vous ne connaissez sans doute pas. Si l'on sait que le Père Noël apporte des cadeaux aux enfants sages, on sait moins qu'il a aussi quelque chose pour ceux qui ont été vilains: au lieu d'un jouet, il dépose personnellement dans leurs souliers une petite crotte toute fraîche. Voilà pourquoi il a un gros ventre et sans doute aussi pourquoi il apparaît si maigre sur la boîte du jeu, parce qu'il a fini sa tournée des enfants pas sages !

De nos jours, Santa Claus no Takarabako fera plutôt la joie des collectionneurs en quête de curiosités retrogaming que des enfants. La réalisation est trop faible, tout comme le peu de jouabilité présent; le seul moment qui en requiert une once est l'altération du sprite et c'est tout sauf intuitif. On ne lui accordera pas la moindre clémence. Vers cette même période, Noël 1987, sortait aussi Faxanadu, Punch-Out, Megaman, Final Fantasy et Metal Gear. S'il devient un classique, ce sera peut-être sur notre site en tant que carte de voeux. Et cela, après tout, ne serait que logique puisque c'est là son rôle depuis plus de vingt ans.